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Chapitre 1 – Introduction

3. L’immunothérapie

3.4. Les anticorps monoclonaux ciblant le cancer

Un des points évoqués dans l’évasion tumorale est la perte d’une synapse immunologique activatrice tant par le manque de molécules pouvant fixer les cellules que par les signaux activateurs trop faibles par rapport à l’inhibition renvoyée par le cancer. Un moyen facile de rétablir une action immunitaire dirigée contre les cellules cancéreuse est l’utilisation d’anticorps qui vont se fixer à leur surface.

3.4.1. L’anti-CD20, Rituximab

Pour cibler les leucémie et lymphomes provenant de cellules B, un anticorps dirigé contre le CD20 a été développé, le Rituximab. L’utilisation de cet anticorps a permis d’améliorer grandement la réponse immunitaire et les traitements de ces cancers (329, 330). C’est aussi le premier anticorps monoclonal utilisé en oncologie et, à ce titre, il a ouvert la voie à cette classe de médicament. L’étude de l’effet du Rituximab a permis de comprendre les divers moyens d’action contre le cancer que pouvait avoir un anticorps. Le premier étant la lyse par les molécules du complément. C’est en cristallisant la portion Fc de l’anticorps et en regroupant les molécules de CD20 dans les radeaux lipidiques que la cascade de réaction du complément est initiée et les cellules lysées (331, 332). En parallèle, le second mécanisme utilise la détection des cellules marquées par les anticorps par le CD16 des cellules NK engendrant ainsi une lyse par ADCC (333). Ce même récepteur peut déclencher le troisième mécanisme par activation des macrophages, ainsi que par l’intermédiaire des récepteurs du complément. Les macrophages vont intégrer ce signal et attaquer les cellules cancéreuses ciblées. Le dernier mécanisme est une lyse directe qui semble être médiée par un signal

interne de recrutement de kinases Src qui vont déclencher l’apoptose suite à l’accumulation de CD20 dans les mêmes zones de la membrane (334, 335).

Ces actions multiples donnent au rituximab un effet bénéfique très important et, en tant que molécule ciblée, sa toxicité est dirigée exclusivement contre les cellules ciblées, c’est-à-dire celle exprimant le CD20. Il y a donc bien moins d’effets secondaires à attendre que la chimiothérapie, mais pour autant cette thérapie n’est pas exempte de défaut. De manière intrinsèque, le rituximab cible également l’ensemble des cellules B saines qui expriment le CD20 déclenchant ainsi une profonde lymphodéplétion B (336). Si en soit cet effet est attendu et peut être géré dans le cadre de la thérapie, il implique des altérations du système sanguin et lymphatique liés à la disparition des cellules B. D’autres problèmes ont été reportés, notamment des infections, ce qui semble logique au vu de la perte de la fonction B, mais aussi des atteintes rénales, cardiaques ou respiratoires (337). On observe toujours pour plus de la moitié des patients des rechutes même avec le traitement anti- CD20. Il est possible pour les clones cancéreux de perdre l’expression du CD20 (338), mais aussi de mettre en place d’autres mécanismes qui vont tout de même inhiber la réaction immunitaire. D’autres anticorps, comme le trastuzumab dirigé contre l’antigène HER2 dans le cancer du sein, sont basés sur la même approche et ont montré une certaine efficacité , mais il est encore une fois nécessaire que le cancer exprime l’antigène ciblé, ce qui n’est pas systématique. Bien que ces effets n’invalident pas l’aspect bénéfique des anticorps en oncologie, ils montrent que ce n’est pas encore le traitement idéal.

3.4.2. Les BiKE et TriKE (Bispecific et Trispecific Killer cell Engager)

Une autre approche d’immunothérapie vise à restaurer un contact activateur au niveau de la synapse, mais cette fois-ci en liant deux molécules via un pont d’anticorps. L’utilisation d’anticorps recombinants qui lient des molécules de surface à des récepteurs de cellules NK ont été développés, ce sont les BiKE et TriKE (340, 341). L’idée ici est double, le traitement va permettre de restaurer l’interaction à la synapse immunologique et de lier des molécules présentes sur les cellules cancéreuses à des récepteurs activateurs des cellules NK, permettant ainsi une activation

La première génération de ces molécules, les BiKE, fusionnait deux fragments d’anticorps liés entre eux par un segment de liaison. Les anticorps sélectionnés reconnaissaient le CD33, molécule cible des leucémies aigües myéloïdes, d’une part et le CD16 d’autre part. Comme vu plus haut le CD16 est un signal fort d’activation des NK qui déclenche en temps normal l’ADCC. Comme vu précédemment, le CD16 peut à lui seul stabiliser la synapse NK et donc rétablir une synapse active pour déclencher une lyse cellulaire. Bien que cette approche soit intéressante, elle n’a donné que des résultats peu convaincants (340, 341).

Figure 6. – Schéma d’un TriKE

(adapté de Zachary B. Davis, Daniel A. Vallera, Jeffrey S. Miller, Martin Felices, Natural killer cells unleashed: Checkpoint receptor blockade and BiKE/TriKE utilization in NK-mediated anti-tumor

immunotherapy, Seminars in Immunology, Volume 31, ©2017, Pages 64-75, avec la permission d’Elsevier)

L’idée de donner alors un second signal pour amplifier la population d’intérêt a alors émergée. En ajoutant l’IL-15 à la protéine de fusion la fixation à la synapse engendre un signal de prolifération des NK et va en plus limiter l’action de l’IL-15 en l’adressant au site tumoral (Figure 6). Il est d’ailleurs montré dans des modèles pré-cliniques que la stimulation avec les TriKE permet un traitement avec des doses élevées sans observer les mêmes effets négatifs qu’avec l’IL-15 (341). Cette thérapie a été pensée comme un adjuvant à l’injection de cellules NK par transfert adoptif,

elle est donc directement pensée pour être utilisée en combinaison. Mais il semblerait que son effet seul sur le système immunitaire soit suffisamment fort pour être testé sans autre traitement. Ces traitements sont encore trop récents pour savoir quels seront leur impact sur les soins en oncologie et ils peuvent nécessiter un raffinement pour pouvoir être utilisés.

Bien que toutes les méthodes jusqu’ici présentées permettent de surpasser certains mécanismes d’évasion, elles sont toujours basées sur les capacités biologiques d’activation du système immunitaire. Sans signaux activateurs, même en levant l’inhibition, il est impossible d’avoir une réponse immune assez forte. Une autre approche vise à augmenter les possibilités naturelles des cellules immunitaires en ajoutant par génie génétique un nouveau récepteur qui va permettre de reconnaitre le cancer. C’est cette approche qui a donné naissance aux récepteurs chimériques d’antigène (CAR).