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Chapitre 1 – Introduction

3. L’immunothérapie

3.3. Les bloqueurs de récepteurs inhibiteurs

Comme vu plus haut, l’expression de ligands des récepteurs inhibiteurs par les cellules cancéreuses peut être un frein majeur à l’action du système immunitaire pour s’en débarrasser. Si cette observation a prouvé une nouvelle stratégie d’évasion pour le cancer, elle a aussi permis de mettre en place des thérapies qui ciblent ce mécanisme. C’est ainsi que des anticorps bloquant l’interaction entre ces ligands et leurs récepteurs ont été testés pour réactiver le système immunitaire. On parle d’inhibiteurs de points de contrôle (« checkpoint inhibitors »).

Dans le contexte tumoral, l’inflammation chronique engendre une stimulation constante des cellules T et va donc forcer une réaction immunitaire prolongée. En s’activant continuellement, les

cellules T vont avoir un phénotype fonctionnel dit « épuisé ». Cet état est comparable à une infection virale chronique où la réaction immunitaire n’arrive pas à contrôler le virus. Un phénomène lié à cet épuisement va être l’expression en surface de multiples récepteurs inhibiteurs (307-309). Leur expression répond au besoin de terminer la réaction immunitaire face à une infection qui serait résolue. En ce sens, l’expression des récepteurs tels PD1 ou CTLA4 n’est pas forcément synonyme d’épuisement. Mais dans le cas d’une tumeur installée, l’accumulation de cellules qui expriment un grand nombre de récepteurs inhibiteurs témoigne de l’épuisement cellulaire global. Il est alors avantageux pour les cellules cancéreuses d’exprimer les ligands de ces récepteurs pour artificiellement terminer la réaction ou de favoriser leur expression dans le microenvironnement tumoral (310). En bloquant ce signal, l’activation des cellules T va reprendre car le signal du « point de contrôle » est levé. On observe alors un rebond de la réponse immunitaire face au cancer (311). C’est pour cela que l’on parle de bloqueur de point de contrôle.

3.3.1. L’anti-CTLA4

La première voie testée a été la voie CTLA4 (312). Le blocage de CTLA4 aurait pour effet de relancer l’expansion au site tumoral de lymphocytes T CD8+ et de certains sous-types CD4+ (313).

Il joue donc un rôle dans l’initiation de la réponse T anti-tumorale. Une fois relancées, ces cellules vont donc se développer et monter une réponse forte contre le cancer. Étant donné qu’il s’agit de cellules infiltrant la tumeur et souvent spécifiques de certains néo-antigènes, l’effet bénéfique est très fort.

L’ipilimumab est le premier anticorps d’inhibition de point de contrôle à avoir été testé. Les résultats des premiers tests sur des patients atteints de mélanome étaient tellement encourageants qu’ils ont ouverts la voie à toute une série d’études utilisant les inhibiteurs de point de contrôle dans divers cancers. Aujourd’hui l’utilisation de ces molécules est approuvée dans de nombreux cancers et a changé drastiquement la façon de les traiter (314). Avec un recul de plusieurs années, il est maintenant possible de dire que les anti-CTLA4 ont permis de guérir à long terme environ 20% de patients atteints de mélanome résistant aux traitements conventionnels et de rallonger

ne permet pas de guérir tous les patients il a tout de même permis de démontrer l’efficacité des immunothérapies ciblées et l’importance du système immunitaire dans le traitement du cancer.

3.3.2. Les anti-PD1 et anti-PDL1

Parallèlement au traitement anti-CTLA4, l’inhibition du signal PD1 a été étudiée. Étant donné l’impact majeur qu’implique la voie PD1/ ligand de PD1 (PDL1) sur les lymphocytes qui pourrait détruire la tumeur il est logique de l’inhiber. Contrairement à CTLA4, la voie PD1 va avoir un impact plus tard dans la réaction des cellules T (316, 317). C’est en terminant la réponse et donc en préservant quelques clones T qui sont destinés à devenir des cellules mémoire que PD1 fonctionne normalement. Ici, la réponse initiale est donc déjà établie, mais la réactivation ne peut se faire car les clones T sont maintenus en anergie. En levant ce blocage la réaction peut redémarrer. Plusieurs anticorps bloquants ont été développés soit pour bloquer le ligand PDL1, soit directement le récepteur. Les traitements ont démontré tout comme les anti-CTLA4 des effets bénéfiques dans de nombreux cancers (318, 319). Les divers anticorps ont été testés et intégrés aux protocoles de soins selon leurs meilleurs résultats en fonction des cancers.

D’autres voies d’inhibition sont explorées comme les récepteurs LAG3 ou TIM3 (320, 321). Bien que ce soient des cibles attractives, la compréhension des mécanismes qui régissent ces autres voies n’est pas complète. Il est possible que la réponse à des traitements utilisant ces cibles soit mauvaise, voire néfaste pour les patients. Il est donc important de continuer de comprendre ces mécanismes avant de les utiliser.

3.3.3. Les limites des inhibiteurs de point de contrôle

Malgré le succès majeur qu’ont apporté les anti-CTLA4 et anti-PD1, il reste de nombreux problèmes. Comme pour les cytokines, l’administration de ces molécules se fait par voie systémique et a un impact sur tout l’organisme. Il est connu que l’absence du signal PD1 chez la

souris KO entraine de nombreux problèmes d’auto-immunité. Il était donc attendu de retrouver des effets similaires chez les patients suivant un traitement d’inhibiteurs de point de contrôle (322). Un désavantage majeur est aussi que les cancers n’utilisent pas systématiquement ces voies d’inhibition pour échapper au système immunitaire. Dans le cas où les clones cancéreux n’expriment pas de ligands des points de contrôles, le gain thérapeutique de ces traitements pourrait être minime, voire inexistant (323). Il est à noter que le blocage général des voies inhibitrices peut entrainer une activation plus forte bénéfique pour l’action anti-tumorale même en l’absence de l’expression des ligands sur les cellules cancéreuses, notamment par l’inhibition des voies PD1 engagées par le microenvironnement (324).

Ces traitements sont majoritairement basés sur la réponse T et donc lié à une réponse à un antigène. Il a été montré que le taux de mutation et la présence de néo-antigènes était directement relié à la réponse aux traitements par les anticorps anti-PD1 et anti-CTLA4 (325). En effet, bien que l’on puisse relancer la réponse T, si il n’y a pas de clones T pouvant reconnaitre la tumeur le traitement aura peu de chance de fonctionner. Cela explique pourquoi certains cancers répondent mieux que d’autres (326). En effet, selon les cancers, le taux de mutations et donc le nombre potentiel de néo- antigènes varie.

Un autre problème vient aussi du fait que malgré le rebond d’activation, le cancer peut échapper au contrôle encore une fois en déployant d’autres mécanismes d’évasion. Dans ce cas, le surplus d’activité va terminer d’épuiser les clones T réactifs et rendre d’autant plus inefficace les traitements par bloqueurs de point de contrôle (327, 328).

Si les inhibiteurs de points de contrôles ne sont pas parfaits et qu’ils ne permettent pas la guérison de tous les patients, ils restent des découvertes majeures. L’avancée que représentent les traitements par anticorps bloquants anti-CTL4 et anti-PD1 et l’impact sur les soins du cancer ont valu à leur inventeurs James Allison et Tasuku Honjo le prix Nobel en 2018. Preuve de l’importance des découvertes de nouveaux traitements du cancer.

Les points évoqués jusqu’ici, bien qu’ils nécessitent une action extérieure, se basent sur une activité physiologique, l’activation est améliorée soit par réaction allogénique dans la greffe de moelle, soit par stimulation secondaire en utilisant des cytokines, soit par la levée de voies d’inhibition. En se

l’immunothérapie. Mais en utilisant des moyens externes pour, cette fois ci, rediriger l’activation via de nouveaux signaux il est possible de dépasser encore ces bénéfices thérapeutiques du système immunitaire