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IV Adhésion fibre / matrice dans les composites

1 Théories d’adhésion

L’adhésion de deux matériaux ne dépend pas seulement de leurs arrangements atomiques, moléculaires et de leurs constitutions chimiques respectives mais également de leur morphologie et de leur capacité à diffuser l’un dans l’autre pour créer des interactions. Les mécanismes responsables de l’adhésion peuvent être attribués aux phénomènes de mouillage, d’adsorption, d’interactions électrostatiques, de liaisons chimiques, de liaisons supramoléculaires et de liaisons faibles. Dans cette partie, nous ne les détaillerons pas de manière précise puisqu’on peut facilement se rapporter à des ouvrages de référence.

1.1 Ancrage mécanique

La théorie de l’ancrage mécanique est la plus ancienne des théories d’adhésion. Elle a été mise en place par McBain et Hopkins en 1925 [139]. Pour les composites, ce modèle considère que l’adhésion provient d’un ancrage physique du polymère dans les aspérités des fibres de renforts. La topographie de celles-ci joue donc un rôle très important sur l’accroche mécanique grâce à l’augmentation de la surface de contact et du nombre d’interactions interfaciales. Cependant l’augmentation de la rugosité pour améliorer l’adhésion a des limites puisqu’elle nécessite un mouillage parfait du polymère. En effet une trop forte rugosité risque de piéger des bulles d’air dans les aspérités générant des concentrations de contraintes importantes dans le matériau.

Figure 1.52 Influence de la rugosité des substrats sur l’ancrage mécanique [140]

1.2 Liaisons chimiques

Deux grands types de liaisons chimiques interviennent aux interfaces. Il y a d’une part les liaisons inter-atomiques qui correspondent à des partages d’électrons entre les matériaux à l’interface et d’autre part des interactions inter-moléculaires (également appelées interactions de Van der Waals ou liaisons hydrogène) qui s’établissent à des distances plus importantes. Ces types de liaisons sont résumés dans le tableau 1.10.

Type de liaison Nom des liaisons Descriptif Energie (kJ.mol-1) Distance d’interaction (nm) Inter-atomique Métallique

Cette liaison résulte d’une mise en commun de tous les électrons de valence occupant des niveaux d’énergie délocalisés sur tout le volume du métal

110 – 350 0.1 – 0.3

Covalente

La liaison est assurée par 2 électrons qui attirent à la fois les 2 noyaux et les maintiennent unis. Cette liaison est très directionnelle

200 – 800 0.1 – 0.2

Ionique

Cette liaison est due à des forces électrostatiques entre ions positifs et négatifs ; elle est non directionnelle. La liaison ionique pure n’existe pas car il y a toujours une composante covalente dans les matériaux polymères

355 –

1050 0.1 – 0.2

Inter-moléculaire

Hydrogène

Cette liaison a lieu entre un atome électronégatif et un atome d’hydrogène ayant par ailleurs une liaison avec un autre atome. Cette liaison a lieu la plupart du temps entre deux molécules différentes, mais aussi parfois entre deux atomes d’une même molécule : elle peut être classée entre les liaisons inter atomiques et les liaisons inter-moléculaires

10 – 40 0.25 – 0.5

Debye

Ces interactions se produisent entre des molécules possédant un moment dipolaire permanent et des molécules non polaires. Le champ électrique produit par le dipôle permanent déforme le nuage électronique de la molécule non polaire et provoque chez celle-ci l’apparition d’un dipôle induit

2 0.4 – 0.5

Keesom

Ces interactions se produisent entre molécules possédant un moment dipolaire permanent. Elles sont électrostatiques et importantes en raison de la présence de charges électriques localisées. Les molécules présentant ce type d’interactions auront tendance à s’orienter les unes par rapport aux autres de façon à ce que leurs pôles respectifs s’attirent les uns les autres

4 – 21  0.3

London

Ces interactions se produisent entre molécules ne disposant pas de dipôle permanent. Des dipôles instantanés (déséquilibres momentanés de la distribution électronique) peuvent alors apparaître. Dans le modèle quantique de l’atome, on ne peut attribuer une position déterminée aux électrons, ceux-ci se déplaçant en permanence. Il y a apparition de dipôles si les barycentres des charges positives et négatives sont différents. Pour les molécules non polaires, ces barycentres sont confondus en moyenne et le moment dipolaire permanent est nul. Mais à un instant donné, à cause du caractère aléatoire du mouvement électronique, ces barycentres ne sont pas confondus et il existe donc un dipôle instantané pour chaque molécule. Ce dipôle instantané va d’ailleurs induire d’autres dipôles instantanés sur les molécules proches. Il existera donc des interactions électrostatiques instantanées qui vont donner une cohésion au liquide ou au solide

4 - 42 0.3 – 0.4

Les liaisons les plus énergétiques sont les liaisons inter-atomiques, elles sont obtenues par réaction(s) chimique(s) entre les groupements de la matrice et des fibres. Il n’est parfois pas possible d’obtenir ce type de liaisons dans les composites puisque la matrice et le renfort ne présentent pas ou peu des fonctions capables de réagir. Pour cette raison, des traitements de surface sont généralement utilisés pour accroitre ou générer des interactions. Il est également possible d’utiliser des agents de couplage qui font le lien entre la matrice et les fibres en réagissant avec chacun d’entre eux. Les liaisons de plus faible énergie contribuent également à l’adhésion entre les matériaux en générant la mouillabilité nécessaire à la fabrication du matériau. Nous allons voir comment ces forces faibles participent à la thermodynamique du mouillage.

1.3 Adhésion d’un point de vue thermodynamique

Le mouillage des fibres par la matrice est un prérequis pour la consolidation de matériaux composites car il assure un contact intime entre les constituants et limite l’introduction de porosités dans le matériau.

1.3.1 Equation de Young

Le mouillage thermodynamique d’un substrat solide par un liquide est dépendant de quatre paramètres décrits par l’équation de Young :

cos

LV SV SL e

γ θ=γ γ π (1.8)

Avec γSV, γSL,γLV et θ, respectivement les énergies de surface solide / vapeur, solide / liquide,

liquide / vapeur et l’angle de contact du liquide sur le substrat solide. πe est la pression superficielle liée à l’adsorption de liquide à la surface du solide. On la définit telle que :

e S SV

π =γ γ (1.9)

Avec γS l’énergie de surface du solide dans le vide. D’une manière générale, la valeur de πe

est négligeable pour les polymères [142]. La simplification donne donc la relation suivante : cos

SV SL LV

γ =γ +γ θ (1.10)

La mesure de l’angle de contact d’un liquide à la surface d’un matériau permet de qualifier le mouillage : 0 θ=  : mouillage total 90 θ  : mouillage partiel 90 θ  : mauvais mouillage

Figure 1.53 Goutte en équilibre sur une surface solide, illustration de l’équation de Young

1.3.1.1 Origine de la tension superficielle

Les tensions superficielles des liquides sont liées à la présence d’une interface entre le liquide et le gaz environnant. Les molécules présentes en surface d’un liquide ne subissent pas les mêmes interactions qu’au centre puisque les interactions avec les molécules gazeuses sont quasi nulles. D’après l’orientation des forces d’interactions entre les différentes molécules représentées sur la figure 1.54, on peut voir (en négligeant les interactions liquide / gaz), que les molécules situées en surface ont tendance à se diriger au cœur du liquide.

Figure 1.54 Représentation des interactions en surface et au cœur d’un liquide

Il en résulte une pression très importante. L’augmentation du volume de liquide permet de minimiser le rapport surface / volume et donc de diminuer l’énergie totale du système. Cette augmentation de surface a cependant un coût énergétique lié à la tension de surface : on la définit comme la force qu'il faut appliquer par unité de longueur le long d'une ligne perpendiculaire à la surface d'un liquide en équilibre pour provoquer l'extension de cette surface : , , P T n G γ A    =  (1.11)

1.3.2 Equation de Young - Dupré

L’énergie réversible d’adhésion est donnée par la relation de Dupré :

SL SV LV SL

W =γ +γγ (1.12)

En combinant les équations (1.10) et (1.12), on obtient la relation suivante :

(

1 cos

)

SL LV

W =γ + θ (1.13)

1.3.3 Approche de Fowkes

L’approche de Fowkes se base sur deux suppositions fondamentales. D’une part les énergies de surface sont constituées d’une multitude de contributions :

d p h ab

γ γ= +γ +γ +γ (1.14)

Avec γd, γp, γh et γab, respectivement, les contributions dispersives, polaires, hydrogène et acides / bases. D’autre part, les énergies réversibles d’adhésion de ces contributions sont équivalentes à la moyenne géométrique :

2 2 2 2

d d d p p p h h h ab ab ab

SL LV SV SL LV SV SL LV SV SL LV SV

W = γ γ W = γ γ W = γ γ W = γ γ (1.15)

1.3.4 Modèles d’Owens-Wendt et de Wu

Les modèles d’Owens-Wendt et de Wu sont les modèles les plus utilisés. Ils considèrent la somme de deux contributions. La partie dispersive γd est liée aux interactions de type London et la partie non dispersive γnd est liée aux interactions polaires, hydrogène et acide / base. Le modèle d’Owens - Wendt [143] est donné par la relation suivante :

2 d d 2 nd nd SL LV SV LV SV W = γ γ + γ γ (1.16)

(

1 cos

)

2 d d 2 nd nd LV LV SV LV SV γ + θ = γ γ + γ γ (1.17)

Ce modèle est généralement utilisé pour les solides à énergie de surface élevée. Pour les matériaux à plus faible énergie de surface, Wu a montré expérimentalement que l’utilisation de moyennes harmoniques pour le calcul des composantes γS et γL donnait de meilleurs résultats par rapport à l’approche géométrique de Fowkes [144]. Ce modèle est donc préféré pour les matériaux polymères :

4 4 d d nd nd LV SV LV SV SL d d nd nd LV SV LV SV γ γ γ γ W γ γ γ γ = + + + (1.18)

(

1 cos

)

4 4 d d nd nd LV SV LV SV LV d d nd nd LV SV LV SV γ γ γ γ γ θ γ γ γ γ + = + + + (1.19)

2 Notion d’interface / interphase