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Chapitre 5 – Discussion et Perspectives

4. Futur de la thérapie CAR

4.1. Les combinaisons d’immunothérapie

Si le nouveau champ de possibilités qu’offre l’utilisation des CAR NK ou les CAR HSC est intéressant, il n’en demeure pas moins que les thérapies CAR n’ont pas permis une rémission stable dans tous les patients. L’idée de combiner les effets des CAR avec d’autres approches d’immunothérapie pourrait permettre d’augmenter leur impact sur les cellules cancéreuses.

4.1.1. Combinaison avec les inhibiteurs de point de contrôle

L’utilisation conjointe des inhibiteurs de point de contrôle et des cellules CAR T est actuellement testée. Il est intéressant de combiner ces approches vu l’importance de l’activation et de la prolifération des CAR T pour obtenir un effet maximal. Le blocage de PD1 va permettre de maintenir les cellules T activées en de prolonger la phase d’expansion. Cet effet synergique théorique est actuellement en essai clinique (483). De même que PD1, CTLA4 aura un effet bénéfique. Comme CTLA4 va permettre d’augmenter l’expansion initiale des cellules CAR T, ce qui a été montré comme un point important pour l’efficacité de la thérapie CAR. Cette combinaison est aussi un point à tester dans le cas de l’utilisation des CAR dans les cellules NK. Bien que les cellules NK aient une durée de vie plus courte que les cellules T (484), il serait intéressant de potentialiser leur effet en bloquant les signaux inhibiteurs. De la même manière en utilisant des HSC il reste possible d’utiliser des anticorps bloquants. Si la génération continue de cellules CAR permet de surpasser la disparition des cellules thérapeutiques, il reste à envisager un bénéfice sur l’effet anti-tumoral du blocage des voies d’inhibition PD1 et CTLA4.

Un point important de combiner les approches des inhibiteurs de point de contrôle avec les CAR est que ces deux approches ont eu des résultats positifs dans des cancers différents. Les anti-PD1 et anti-CTLA4 ont permis de traiter des cancers solides avec un taux de mutations élevé alors que les CAR sont très efficaces contre les leucémies qui ont peu de mutations. Ce résultat semble

montrer que les inhibiteurs de points de contrôle vont favoriser l’activation contre des tumeur établies qui ont mis en place de nombreux mécanismes d’évasion alors que les CAR permettent de tuer des cellules ayant un profil de mutation faible mais donc aussi peu d’antigènes tumoraux. Cette approche est donc un moyen de changer deux paramètres de pression de sélection immune en même temps.

4.1.2. Combinaison avec les cytokines

L’utilisation de cytokines en parallèle de la thérapie cellulaire a déjà montré des effets bénéfiques. Une étude utilisant des lymphocytes T infiltrant la tumeur (TIL) expandus ex vivo a utilisé la dose maximale d’IL-2 tolérable pour favoriser leur effet lors de la réinjection. De plus, de nouveaux biomimétiques pourrait permettre de favoriser l’action voulue sur les T cytotoxiques. Un analogue de l’IL-2 a, par exemple, été montré comme efficace pour stimuler les cellules cytotoxiques par les récepteurs à l’IL-2 et à l’IL-15 sans se fixer au récepteur CD25 qui favorise la prolifération des cellules T régulatrices (485).

Si cet effet est intéressant, il est possible que l’action conjointe des cellules CAR qui peuvent déclencher un syndrome de relargage cytokinique, avec une injection de cytokines comme l’IL-2 ou l’IL-15 puisse déclencher de graves effets auto-immuns. Pour pallier à ce problème, il est possible, au lieu d’injecter des cytokines purifiées, d’utiliser les cellules génétiquement modifiées pour produire in vivo au site tumoral les cytokines désirées. Cette stratégie a été testée avec l’IL- 12 (486, 487).

4.1.3. Les CAR « en armure »

Les combinaisons peuvent donc se faire par la transgénèse et les cellules thérapeutiques peuvent servir de vecteur. Ce cas présente plusieurs avantages. Le premier est l’adressage de la sécrétion de cytokines au site tumoral. Les cellules thérapeutiques vont être attirées par la réaction

second avantage est la double action des cytokines, elles vont stimuler les cellules CAR mais aussi toutes les cellules immunitaires étant à proximité. Le dernier avantage est qu’il n’est plus nécessaire d’injecter régulièrement des cytokines synthétisées in vitro au patient. Ce dernier point permet donc un traitement cytokinique en en diminuant les coûts. Étant donné que les cellules injectées sont modifiées génétiquement il est simple d’inclure dans le transgène une séquence codante pour une cytokine, cette stratégie est donc très intéressante pour faciliter la combinaison entre CAR et cytokines (488, 489).

Les travaux de Liu et al. ont montré l’efficacité de transduire conjointement un CAR et l’IL-15 dans les cellules NK (414). La méthode de transduction des NK exposée au chapitre 2 a permis d’insérer des transgènes complexes facilement dans les cellules, elle rend donc plus simple l’utilisation de ces stratégies qui nécessite une transduction efficace.

De la même manière que les cytokines l’expression de récepteurs de costimulation permettrai une aide localisée pour la réponse immunitaire. Une étude intégrant le ligand de 4-1BB au transgène inséré dans les cellules CAR vise à démontrer cet effet synergique. Encore une fois l’effet sera bénéfique pour les cellules infusées autant que pour les cellules déjà présentes au site tumoral. Il est également possible d’inclure un transgène permettant l’inhibition de point de contrôle comme PD1 dans cette même approche. Des études intégrant un second récepteur chimérique qui comporte la portion extracellulaire de PD1 fusionnée avec un segment costimulateur CD28 intracellulaire sont en cours. Transformant ainsi le signal inhibiteur PD1 en signal stimulateur (490, 491).

4.1.4. Les combinaisons de CAR

4.1.4.1. Deux CAR pour une même cellule

Si la combinaison des approches est intéressante, une combinaison de plusieurs thérapies CAR permettrai de résoudre un autre problème, la perte de l’antigène de surface. Dans les nombreuses études cliniques utilisant des CAR, un grand nombre de patients ont une bonne réponse initiale et des cellules T exprimant le CAR persistantes, mais ils rechutent tout de même car un clone négatif pour la cible du CAR se développe. Les résultats montrés ici (Chapitre 2) démontrent l’efficacité

de l’expression de deux CAR par la même cellule. Les cellules NK modifiées par ce double CAR ont été capables de tuer efficacement des cellules ayant perdu l’expression du CD19 ou du CD22. Les deux CAR peuvent donc cohabiter sur la même cellule et rester efficace. Cette stratégie tire encore une fois parti de la pression de sélection immunitaire. L’analogie avec les traitements antibiotiques pour éliminer les bactéries est révélatrice de l’impact que pourrait avoir cette stratégie, l’utilisation simultanée de deux antibiotiques différents permet l’élimination de l’infection. Ainsi, en appliquant une pression de sélection qui nécessite la mise en place de deux systèmes d’évasion indépendants, les cellules cancéreuses auront moins de chance d’échapper à la thérapie CAR.

Une autre approche pour obtenir cette double spécificité est d’utiliser un CAR unique qui va avoir un double scFv. En fusionnant à l’extrémité externe une seconde séquence codant pour un scFv donnant une autre spécificité, il est possible de donner au CAR la capacité de lier l’une ou l’autre des molécules cibles (492). Si cette méthode a montré une bonne efficacité, elle a le désavantage d’imposer une organisation complexe des segments de reconnaissance. Comme mentionné plus haut, la distance entre le scFv et la membrane est importante pour la bonne fixation de la molécule cible. Dans ce cas si les épitopes ne sont pas positionnés correctement il peut y avoir une gêne allostérique pour que le fragment d’anticorps lie son antigène. S’il n’est pas impossible d’utiliser une telle construction elle impose certaines contraintes. Un autre point est que le signal tonique comme vu plus haut peut être influencé par la liaison entre eux des scFv. En rapprochant ceux-ci et en complexifiant leur organisation il est possible que le signal tonique soit amplifié et entraine un épuisement cellulaire rapide dans les cellules injectées.

4.1.4.2. Un CAR pour deux cellules différentes

Si les cellules T et NK ont des points communs, comme vu plus haut, elles utilisent des mécanismes de reconnaissance différents et ont un effet synergique en temps normal dans la surveillance anti- cancéreuse. Il est donc intéressant de prendre parti de leurs deux effets pour faciliter la thérapie

parallèle, il est aussi possible d’utiliser des systèmes de culture cellulaire qui permettent d’amplifier les deux populations en parallèle. Le système d’expansion de cellules cytotoxiques induites par cytokines (CIK) permet d’amplifier une population mixte de cellules NK, T et NKT (493). En utilisant ce système pour la thérapie CAR, il devient possible d’améliorer la thérapie en combinant les populations. Il a également été démontré que les macrophages pouvaient être utilisé avec des CAR et était capable de phagocyter des cellules cancéreuses suite à l’activation d’un CAR (494- 496). L’utilisation des macrophages en parallèle des cellules T ou NK pourrait favoriser une destruction de l’environnement tumoral. Cette combinaison pourrait facilement être mise en place avec la stratégie utilisant les HSC. En générant un promoteur issu de combinaisons de séquences enhancer donnant une expression sur ces différentes population, il devient possible avec un seul produit de thérapie cellulaire d’utiliser toutes ces cellules en combinaison.