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II Matériaux composites thermoplastiques

2 Les fibres de renfort

2.2 Fibres de basalte

2.2.1 Fabrication des fibres de basalte

2.2.1.1 Composition des fibres de basalte

Le basalte est une roche issue du refroidissement de roche volcanique en fusion. Sa composition chimique dépend donc de la composition du magma initial et peut varier de manière importante selon les régions. Le basalte naturel est modifié à l’aide de différents oxydes pour que sa composition soit relativement stable entre les différentes productions. Les fabricants doivent assurer un maximum de reproductibilité dans leur procédé pour que les paramètres tels que la température de fusion, la viscosité n’évoluent pas afin de conserver à la fois les propriétés mécaniques mais également la filabilité de la roche. Nous avons répertorié sur le tableau 1.6 les compositions des fibres de basalte utilisées dans quelques études issues de la littérature :

SiO2 Al2O3

FeO Fe2O3

CaO MgO K2O Na2O P2O5 SO3 TiO2 autres Méthode réf

48.4 14.7 15.3 7.7 4.7 1.6 3.0 - - - - - [88] 52.2 17.7 10.2 8.9 4.5 0.7 4.0 0.4 0.07 - 1.25 XRF [89] 52 17 10 8 6 5 - - 2 - - [90] 58 18 7 7 3 5 1 52.8 17.5 10.3 8.59 4.63 1.46 3.34 0.28 - 1.38 0.22 - [91] 48 14 14 9.5 5 1.3 3.1 - - 3.1 - - [92] 51.4 14.8 10.2 10.3 5.9 1.2 2.42 0.3 - - - - [93] 42.4 17.4 11.7 8.9 9.5 2.33 3.7 - - 2.6 - ICP-OES [94] 55.7 15.4 10.8 7.4 4.1 1.5 2.4 - - 1.2 - 53.4 14.2 11.0 7.8 5.4 1.1 3.8 - - 1.7 - 50.6 18 11.1 8.9 5.2 1.7 2.4 - - 1.1 -

Tableau 1.6 Compositions massiques de fibres de basalte (%masse) issues de la littérature

Les compositions rapportées dans la littérature sont relativement proches : les oxydes majoritairement présents dans les fibres de basalte sont la silice SiO2 ( 50 %masse), l’alumine Al2O3 ( 16 %masse), les oxydes ferreux FeO et ferriques Fe2O3 (10 %masse), la chaux CaO (

8 %masse) et la magnésie MgO ( 6 %masse). Si l’on compare ces compositions avec celles des fibres de verre, nous observons que les constituants principaux sont identiques puisque la silice et l’alumine sont les oxydes majoritairement présents (cf. tableau 1.7).

SiO2 Al2O3

FeO Fe2O3

CaO MgO K2O Na2O P2O5 SO3 TiO2 F2 B2O3 type

52-56 12-16 0-0.8 16-25 0-5 0-2 - - 0-1.5 0-1 0-10 E

60 25 - 9 6 - - - - - - - R

63-72 0-6 0-0.5 6-10 0-4 14-16 - - 0-0.6 0-0.4 0-6 A

Tableau 1.7 Compositions massiques de trois fibres de verre E, R et A (%masse) d’après [95]

2.2.1.2 Filage

Le procédé de filage est représenté sur la figure 1.29. Dans ce procédé, la matière présente dans un silo (1) est transportée par l’intermédiaire d’un système d’acheminement (2), (3) dans la station de chargement (4) du four (5). Ce four permet d’amener le mélange jusqu’à sa température de fusion. En général, celle-ci se situe entre 1400 et 1600 °C. Plusieurs méthodes de chauffage existent : gaz, électrique, pétrole mais toutes nécessitent des temps longs de stockage pour que la température soit homogène au sein du fondu. Une fois que le fondu est relativement homogène en température et composition, il est déplacé dans une seconde zone où le contrôle en température est plus fin (6). Les fibres sont réalisées par extrusion à travers les orifices d’une plaque en platine rhodium (7). L’étirage est réalisé grâce au moyen de bobinage qui adapte sa vitesse en fonction du diamètre moyen désiré (8), (9), (10). Lors de cette étape, les filaments sont enduits de la solution d’ensimage. Les bobines formées sont ensuite séchées avant usage [96].

2.2.1.3 Traitements de surface

a Ensimages

a.i Généralités

Les fibres de verre et de basalte partagent une composition chimique très proche, ce qui leur confère des propriétés de surface assez similaires. Les formulations d’ensimage initialement développées pour les fibres de verre sont donc les mêmes utilisées par les fibres de basalte. Comme dans le cas des fibres de carbone, l’ensimage est appliqué à la surface des fibres de basalte lors de leur fabrication. Cette formulation doit assurer plusieurs rôles nécessaires à la mise en œuvre des fibres [98] :

- Cohésion des mèches

- Protection des fibres lors des étapes de mise en œuvre (bobinage, tissage, comélage) - Protection contre l’humidité

- Élimination des charges électrostatiques - Mouillabilité

- Adhésion interfaciale

C’est pourquoi les formulations utilisées sont relativement complexes et bien protégées par les industriels. Nous allons détailler brièvement la composition générale de ces ensimages et les effets qu’ils peuvent produire sur les fibres.

a.ii Composition

La constitution générale des ensimages pour fibres de verre selon Gorowara et al [99] est présentée sur la figure 1.30. Les différents éléments qui rentrent dans ces compositions sont : les agents filmogènes (film former), les agents de pontage (silane), les agents lubrifiants, les surfactants et enfin les agents antistatiques. Les éléments les plus importants de la composition pour l’adhésion sont les organosilanes et les agents filmogènes utilisés.

a.ii.i Agent filmogène

L’agent filmogène représente la majeure partie de la formulation d’ensimage. Son rôle est important car comme le montrent les travaux de Zinck et al. [100] [101], ces agents filmogènes peuvent directement modifier les propriétés mécaniques des fibres. Les auteurs observent par exemple une diminution de la contrainte à rupture moyenne après l’application d’un agent filmogène PU ou une augmentation de la contrainte à rupture avec un agent filmogène PP [101].

Figure 1.30 Composition générale d’un ensimage pour fibres de verre [99]

Ces agents filmogènes jouent également un rôle sur l’adhésion obtenue avec les matrices organiques utilisées. Les travaux de Mäder et al. ont mis en évidence l’influence de la modification du film former sur les propriétés mécaniques de composites verre / PP [102]. L’utilisation d’un agent filmogène PP donnait des propriétés bien supérieures à celles obtenues avec un agent filmogène PU en termes d’adhésion à l’échelle micromécanique mais également en termes de propriétés finales sur composite. Les auteurs ont identifié une interphase bien plus rigide dans le cas du filmogène PP, qu’ils ont traduit par une cristallisation importante à l’interface.

Il est nécessaire que les agents filmogènes soient comme l’ensemble de l’ensimage capable de résister aux températures de mise en forme de la matrice PPS (320 – 340 °C). Dans cette optique, des agents filmogènes de type PEI ont été développés par les industriels. Michelman® propose ainsi les formulations commerciales Hydrosize HP-1632 assurant une tenue thermique relativement élevée.

a.ii.ii Agent de pontage

Les organosilanes sont principalement utilisés dans les ensimages en tant qu’agents de pontage. Le greffage de ces molécules permet d’apporter des fonctions réactives supplémentaires susceptibles de réagir avec les matrices utilisées. De manière générale, le greffage est réalisé en deux étapes avec tout d’abord une hydrolyse des groupements silane puis la réaction des groupements silanols avec la surface du basalte en formant des liaisons siloxanes comme présenté sur la figure 1.31. Kuzmin et al [103] ont montré que l’utilisation de ce type d’agent pontant pouvait améliorer de manière significative les propriétés mécaniques de composites époxy / BF à l’échelle micro et macro.

Figure 1.31 Greffage d’organosilanes en surface des fibres de basalte [103]

Des résultats similaires ont été obtenus par Deak et al [104] sur des composites thermoplastiques PA6 / fibres de basalte. Dans leur étude, les agents époxy silane utilisés donnent les meilleurs résultats en termes de propriétés mécaniques. Il est intéressant de noter que les auteurs ont ajusté la concentration massique de l’ensimage pour optimiser les propriétés du matériau. Dans les conditions idéales, ils obtiennent une augmentation d’environ 30% des contraintes en flexion et de 40% sur les contraintes à rupture en traction. Sur la figure 1.32, les fractures à froid réalisées sur les composites mettent en évidence une rupture majoritairement adhésive de l’interface sans ensimage et cohésive en présence de l’ensimage époxy silane.

Figure 1.32 Observation MEB d’échantillons PA6 / fibres de basalte fracturés à froid, a) avec ensimage – b) sans ensimage [104]

a.iii Influence de l’ensimage sur les propriétés mécaniques

L’application d’un ensimage en surface des fibres de basalte peut générer une modification non négligeable des propriétés mécaniques des fibres. Plusieurs auteurs ont observé des augmentations de la contrainte à rupture de leurs fibres de basalte désensimées après le dépôt d’un ensimage. Dans les travaux de Xing et al [105] les auteurs observent que la contrainte à rupture en traction des monofilaments de basalte est améliorée sur tous leurs échantillons, quelle que soit leur composition chimique. Cette augmentation des propriétés mécaniques est située entre 16 et 26%. Des résultats similaires ont été publiés par Kuzmin et al [103] : la contrainte à rupture de leurs fibres désensimées passent de 2860 MPa à 3361 MPa avec un agent de couplage aminosilane et atteint 3518 MPa avec l’agent de couplage époxy silane. L’influence générée par le dépôt d’un ensimage sur les propriétés mécaniques de fibres de verre a été rapportée par Zinck et al [100]. Les auteurs ont proposé un mécanisme de renforcement représenté sur la figure 1.33 : la criticité des défauts présents sur la fibre est réduite par l’application de l’ensimage. Plus récemment, Boutenel et al [106] ont dressé le même constat sur des fibres de basalte. Après avoir désensimé des fibres de basalte à l’aide d’un cycle thermique ne modifiant pas la structure amorphe des fibres, les auteurs ont observé une diminution des propriétés mécaniques liée à l’élimination de la couche d’ensimage. Il est intéressant de noter que la diminution de la résistance des fibres en traction affecte également les propriétés qu’ils ont obtenues sur composites : diminution de 19 % de la contrainte à rupture en traction des monofilaments et des composites après désensimage.

b Polymérisations de surface

D’autres types d’ensimages ont également été employés pour améliorer l’adhésion des fibres de basalte. Les techniques utilisées permettent de polymériser à la surface des fibres un polymère permettant de développer davantage d’interactions avec les matrices utilisées. Wang et al ont réalisé une polymérisation de dopamine en surface des fibres de basalte puis le greffage d’oxydes de graphène (GO) [107]. Les résultats se sont avérés concluants puisque les composites obtenus après revêtement de polydopamine (PDA) et après greffage de graphène (GO-PDA) présentaient des propriétés mécaniques supérieures au composite non modifié pour des taux de renfort similaires.

Figure 1.34 Greffage d’oxydes de GO en surface des fibres de basalte [107]

Seghini et al [108] ont travaillé sur la polymérisation d’un film polymère via traitement plasma à la surface des fibres de basalte. Un pré-traitement des fibres a tout d’abord été réalisé à l’aide d’un plasma sous air pour nettoyer et activer la surface du basalte puis un second traitement plasma en présence d’un monomère vinylsilane a été effectué. Les auteurs ont ainsi obtenu un film tetravinylsilane à la surface des fibres améliorant l’adhésion avec une matrice époxy. La contrainte interfaciale déterminée à l’aide du test de fragmentation est augmentée de 35.4 à 75.4 MPa.

c Traitement via solution basique

Comme les fibres de verre, les fibres de basalte sont sensibles aux phénomènes de corrosion en environnement basique. Cette dégradation des fibres peut générer une morphologie très différente de l’aspect habituel des fibres lié à l’attaque chimique de la surface. Förster et al [109] ont mis en évidence ce type de corrosion en environnement basique. Dans ces conditions se forme une couche de faible cohésion très rugueuse à la surface des fibres. Les auteurs ont présenté sur la figure 1.35 le mécanisme de corrosion se déroulant à la surface des fibres dans des environnements agressifs.

Figure 1.35 Observation MEB de fibres de basalte non ensimées après immersion de 7 jours à 40 °C dans une solution basique 5% NaOH (à gauche) et mécanisme de corrosion des fibres en milieu basique (à droite)

[109] [107]

Les propriétés mécaniques des fibres de basalte évoluent assez peu si l’on tient compte de la diminution de leur diamètre liée à l’apparition de la couche de corrosion se détachant. En effet, après 7 jours d’immersion, la contrainte à rupture des fibres est équivalente à celle des fibres saines. Dans le même temps, le diamètre moyen est passé d’environ 16 µm à 12 µm. Des résultats similaires dans des conditions plus sévères (NaOH 2 mol.L-1, Tébullition) ont été obtenus par Wei et al [88]. Les auteurs ont observé des phénomènes de corrosion amenant des morphologies très rugueuses en surface des fibres via l’apparition de cette couche de faible cohésion. Ils indiquent néanmoins une diminution des propriétés mécaniques très importante après traitement, car, ayant évalué la résistance des mèches par essais de traction, l’évolution du diamètre n’a pas été pris en compte.

Les fibres de basalte possèdent des caractéristiques proches des fibres de verre de par leur grand éventail de propriétés mécaniques et leur composition chimique associée. Quelques études de la littérature ont rapporté les similitudes que l’on peut trouver dans les formulations d’ensimages pour fibres de verre et de basalte, composées majoritairement d’agents filmogènes et d’agents de pontages. En effet, l’oxyde majoritairement présent dans ces fibres étant la silice, le greffage chimique de molécules de type silane est possible. Dans le cas de notre étude, il est envisageable que les ensimages développés à l’échelle industrielle correspondent à ce type de formulation. La littérature indique également que l’application d’un ensimage n’a pas seulement vocation à améliorer l’adhésion vis-à-vis des matrices polymère mais peut également diminuer la sévérité des défauts présents à la surface améliorant ainsi les propriétés mécaniques des fibres puis des composites.

Dans la prochaine partie sera présentée la fabrication des mèches comélées et des composites.