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PARTICULARITÉS PHONÉTIQUES : PHONÈMES ET GRAPHÈMES

I. Traitement des voyelles

Conservation ou évolution des voyelles latines

a libre évolue généralement en [ẹ], et peut être graphié -e (ameres, familierement, rencontrerent, Renaldus,…), –ai dans amairement, familliairement, rencontrairent, Melaire, chaicun (<*catunu)…, ou encore –ei (Reinaldus f.110 et suivants). Toutefois il se maintient dans abasse f.113 (mais abesse f.405 ou abeesse f.373v), eschalles f.220 (mais autrement eschelle et eschielle), parlamenter f.185v, 232, 319,… (mais parlement f.53v, 66v…), declarast f.120v et declaracion f.248v, 327, 361 (mais declairer, declerer), esclarissant f.79v, esclarsit f.219 (mais clere, clerement)), claron f.378 (pour clairon), garison f.33 et 64 (pour guérison) et Ranaldus f.131v (mais Renaldus f.131v).

a entravé, qui se conserve habituellement (achaté f.217, rachaté f.9 et 124, eschaper f.11v, 19v,… vassal f.136, 248v,…) se ferme en [ẹ] dans herpeur f.103v (harpiste) et amairtume f.37 (refait sur amere).

ĭ latin s’ouvre dès le bas latin en [ẹ] dans enfermeté (<infirmatem), previlleges (<privilegium) et archediacre f.313 (<archidiacon). La voyelle –i sera réintroduite ultérieurement dans ces mots savants. Mais ĭ est conservé dans medicin, medicine, mediciner (<medicinum). Quelques occurrences présentent un ĭ ayant subi ultérieurement la contamination d’un i long : possider (<possidere), divineur (<divinum), impeschement (<impedicamentum) et diffinir (<de+finire)

ĕ se ferme parfois en [i] dans predicesseur (<praedecessorem), remide (<remediu), cerimonies f.21 (<ceremonia), subgict (<subjectum), midi f.5 (<medium), cymitere f.146v et 232 (<coemeteriu) et empire (<imperiu). Selon Pierre Fouché2, ĕ a commencé par se diphtonguer en [iẹ] puis sous l’influence fermante d’un yod appartenant à la syllabe finale s’est réduit à [ii] puis simplifié en [i].

Certaines voyelles prétoniques internes ont tendance à s’amuïr, comme [i] (issu de ĭ latin) dans dirvation (mais derivation), seurté, obscurté, durté, brieffté et vilté, ainsi que [e̥] dans fortresse (mais forteresses f.78v), A l’inverse, apparaît un -e dit

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Afin de ne pas surcharger cette analyse par les références de folios, nous ne donnons que celles des occurrences dont le nombre est réduit dans le manuscrit.

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« svarabhaktique » dans esperit f.90v (mais esprit), leverier f.261 (lévrier), fiereté f.406 et Cleremont (mais Clermont).

[ĕ] > [ę] est graphié soit –e (amenent, mesmement, feblesse,…) soit –ai (amainnent, frenaisie, maismement,…), ou encore –ae dans paesle f.130 (pour poêle <patella) qui conserve graphiquement l’ancien hiatus malgré la chute du –a.

[ę] et [ę] entravés peuvent parfois s’ouvrir en [a], comme dans affondrees f.298 (mais effondrer f.172, effondrerent f.225v et effondroient f.280v), fame f.82v (mais autrement feme et femme), parfection f.182 et imparfection f.159v, Loranne f.108v (mais autrement Lorenne). Cette ouverture est souvent remarquée dans la langue populaire. La forme saeze (autrement écrite saize ou seize avec –ai et –ei purement graphiques) se réduit à saze dans bon nombre d’occurrences. Notons l’hapax rapassa f.247v (pour repassa)

A partir du XIIe [o] tonique libre ou entravé en position initiale se ferme en [u], et les doublets du manuscrit témoignent de cette prononciation unique, bien qu’ils s’orthographient encore de deux manières dans corage / courage, volenté / voulenté, coleur / couleur, soleil / soulail, prochain / prouchain, corrocié / corroucié / courroucié, oster / ouster, coment / coument, offrit / ouffrit, gros / grous f.25v,129v, portant / pourtant, dobter f.122v / doubter, vostre / voustre f.312, 406v, nostre / noustre f.360v, dos / doux f.233v et bourne f.1 et 128 (pour bornes). On trouve [u] également pour les mots avec préfixe comme anglotisse f.1v / angloutissoit f.32v, proposer / propouser, imposé / impousé, demorer / demourer, devorer / devourer, reproche / reprouche, approche / approuche. Les mêmes remarques peuvent être faites pour certains noms propres comme Bocquihen / Boucquihen, Rogier / Rougier, Anjo / Angeou, Victour f.133 et 155v (pour Victor), Courmesi f.302 (pour Cornissi), Mournay (pour Mornay), Roan (pour Rouen). De plus des occurrences comme amoreux / amoureux, vigoreux / vigoureux, paoureux, chaloureux, clamour, présentent une évolution contrariée, puisque [o] qui aurait dû évoluer en [oe] a vu sa diphtongue bloquée au stade [ou], puis s’est simplifiée en [u]. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène à propos du mot amorem et nous renvoyons à celles données par Geneviève Joly1. Quant aux autres exemples, le choix de [u] peut s’expliquer par la propension des textes littéraires à revenir à une graphie étymologisante à partir du XIVe siècle, mais en prononçant « le latin à peu près comme en français »2 (ce qui explique l’hapax appruche f.164v pour approuche) ce à quoi s’opposera Erasme à la Renaissance. D’une manière plus générale, même si [u] « garde toute sa vigueur et gagne la Ville et la Cour »3, la querelle des « ouïstes » et des « non-ouïstes, commencée au XVIe siècle avec la réforme érasmienne, mettra fin à cette confusion au XVIIe siècle. Seront également fixés peureux, chaleureux, clameur et vigueur tandis que vigoureux sera maintenu.

La confusion entre graphème –o / –ou et phonème latin [u] explique aussi les formes jouveigneur, sourprendre, couvoitise et couvenant dont le [u] latin libre en position initiale (juveniorem, super+prehendre, cupiditas, cum+venire) ne s’est pas antériorisé en [ü] comme attendu après le VIIIe siècle. La graphie étymologisante –ou renvoie au graphème –u latin prononcé [u]. Notons que les doublets convoitise et convenant se

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trouvent aussi dans le texte, qui deviendront les formes définitives. Cette confusion étymologique explique aussi le phénomène inverse où [u] latin entravé se maintient dans soupirant (<suspirans), mais est graphié –u dans supir f.194v, ainsi que dans le nom propre Morfuace f.306v, dont la graphie dans les autres sources utilisées par Le Baud est Morfouace.

Diphtongaisons spontanées

ē libre en bas latin se diphtongue en ẹi > oi > oẹ > uẹ > wẹ puis au XIIIe s’ouvre en [wę] et [wa] à Paris, dont les graphies sont habituellement -ei/-ey ou -oi/-oy. Or les doublets vait f.102v / voit, vaye / voye, pouair / pouoir, ainsi que paise f.49v et pays f.117v (mais poisantes f.237v), tonnaire f.169v et 200 (pour tonoire) et taise f.209v (pour toise) montrent une indifférenciation entre les graphies –ei,–ey / –oi,–oy / –ai,– ay qui pose question quant à leur prononciation. En effet, soit il s’agit de l’amuïssement de la semi-consonne et donc de la réduction de [wę] en [ę], simplification phonétique notamment remarquée dans l’Ouest puis plus généralement dans la langue populaire1, soit ces formes maintiennent [wẹ] sans s’ouvrir en [wę], comme c’est le cas dans la langue savante. Cette deuxième hypothèse semble mieux correspondre à notre texte écrit par un historien qui est également un linguiste attentif.

Cette diphtongaison en [wẹ] est absente dans les formes guerreassent, guerreoient, guerreoit (mais guerroyer, guerroyerent, guerroyez), costeans (mais costoyant, costoyerent). Notons l’hapax chandoleur f.374v (pour chandeleur), qui est également celle du ms 8266, où ē libre (< candēla) ne semble pas s’être diphtongué. Il pourrait s’agir d’un –o analogique de la forme chandoile, avant qu’elle ne soit refaite en chandelle comme mot savant.

ĕ libre se diphtongue en [yẹ] dans siecle, siege et assieger, matiere, mais se réduit à [ẹ] dans secle, sege et matere, ainsi que dans veil f.133, veille f.156, et ses composés enveilly f.26v et veillesse f.25v et 26, et meulx (mais mieulx). En effet, selon Pierre Fouché, « dès le XIe siècle apparaissent dans le Maine et en Bretagne »2 ces formes réduites qui ne seront pas conservées ultérieurement.

Les leçons veille f.78v (pour vueille < voleam) et vueullent f.302v (pour veullent < volent) montrent une diphtongaison particulière. Dans le cas de vueullent, la graphie –u correspond au phonème transitoire [w] qui apparaît au XIIIe dans l’évolution du [ǫ] > ue > uœ̣ > wœ̣, et se simplifie très vite en [œ̣]. Ce –u est d’ailleurs présent graphiquement aux autres personnes du présent dans les formes vueil, vuelt, vuelent. Mais peut-être peut-on considérer cette graphie comme une collusion entre les deux formes courantes vuelent et veulent. A l’inverse dans veille la graphie -u disparaît et le phonème [œ̣] est graphié –e, vraisemblablement parce que [ẹ] se rapproche phonétiquement de la labiale [œ̣].

Diphtongaisons conditionnées par yod

a tonique libre subit à partir du VIIe l’action des consonnes palatalisées, se ferme par l’avant en [iẹ]> [yẹ] selon l’effet de Bartsch : duchié, chief, cerchier, arrachierent,

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G. Joly, Op. cit. p.48

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nagierent, Foulgieres, mangier, laissier, aidier. Dès le XIIe, le yod s’amuït et [yẹ] se simplifie en [ẹ] pour duché, chef, cercher, arracher, nager, guere, Foulgeres, manger, laisser, aider. Mais « la chute du yod met plus de temps à s’imposer aux copistes qui ne l’enregistrent dans les textes littéraires que très progressivement » précise Gaston Zink1, ce qui explique la présence des doublets dans le manuscrit, ainsi que d’autres qui se sont alignés par analogie avec les mots en –ier, quelle que soit leur consonne d’appui : grieves f.368, 369v (pour greves), Genieve f.327 (pour Geneve), courroucié / courroucé, errierent / errerent. Notons le maintien de la terminaison en –ier pour traitier et ses composés, le choix unique de la terminaison –er pour chevaucher et ses composés, et une terminaison –er refaite en –ier dans estrangier (mais estranger), bachelier, traversierent (mais traverserent), guieres f.207v (mais autrement gueres).

a + yod apparaît dès le bas latin où certaines consonnes se palatalisent, dégagent un yod de passage à l’avant exerçant une action fermante sur la voyelle [a] qui se diphtongue à partir du XIIe siècle et évolue selon le schéma ay> aï> ęi> ę, soit graphié –ai (raison, saison, mais, maison, faire, laissa, lairmeuse f.54, flaitries f.395v, Morlaix <Mont Laxus, sçay, saichant f.366…), soit –e (mes, meson, fere, lessa, lermes f.111v, 131, 194v, Morlés,…) ou encore –ei dans seigner f.132 (pour saigner) et scei, scey (première personne du verbe savoir au présent). Jacques Chaurand signale que la graphie –ai peut aboutir à –e notamment dans « l’Ouest, le Sud-Ouest, le Centre sud et le Sud-Est »2. Le manuscrit présente aussi très souvent la graphie –ae dans saeson, faesant, faesoit, saesit, analogique par contamination de la diphtongaison de [a] latin qui évolue en [aa] > [ae] > [ẹ] > [ę]. Toutefois [a] est conservé dans aloacté f.101 (<allactus, mais alecté f.30) et fasoit f.229 (mais autrement faisoit). L’action ouvrante d’un [r] implosif à cette même époque explique la présence en moyen français de larmes (f.13v, 30, 54, 88, 112, 168, 323v, 358v) qui concurrence fortement lermes f.111v, 131, 194v, et ses composés lermeuse f.122 et lairmeuse f.54.

Rares sont les cas où [a] + yod aboutit à [wę], au lieu du simple [ę]. Il s’agit d’armoire f.112 (au lieu d’armaire), évolution que Pierre Fouché3 explique par l’influence de la consonne labiale [m] et que, de son côté, Gaston Zink considère comme une fausse diphtongaison4. Ce passage de [ę] à [wę], privilégié par les grammairiens qui graphient –oi en lieu et place de –ai, est présent dans deloya f. 376 (mais delaya f.275) et froys f.137v (mais frays f.331).

ĕ + yod aboutit à [ei] puis rejoint la diphtongaison ei> oi> [wę], dont les graphies peuvent être –ei (reveilla f.100, reveilleroit f.334v) ou –oi/–oy (revoil f.76v, proyes, esploicter, doys f.378v). Mais le manuscrit propose parfois les graphies –ai/–ay dans oraille f.118, 122 et 396, days f.67 et 74v et praye f.135v, qui signalent, comme vu ci-dessus, l’amuïssement de [wẹ] en [ẹ].

Quand la diphtongaison des voyelles ē et ō est conditionnée par yod, leur évolution rejoint celle des diphtongaisons spontanées et aboutit au XIIIe à [wę], graphié habituellement –oi/-oy (empoisonné, foison, cognoissant, moine, moynne…). Mais le

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G. Zink, Op. cit. p.117

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manuscrit présente dans les proportions similaires les graphies –oe (angoesse, cognoessant, poeson, foeson, choesir, poetrine f.77v et 145v, moenne f.57v, 134v, 176), –oue (abrevouer f.258, mirouer, refetouer f.105v), –oay/oai (Gregoayre f.144, histoayre f.270v, voaye f.223v, noayse f.212v, 233, 335v, 378, joaye, oayseaux f.375, cloaistres f.57 et 103) et même –oae (choaesirent f.18, 118, 137). En effet, et dans l’Ouest notamment, cette diphtongue [oi] s’est arrêté à [uẹ], avant que [u] se renforce en la demi-consonne [w], et les graphèmes rendent compte de cette prononciation en [uẹ], comme le remarque Christiane Marchello-Nizia1 en observant ces mots à la rime. Notons que cette vélaire [w] s’est amuïe dans paetral f. 145v (pour poitrail) et Maine f.45 (La Roche au Moine dans 8266).

Le traitement d’ydone f.15v, 115, 131 et 159 (<idoneus) et de boueaux f.172 (< botellus, pour boyaux) indique une absence de palatalisation, vraisemblablement par l’amuïssement du yod de transition issu de la palatalisation de [n] ou [l] qui n’a pas formé avec la voyelle la diphtongue attendue [oi] qui aboutit normalement à [wę]. Dans le cas de bouys f.10v (mais autrement boays), la palatalisation est présente, mais la diphtongaison o + yod n’a pas eu lieu.

Notons également les leçons biaux f.88, vieux f.117 (pour veux) et vieult f.88 (pour veut) issues de l’usage populaire qui « cède à la tendance fermante »2 du [ẹ] > yod, alors que toutes les autres occurrences beau et veut montrent au contraire le traitement savant où [ẹ] se labialise en [oe].

Notons la leçon destruant (pour destruiant ou destruisant) où [u] sous l’influence du yod évolue en [üi] puis se réduit à [ü], au lieu de se renforcer en [wi]. En revanche, luicte f.22v et 74v et luite f.16 et 23 sont les seuls formes rencontrées dans le manuscrit.

Nasalisation et dénasalisation

Le [u] latin libre ou entravé évolue en [o], puis se nasalise au XIIIe au contact des consonnes –n ou –m. Or [u] étymologique est maintenu graphiquement dans numbre, uncore (mais encore), secunde (mais seconde), umbreuse (mais ombre), annuncé et volunté (mais volonté).

Les formes dame, feme, somité, comis, comencer, Romains, Tanneguy ou Taneguy pourraient faire penser au processus de la dénasalisation devant les nasales explosives, qui commence en Moyen français et s’intensifiera au XVIe. Toutefois les doublets damme / danme, femme / fenme, sommité / sonmité, conmettoit / commis, conmencer / commencer, nomne / nonne, Rommains / Ronmains ou encore enmurée et Tanguy indiquent que dans le manuscrit 941 cette étape n’a pas encore été franchie, et la nasalisation se maintient marquée par des graphies anciennes avec une seule consonne nasale, comme plus modernes avec –mm, –mn ou –nm. Certaines formes présentent également une nasalisation partielle. Les terminaisons latines –anus et –amus subissent tout d’abord au VIe une diphtongaison du [a] > [ae] > [ai], puis une nasalisation au XIe [ãĩ] > [ẽĩ]. A la fin du XIIIe, la langue populaire simplifie [ẽĩ] en [ẽ], comme dans main, Troyens ou escripvains (f.2, 106, 406).

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Christiane Marchello-Nizia, Histoire de la langue française aux XIVe et XVe siècles, Paris, Dunod, p.64 2

Toutefois quelques mots du manuscrit ne présentent pas de diphtongaison mais une simple nasalisation du [a] comme Troyans, dans f.167v (pour daims), affrican f.168v (mais affricain f.6), lyan f.1v (mais lien f.122), anczois (mais ainczois) ainsi que les noms propres Urban f.176, 291v et 327v (mais Urbain f.146v, 316 et 327) et Lucan f.264. Alors que Geneviève Joly indique que « l’ouverture ne se poursuit pas jusqu’en [yã] en raison de la présence du phonème palatal [y] (la palatale a toujours une influence fermante) »1, Christiane Marchello-Nizia remarque à la fin du XIIIe « l’existence dans l’Orléanais et l’Ile-de-France d’une prononciation [jã], à côté de la prononciation [jẽ] »2, et par analogie [ẽ] à côté de [ã], qu’elle relève dans les rimes mains et grans, ou ans et vains. Notons l’occurrence chamberlain (f.377v, 378v, 383v), dont la terminaison est analogique

A côté de la forme ainsi, on trouve à quantité égale ainsin qui témoigne d’une nasalisation du [i] final par l’influence d’une nasale précédente3. Cette forme est très courante dans les parlers populaires normands, où l’on trouve notamment amin pour ami, et un siècle plus tard Ménage la considérera comme un provincialisme d’Anjou et du Maine.

Au XVe apparaissent pour le verbe prendre les formes verbales prins (participe passé) et print (passé simple) et ses dérivés emprinse, prinson et prinsonnier, où est généralisée le graphème –n présent à l’infinitif. André Lanly explique qu’ « au XIVe et XVe « on dit il print, ils prindrent »4 et que la forme prirent s’est généralisée tardivement. Toutefois les doublets pris, prit, emprise, prison et prisonnier indiquent que la consonne nasale de la base n’est ici qu’une graphie et non la marque d’une nasalisation.

La nasalisation de [a] ou [e] aboutissant au même phonème [ã], leurs graphies sont interchangeables et l’on trouve indifféremment –an (anglotisse f.1v, pancé f.2, mantirent f.16v, prandre, Pandrasus), -en (s’enbuscha f.19, menbre, Pendrasus, ,…), –am (jambes, champaigne, dymamche f.167) et -em (dempuis, em prison f.337, nem plus f.180v, emforcer f.362v, emquis). De même la nasalisation de [o] présente les doublets quelcomque / quelconque, descomfit / desconfit, bombardes / bonbardes f.164, et aussi numcé / nuncé.

En position finale, la nasale ne maintient pas toujours le graphème –n. C’est le cas pour Bego f.112v (mais Begon), Philo f.4 (pour Philon), Drogo (mais Drogon), Pluto f.11v (pour Pluton), Dido (pour Didon), Apolo (pour Apolon). Il s’agit soit de graphies étymologisantes (Dido, Apolo, Pluto, Philo), soit latinisantes (Bego et Drogo)

Hiatus

Alors que les voyelles en hiatus ont une nette tendance à se simplifier à partir du XIIIe, le manuscrit maintient toutefois quelques leçons. En proportion égale on trouve d’une part assiis, asiis, aage, eage, veage, freeur, celeement, assembleement, et d’autre part assis, age, asge, freur, celement, assemblement. La présence de ces doublets indique que le hiatus n’est plus que graphique. C’est également le cas pour

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G. Joly, Op. cit. p.175

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les terminaisons de certains participes présents, montrant un –e intermédiaire entre le radical et la terminaison verbale, comme croyeant, voieons, voieant, oyeans, oueans, aieans, ayeant, flambeant, mais aussi pour d’autres temps comme toucheoint, acouchea, arasea.

Quand [u] est interconsonantique, la consonne s’amuït et disparaît, laissant alors deux voyelles en hiatus [eü] au VIIIe qui se réduisent à [ü] à partir du XIIIe bien que leur graphie en garde la trace comme dans seur, arseure f.131v, asseurance, seuradjousta, soulleure f.117v, et les bases verbales comme receurent, peut (pour put), feussent, …