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Chapitre 5 – Discussion et Perspectives

3. Analyse et implications des résultats

3.3. L’utilisation des HSC pour la thérapie CAR

3.3.1. Les avantages et inconvénients des HSC dans la thérapie CAR

L’utilisation de cellules souches pour la thérapie CAR a plusieurs avantages. La persistance des cellules greffées est évidemment le point majeur. L’importance de la persistance des cellules CAR a été démontré plus haut. En greffant des cellules porteuses du CAR, l’homéostasie de l’hématopoïèse va remplacer les cellules qui s’épuisent ou sont éliminées par de nouvelles cellules thérapeutiques. Ainsi l’afflux permanent de cellules attaquant le cancer devrait éliminer à long terme tous les clones cancéreux. Un autre avantage est le phénotype naïf des cellules générées. Il a été montré que l’expansion ex vivo des cellules CAR donnait un phénotype effecteur terminal aux cellules T et donc limitait leur potentiel de prolifération (470). De nombreuses études montrent que des cellules ayant un phénotype naïf ont un potentiel thérapeutique plus important car elles vont avoir un plus fort pouvoir prolifératif et vont être capable de générer des cellules mémoires qui vont persister à très long terme pour maintenir une surveillance immunitaire (471, 472). Les cellules souches vont générer de novo des cellules T qui auront donc ce profil naïf. Ainsi, en plus de générer continuellement des cellules portant le CAR, cette stratégie devrait produire des cellules avec un meilleur potentiel de réponse.

Un des problèmes de la thérapie CAR évoqué plus haut est le relargage d’une grande quantité de cytokines. Il a été montré que ce relargage cytokinique est corrélé à la quantité de cellules tumorales présentes au moment de l’injection des cellules thérapeutiques. Cette production massive de cytokine est donc due à l’activation du grand nombre de cellules T qui s’activent en même temps. L’un des avantages supposés de la thérapie CAR HSC serait d’avoir une réapparition progressive des cellules T qui vont exprimer le CAR. De ce fait il n’y aurait pas de production simultanée de cytokines par un grand nombre de cellules T. Il n’y aurait donc pas de toxicité de la thérapie par ce syndrome. Il reste bien entendu important de vérifier ce point en mesurant aux différents temps après la greffe des HSC les taux de cytokines dans le sang. Il s’agit d’une des prochaines étapes de ces travaux en mesurant les concentrations plasmatiques de cytokines pro-inflammatoires, notamment l’IL-6 au vu du rôle central dans le syndrome de relargage cytokinique, dans les modèles murins humanisés.

En utilisant cette approche le patient sera traité avec ses propres cellules souches, ce qui élimine le risque de GvH, un risque majeur lors d’un traitement conventionnel par greffe allogénique. Si la quantité de cellules souches d’un patient traité par chimiothérapie peut être réduite il reste

le repeuplement de la niche hématopoïétique par les cellules infusées. D’autre part, un des problèmes majeur de la greffe est éliminé, à savoir de trouver un donneur compatible, favorisant donc l’utilisation de ce traitement pour des personnes ayant un haplotype de HLA rare.

Si un type de cellule défini permet d’obtenir de meilleurs résultats pour un type de cancer particulier, il est intéressant de pouvoir moduler le patron d’expression. Si les expériences décrites ici sont menées avec un promoteur restreignant l’expression aux cellules T il est possible de moduler ce paramètre. La méthode décrite dans le chapitre 3 permet de générer des promoteurs pour d’autres populations, notamment les cellules NK. Il serait intéressant de tester la même approche avec un promoteur spécifique des cellules NK étant donné leur reconstitution rapide après la greffe. Il est envisageable de combiner des séquences activatrices ou de cloner des séquences activant la transcription dans les cellules T et NK pour bénéficier de ces deux populations pour la thérapie. Si les expériences présentées ici montrent une preuve de concept en utilisant un promoteur T, il est évident qu’elles ouvrent la voie à un développement de cette technologie en utilisant d’autres promoteurs et donc d’autres populations cellulaires.

3.3.1.2. Les désavantages de l’utilisation des HSC

Bien que possédant de nombreux avantages, cette thérapie implique des contraintes et désavantages. Le premier étant inhérent à l’avantage de persistance, est que l’effet des CAR sera permanent et risque donc d’abolir à long terme la fonction B. Si cet effet a déjà été observé avec la thérapie CAR lorsque des clones T exprimant le CAR ont persisté et qu’il est possible de gérer ce problème, il reste un désavantage qui contraint le patient à un traitement à vie. Ce problème est lié à la spécificité du CAR et à son effet off-tumor. Dans le cadre de la leucémie, la toxicité envers les cellules B est maitrisée mais il devient difficile d’envisager utiliser un CAR GD2 sans être certain que le traitement n’attaquera pas les cellules nerveuses.

Un des aspects à prendre en compte, même dans le cas d’une reconstitution rapide des cellules NK, est le délai entre la greffe et la reprise de l’activité immunitaire. Durant cette fenêtre de temps, le cancer peut proliférer très rapidement, sans aucune pression du système immunitaire. Des solutions sont donc à être envisagées pour protéger le patient pendant ce laps de temps. En utilisant une

injection de cellules CAR T mature il serait possible de maintenir une pression constante en les injectant peu de temps après la greffe (Figure 9). En utilisant un promoteur combinant plusieurs séquences activatrices il serait possible d’obtenir une expression du CAR dans les cellules NK et T, couvrant ainsi toutes les périodes pour maintenir une pression anti-tumorale.

Figure 9. – Dynamique de reconstitution théorique des cellules anti-tumorales après une greffe de HSC

(traduit de Gschweng E, De Oliveira S, Kohn DB. Hematopoietic stem cells for cancer immunotherapy. Immunol Rev. ©2014;257(1):237–249. Avec l’autorisation de John Wiley and Sons)

Un autre problème est lié à l’utilisation de cellules souches et donc d’une thérapie génique intégrant des séquences de manière aléatoirement dans le génome de cellules persistantes. L’exemple des premières thérapies géniques a démontré le potentiel cancérigène d’un tel traitement (468). Ici, les

potentiel cancérigène (473). Ces vecteurs sont aussi modifiés pour empêcher l’activation d’oncogènes par les séquences LTR du vecteur viral. Il n’est cependant pas à exclure que la transduction génère des clones malins parmi les cellules modifiées. En utilisant une intégration dirigée il serait possible d’éviter cela. La technologie CRISPR-Cas9 permettrait d’intégrer la cassette d’expression du CAR dans des régions génomiques évitant les oncogènes. Cependant la modification de cellules souches en assez grand nombre par cette technique reste encore un défi. Si ces défauts énoncés sont à prendre en compte, il est aussi possible d’y remédier en garantissant une élimination contrôlée des cellules modifiées. Il est possible d’intégrer à la construction comportant le CAR un gène suicide pouvant être activé par un signal externe. Il existe plusieurs de ces gènes pouvant être intégrés.

Le gène de la thymidine kinase du virus Herpes simplex (HSV-TK) permet de transformer le ganciclovir en un analogue de nucléotide qui va s’incorporer à l’ADN mais ne permet pas de continuer la polymérisation de l’ADN. En stoppant l’élongation le ganciclovir métabolisé devient donc un poison spécifique des cellules exprimant le HSV-TK (474). Des études ont déjà montré le potentiel d’utilisation de ce transgène comme sécurité chez l’homme dans une thérapie cellulaire (475). Certaines mutations ont même permis d’augmenter l’affinité de cette enzyme pour son substrat favorisant encore la sécurité d’utilisation pour améliorer l’efficacité du gène suicide et limiter les doses et donc les effets néfastes du substrat (476).

Une autre stratégie utilise une caspase inductible. Cette protéine issue du génie génétique utilise la caspase 9 qui a été fusionnée à un segment de la protéine fixant le FK503 (FKBP) qui va dimériser la protéine sous l’action de son substrat. La dimérisation va rendre la caspase active et donc déclencher l’apoptose. Un des avantages est que le la molécule induisant l’apoptose n’a pas été reportée comme bioactive et fonctionne à des doses très faibles (477). Cette construction est actuellement utilisée dans des essais cliniques de thérapie CAR (414).

En dehors de ces gènes suicides d’autres approches permettent d’éliminer les cellules modifiées au besoin. Elles se basent sur l’expression en surface d’un récepteur tronqué qui va pouvoir être ciblé par un anticorps déplétant. Les travaux de Paszkiewicz et al. montrent la possibilité d’utiliser une version tronquée du récepteur au facteur de croissance épidermal (EGFR) comme transgène qui permettra après la thérapie d’éliminer toutes les cellules modifiées par la simple injection de l’anticorps Cetuximab (349). Cette version modifiée d’EGFR est sécuritaire car elle ne permet pas

la fixation des ligands et ne donne aucun signal intracellulaire. En plus de l’utilisation de déplétion, il est possible d’utiliser cette protéine comme marqueur pour sélectionner les cellules transduites. Un autre gène utilisable dans cette même optique est le CD20. Le Rituximab, comme décrit plus haut a bien été caractérisé pour éliminer in vivo les cellules exprimant le CD20. Il a donc été prouvé de la même manière la possibilité d’utiliser le Rituximab pour dépléter des cellules CAR T (478). Dans le cas de l’utilisation de HSC avec un CAR sous contrôle du promoteur PIRATE, il est tout à fait envisageable d’intégrer ces gènes suicides. Un second segment comprenant un promoteur fort contrôlant ces transgènes pourrait être intégré à la cassette génétique et permettrai non- seulement l’élimination des cellules exprimant le CAR, mais aussi de toutes les cellules modifiées, éliminant ainsi un risque de transformation cancéreuse uniquement lié à l’insertion du transgène. Pour éviter l’interaction potentielle d’un promoteur fort contrôlant le gène suicide avec le promoteur spécifique, il est possible d’utiliser deux transductions distinctes. En utilisant une sélection des cellules exprimant l’antigène de surface qui sera ciblé par les anticorps, on peut transduire uniquement ces cellules avec le CAR. Cette stratégie a aussi l’avantage d’utiliser des constructions moins complexes, plus facile à encapsider dans des virus recombinants, permettant donc de meilleurs taux de transduction.