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Chapitre 1 – Introduction

3. L’immunothérapie

3.2. Les traitements cytokiniques

Après la découverte de l’effet anti-tumoral de l’interféron-α (IFN-α) l’idée d’utiliser un pulse exogène de cytokines pour traiter le cancer s’est progressivement mise en place (285, 286). Les cytokines peuvent être injectées par voie intraveineuse pour une action globale de stimulation systémique des cellules immunitaires. Elles vont avoir un grand nombre d’effets sur les cellules du système immunitaires. Dans le cas du cancer, les cibles préférentielles pour avoir un effet anti- tumoral seront encore une fois les cellules T et NK. Ce sont donc logiquement les cytokines

3.2.1. L’interféron-α

La première cytokine testée dans la thérapie contre le cancer était l’interféron α. Cette cytokine est produite massivement lors d’une infection virale. Elle va stimuler les cellules immunitaires via les récepteurs à l’interféron α et β (IFNAR) 1 et 2 qui vont envoyer un signal via les kinases Jak1 et la tyrosine kinase 2 (TYK2) et engager les seconds messagers STAT1 et STAT2 qui vont faire proliférer la cellule et engager les voies d’activation (287, 288). En lui-même, l’IFN-α a aussi un effet anti-tumoral. De fortes doses d’IFN-a vont bloquer la néo-vascularisation et donc empêcher l’apport de nutriments aux sites tumoraux (289, 290).

Cependant l’injection systémique d’IFN-α provoque de nombreux effets secondaires liés à l’activation généralisée du système immunitaire. On recense des atteintes hépatiques, hématologiques, gastrologiques et même neurologiques, empêchant d’utiliser des doses d’IFN-α systémiques trop élevées (291, 292). C’est une problématique, car pour obtenir un effet bénéfique la dose nécessaire est importante car il faut maintenir l’action de l’interféron malgré sa demi-vie très courte (2,5h). En utilisant des modifications chimiques comme l’addition de groupements polyéthylène-glycol (PEG), ou en le fusionnant avec l’apolipoprotéine A1, il est possible de stabiliser cette cytokine cependant cette modification peut affecter son efficacité (293, 294). De manière générale l’IFN-α, bien qu’intéressant, est peu utilisé à cause de sa pharmacodynamique. En utilisant des injections sous-cutanées, la diffusion plus lente permet une meilleure biodisponibilité et permet une utilisation de doses plus élevées compatibles avec un traitement. Actuellement, plus que comme traitement unique, l’IFN-α est plutôt envisagé comme adjuvant à d’autres immunothérapies, potentialisant leur effet.

3.2.2. L’Interleukine-2

L’IL-2 est une cytokine clé dans la biologie des cellules NK et T, elle est essentielle pour les cultures in vitro de ces cellules (295, 296), et au vu de l’impact de ces cellules sur le cancer il est

logique de penser à l’utilisation de cette cytokine comme traitement anti-cancéreux. L’IL-2 se fixe sur trois récepteurs qui sont composés des sous-unités α, β et γ, classés selon leur affinité. Le récepteur de faible affinité est en fait la chaine α seule et ne transmet pas de signal. Les deux récepteurs clés sont le récepteur de moyenne affinité composé des fragments β et γ, et le récepteur de haute affinité composé des trois sous-unités (297). La problématique est que ce dernier est extrêmement présent sur les cellules T régulatrices et va donc stimuler une population qui serait néfaste pour le traitement du cancer par son action d’inhibition de la réponse immunitaire, tout en diminuant la biodisponibilité de l’IL-2 pour stimuler les autres cellules (298). L’effet de la dose est donc crucial pour obtenir un effet global favorisant les cellules T conventionnelles face aux cellules T régulatrices.

Encore une fois la demi-vie courte de cette cytokine est un problème pour son utilisation. L’addition de groupement PEG permet une meilleure demi-vie et a aussi un effet favorable sur l’affinité qui se biaise alors vers le récepteur de moyenne affinité (299).

De même que pour l’interféron l’IL-2 injecté par voie intraveineuse présente rapidement une toxicité en augmentant la dose (300). En utilisant encore une fois des modifications génétiques il est possible de contourner ce problème. Une version mutante fusionnée à des anticorps dirigés contre des molécules du microenvironnement tumoral est à l’essai pour adresser l’effet de l’IL-2 là où il est désiré, sans affecter les autres organes (301). Encore une fois, le traitement à l’IL-2 est envisagé plus comme un support à d’autres immunothérapies.

3.2.3. L’Interleukine-15 et les autres traitements

Hormis ces deux cytokines qui sont actuellement utilisées en clinique, plusieurs autres ont été et sont encore évaluées pour leurs bénéfices potentiels dans le traitement du cancer. L’autre cytokine majeure de la stimulation des NK et des CTL est l’IL-15 et, logiquement, de nombreuses études s’y sont intéressées. Comme vu plus haut, l’IL-15 nécessite d’être présentée avec la chaine α du récepteur, in vitro des systèmes de stimulations des NK utilisent des cellules nourrices qui vont transprésenter l’IL-15. Il est donc nécessaire d’utiliser, non pas la cytokine seule, mais des

la molécule avec l’utilisation de protéines de fusion comme l’ATL-803 (302) utilisant des immunoglobulines ou la fusion avec l’apolipoprotéine (303). Des approches utilisant des cellules nourrices irradiées ou des fragments de ces cellules ont été envisagées (304). Dans la même famille que l’IL-2 et l’IL-15, l’IL-21 commence à être testée (305). Le facteur stimulateur de colonies granulocyte et macrophage (GM-CSF) est lui aussi testé pour stimuler les cellules dendritiques et les macrophages, mais il est apparu qu’il pouvait avoir un effet stimulant sur les cellules myéloïdes du microenvironnement tumoral qui pourraient favoriser le développement du cancer (306).

Globalement, seules, les cytokines ont un effet modéré sur le cancer. De plus, elles peuvent avoir des effets secondaires sévères. Administrées par voie veineuse, elles vont stimuler l’entièreté des cellules immunitaires du corps et peuvent déclencher des attaques auto-immunes dirigées contre des cellules saines. Il est donc essentiel de trouver des moyens ciblés pour les livrer à proximité des cellules cancéreuses, comme des voies d’injection alternatives ou des modifications qui favorisent une action plus longue et plus ciblée. Leur demi-vie faible et leur biodisponibilité les rendent difficiles à utiliser, mais en utilisant leur fonction comme support d’autres immunothérapies elles pourraient permettre une potentialisation. La synergie de ces approches est peut-être un outil essentiel pour obtenir un effet suffisant de l’immunothérapie pour arriver à une rémission.