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II Matériaux composites thermoplastiques

1 Le polysulfure de phénylène

1.5 Dégradation thermique

Figure 1.11. Évolution du module de conservation en fonction de la température (3 °C min-1) pour trois échantillons de cristallinités initiales différentes [18]

Il a donc été vu dans cette partie que les masses molaires des polymères étudiés conditionnent en grande partie les propriétés mécaniques obtenues. Les polymères à hautes masses molaires présentent les meilleures propriétés mécaniques et voient leur résistance à l’impact et leur résistance à la propagation de fissure augmenter. Le polysulfure de phénylène, étant un polymère semi-cristallin, est également sujet à des modifications de ses propriétés mécaniques liées à son état cristallin (taux de cristallinité, morphologie). L’augmentation de ce taux de cristallinité peut s’accompagner d’une hausse comme d’une diminution des propriétés mécaniques (contrainte, ténacité) selon la masse molaire du polymère. Compte tenu de la multitude de paramètres pouvant jouer sur les propriétés mécaniques du polymère, il est impératif de connaitre aussi finement que possible l’état du polymère pour établir des relations structures propriétés faisant sens. L’augmentation des propriétés mécaniques de la matrice polymère peut donc avoir une incidence toute particulière sur le composite final, son rôle est détaillé dans la partie dédiée aux matériaux composites réalisés à partir de mèches comélées.

1.5 Dégradation thermique

Les mécanismes de dégradation du PPS peuvent générer des problèmes lors de la mise en forme du matériau ou lors de son vieillissement thermique. Les mécanismes de dégradation de ce polymère issus de la littérature, qui peuvent être observés à basse température (T < Tf), dans le fondu (T  Tf), ainsi que lors de sa combustion (T >> Tf) sont ainsi présentés ci-dessous.

1.5.1 À l’état solide (T < Tf)

Peu d’études portent sur la résistance à la dégradation thermique du PPS en dessous de sa température de fusion, à savoir 280 °C. Il s’agit pourtant d’une donnée importante à prendre en compte pour la durabilité des pièces en service à haute température (T > 200 °C).

Gros et al [19] ont évalué le vieillissement thermique de PPS renforcé par des fibres de verre (FV) (40 % masse) maintenu à 250 °C pour des durées allant de 0 à 8000 h. En utilisant plusieurs techniques d’analyse (perte de masse, DMA, FTIR), les auteurs ont mis en évidence un mécanisme de réticulation intervenant à ces températures donnant lieu à une augmentation importante de la Tg. Pour le temps de vieillissement le plus long (310 jours), les auteurs observent une diminution très importante des propriétés mécaniques ainsi qu’une disparition de la matrice PPS en surface du composite.

Une étude similaire a été réalisée dans les années 1980 par Hill (Philipps Petrolum) [20]. Après vieillissement thermique de 10000 h à 246 °C, les auteurs ont observé une diminution de 46 % de la contrainte à rupture en traction de leurs composites PPS renforcés fibres de verre (40 % masse). Ils ont obtenu de meilleurs résultats avec une formulation PPS renforcée par du verre et des minéraux avec une diminution de 30 % de la contrainte à rupture en traction après 8000 h à 260 °C.

Figure 1.12 Contrainte à la rupture en traction de composites PPS / fibres de verres après vieillissement sous air à différentes températures [20]

1.5.2 À l’état fondu (T  Tf)

Plusieurs auteurs ont mis en évidence que des phénomènes de dégradation similaires pouvaient s’effectuer dans le fondu. Dans les travaux de Caramaro et al [21], l’évolution de la viscosité en fonction du temps de maintien met en évidence plusieurs mécanismes de dégradation du polymère en environnement inerte. Ils ont observé une augmentation linéaire de la partie réelle de la viscosité dynamique en fonction du temps pour un échantillon de faible masse molaire (Mw < 20 000 g.mol-1). La valeur initiale est passée de 20 Pa.s à 110 Pa.s en 60 min. Ce résultat indique un mécanisme d’allongement de chaînes qui s’accompagne d’une hausse de la viscosité. L’hypothèse d’un mécanisme de réticulation est écartée tout de suite car les enthalpies de cristallisation ne diminuent pas de manière importante. Sur les échantillons de haute masse molaire (Mw  60 000 g.mol-1), le mécanisme observé est différent

car une diminution de la viscosité est d’abord constatée, synonyme d’un mécanisme de coupures de chaînes, puis une augmentation importante de cette valeur. Elle indique que ce résultat pourrait provenir de deux phénomènes simultanés : dégradation et / ou coupure de chaînes suivi d’un mécanisme de recombinaison de chaînes.

Une étude similaire a été réalisée par Ma et al [22]. Dans leurs travaux, les auteurs ont étudié l’évolution des modules de conservation G’ et G’’ sous air et sous azote. Le point d’intersection de ces deux modules renseigne sur les mécanismes de réticulation / branchement de chaînes. Ils ont observé que la dégradation du PPS sous air était beaucoup plus rapide que sous environnement inerte et qu’elle était visible pour des températures assez basses (300 °C). Le mécanisme est également différent puisque l’évolution des propriétés du fondu est majoritairement liée à des mécanismes de réticulation et branchement de chaînes contre essentiellement des mécanismes d’allongement de chaîne sous azote.

Figure 1.13 Évolution des modules de conservation G’ et de perte G’’ du PPS en fonction de la température et du temps en environnement sous air à 1Hz G’ (•) 300 °C (⎯) 316 °C () 330 °C. G’’ (o) 300 °C (---) 316 °C () 330 °C [22]

1.5.3 Combustion (T >> Tf)

Montaudo et al [23] ont montré que la dégradation thermique du PPS est complexe. Le couplage des mesures thermogravimétriques et de l’analyse par spectrométrie de masse des composés obtenus pour différentes températures leur a permis de suggérer trois phénomènes concomitants. À 450 °C, les auteurs observent une cyclisation des chaînes macromoléculaires pouvant être initiée en bout de chaîne ou entre les chaînes. À 550 et 620 °C, ils observent l’apparition d’oligomères liée à des ruptures de chaînes. Ce dernier mécanisme en compétition avec la cyclisation devient majoritaire à partir de 660 °C. En parallèle, l’effet des hautes températures a tendance à créer des produits composés de thiodibenzofurane par élimination d’hydrogène. Au-dessus de 700 °C, le composé est proche d’une structure graphite grâce à l’élimination du soufre.

L’ensemble des mécanismes de dégradation sont à prendre en compte pour la réalisation et l’étude de pièces composites à partir de PPS. En effet, comme nous avons pu le voir ci-dessus, ces mécanismes peuvent influencer les procédés de transformation avec les évolutions de viscosité via l’augmentation ou la diminution de la longueur des chaînes, les propriétés mécaniques via les modifications structurales et les possibles réactions de réticulation, enfin les propriétés de recyclage du polymère.