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Alors qu’au XVe un –e analogique (issu des personnes 2 et 3) se généralise rapidement à la personne 1 (je te donne et octroye f.49v, je prie f.251, je les treuve f.2), le manuscrit présente encore des formes sans désinence, provenant de l’effacement du [o] latin en final. Ce sont souvent des verbes à base vocalique (le radical est terminé par –i) qui ont résisté plus longtemps à cette réfection (je te pri f.54, je vous suppli f.78v, je croy f.117v, bien scay f.251v), mais on trouve aussi des verbes à radical consonantique : si vous requier f.251, je vueil f.229v.

A la personne 4, la désinence –s (<-mus latin) n’est pas toujours présente, que ce soit à l’indicatif (appellon f.24v mais appellons f.82, devon f.55), au subjonctif malgré les formes en –ions qui « triomphent »1 au XVe (perdon f.49v) ou à l’impératif qui sont les formes les plus courantes (prenon f.49v, degeneron f.79, envaÿsson f.79, resiston f.79,…). Gaston Zink explique qu’ « à l’Ouest et en anglo-normand, les copistes amputent couramment –ons de sa consonne finale […] par suite d’une analyse –on + s qui donnait l’impression d’un cumul de désinences2. »

A la personne 2 du présent de l’impératif, la terminaison –ez est fortement concurrencée par –er : Aller, François f.211, vueiller et renvoyer f.281, ne pancer pas et prener f.285v, considerer f.312.

Au subjonctif présent, apparaît la désinence –ge (issue de la palatalisation de la désinence –iam latine), forme que l’on trouve plutôt dans les textes littéraires normands et anglo-normands3 mais également dans le « Sud-Ouest, l’Anjou, le Maine, la Bretagne,… »4 Elle concerne surtout la personne 1 (commandege f.54, je le gouvernege f.56, nul qui doige f.56v, deignege Nostre Seigneur f.91, que ton privilege le lui concedege f.118, autrement dige que je n’en suis tenu f.315) et la personne 6 (pluseurs l’affermegent f.7v, fermegent f.122v, les François digent f. 231v), et plus rarement la personne 2 (tu nous donneges aide f.55v) et la personne 3 (Il usege).

Notons deux occurrences du subjonctif présent : soint f.1 (pour soient) ainsi que –aint f.2 et 189v (pour aient), dont le graphème –e a disparu. Gaston Zink remarque que les dialectes de l’Est et de l’Ouest « ont eu tendance à unifier le statut rythmique des désinences du pluriel en alignant –ent atone sur –ons et –ez toniques

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A. Lanly, Op. cit. p.45 note 2

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G. Zink, Op. cit. p.156

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A. Lanly, Op. cit. p.47

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»1, si bien que les graphies matérialisent également l’abandon du [e̥] central spécialement au subjonctif.

Imparfait

A côté de la désinence usuelle –oi (< *ea, eas, eat, … eant) de l’imparfait de l’indicatif (pouoit, chantoit, touchoient, estoient,…) issue de la diphtongaison e > [ei] > [wę]), on trouve quelques graphies –ai aux personnes 3 et 6 : louait, pouait, atouchaient f.99v, hantaient f.199v, louaient f.201, continuaient f.24, entraint f.119v,... Cette graphie, analogique de la diphtongaison de a + yod > ei > ę, marque le passage de [wę] à [ę] dans les parlers de l’Ouest, qui influencera aussi la langue populaire dans les autres régions. Cette prononciation de l’imparfait ne sera toutefois fixée qu’au XIXe.

Quelques terminaisons verbales présentent le graphème –e dans les désinences de la personne 3 : guerroiet f.93, seoiet f.204v, estoiet f.301v et f.330, vouldroiet f.257v. André Lanly2 explique l’existence de cette terminaison à partir de la terminaison latine –ebat qui évolue en –eat > –ei(e)t > –oit. De son côté, Pierre Fouché en citant la leçon « envoiet »3, estime que le graphème –oie est une graphie indiquant le phonème [ę] écrit –ai.

En revanche ce graphème –e disparaît dans bon nombre de terminaisons verbales de la personne 6. En effet, on trouve très souvent –oint à l’imparfait (estoint f.4, entendoint f.10v, avoint f.121v,…) ou au conditionnel (vouldroint f.120, esperoint f.152, poyeroint f.178,…). Cette désinence est également présente dans le ms 8266, même si elle est moins fréquente, et dans d’autres textes d’auteurs bretons comme La geste des Bretons de Guillaume de La Penne, la Chronique de Bretagne de Jean de Saint Paul ou encore les Grandes chroniques de Bretagne d’Alain Bouchart, Ce graphème –e est également absent de certains imparfaits en –ai : veaint f.7, ensuyvaint f.19, cuidaint f.19v, transportaint f.21v, entraint f.119v. L’explication de Gaston Zink sur la disparition graphique du [e̥] central (voir supra) peut ici être reprise. En revanche, Pierre Fouché situent ces formes « très anciennes »4 dans l’Orléanais et considère qu’en l’absence du –e la voyelle s’est nasalisée.

Notons le suffixe –iss du verbe fuir dans fuissoit f.102, fuissoient f.90v (qui donne aussi le participe présent substantivé fuissans f.96v et 112v), forme inchoative très en vogue en moyen français.

Au subjonctif imparfait, le suffixe modal –iss (voulsisse, ouvrissent, perdisse, saillissent) est plus souvent graphié –ei (forceissent, combateissent, voulseissent, meissent, defendeissent, feissent, deissent, parteissent, offreissent), par analogie avec celui en –eusse (deusse, peussent, eusse,…).

Le verbe prendre développe systématiquement un –n étymologique (< pre(n)si) qui pourtant avait disparu dès le bas latin : preneist, prensissent, prenseissent, prenseist, par analogie avec les verbes venir et tenir.

De plus à côté de l’occurrence attendue maintinssent f.6v, 155 et 233, le verbe tenir et ses composés ont une conjugaison qui se calque sur celle de venir (parvenissent, parveneissent, convenissent, conveneissent) dans maintensist teneissent, obtenissent, reteneissent et apparteneissent.

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A. Lanly, Op. cit. p.157

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Enfin ces trois verbes présentent encore deux radicaux différents. A côté de pris, preismes, preneist, preneissent, appreneissent, veneissent, conveneissent, teneissent, reteneissent, apparteneissent, on trouve aussi prensissent, prenseissent, prenseist, venseissent, vensissent, maintensist, formes qui avaient pourtant tendance à disparaître depuis le XIIIe.

Alors qu’à la fin du XVe, « les désinences –ons laissent définitivement la place à –ions »1, les anciennes formes sont toujours conservées : eussons f.85v, peussons f.360v et alissons f.361v. Il en est de même pour la personne 5 (fussez f.187v), dont la désinence –iez ne sera généralisée qu’au XVIe.

Le passé simple

La conjugaison du passé simple présente des désinences variées, notamment aux 3èmes personnes du singulier et du pluriel, attestant du mouvement général à partir du XIVe faisant disparaître les lettres muettes des terminaisons verbales.

A la personne 1 des verbes en –i ou –u, apparaît un –s final analogique, qui commence à être employé à la fin du XIVe : j’eus, je fus, mais encore je fu, je vi,…

A la personne 3, les doublets –i/-it ou –u/-ut des parfaits latins en –i ou en –edi signalent que la consonne finale, qui s’était effacée au XIe siècle, réapparaît graphiquement vers la fin du XIIIe et s’impose au XVe2 : s’endormi / s’endormit ; respondi / respondit ; entendi / entendit. D’ailleurs c’est la forme fut qui s’impose dans le manuscrit. Toutefois quelques formes maintiennent encore le –s des parfaits forts, alors qu’en moyen français cette lettre qui n’est plus prononcée a tendance à disparaître de la graphie : dist, fist, marchist, s’esjoïst, vist, fust, occist, chaïst, punist à côté de fit, joït, s’esjouit, vit, fut, occit. On trouve parfois l’insertion d’un –l dans rescoult f.116v et 406, descomfilt f.116v et 230 (mais plus souvent descomfit)

A la personne 6, la chute de la voyelle postonique, présente dans la désinence latine –erunt, met en contact le –s final de la base avec le –r de la terminaison. Une consonne épenthétique apparaît, qui est –t dans le cas de [sr] (fistrent, sistrent, assistrent, occistrent, conquistrent) ou –d dans le cas de [nr] (prindrent, vindrent, tindrent, parvindrent, seurvindrent, obtindrent) ou [sr] (misdrent mais variante mistrent). Toutefois cette consonne transitoire a parfois tendance à s’effacer dans misrent, disrent, ainsi que –s dans dirent, conquirent, firent, occirent, mirent et l’unique leçon obtinrent f.56v. Notons fitrent f.115v qui montre que le –s n’était donc plus prononcé,

Le manuscrit n’échappe pas non plus à la tendance, qui apparaît au XVe siècle, de refaire certains parfaits forts en –s sur les parfaits faibles en –i. C’est le cas pour clouit f.100 (mais enclot f.123), cousit f.77v, secourit (mais secourut f.262v), tollirent (mais tollurent f.82), courirent (mais coururent), encourist f.187, cheyt (mais cheut), cheirent (mais cheurent), prevalit f.80v, prevalierent f.22, souffisit f.49v, destruisirent (mais destruirent f.55) Gaston Zink explique que ce phénomène particulier au Nord provient de la « monophtongaison de –ie en –i »3, qui entraîne la contamination de tout le paradigme sur le verbe dormir, jusqu’aux passés en –u. Ces formes survivront jusqu’au XVIIe. A l’inverse, certaines occurrences du verbe escripre présentent des désinences de parfait fort en –i (rescripst f.254, 334 et 341, escripsit f.322v, rescripsist f.341, escriprent f.106 et 236v et escripsirent f.10), mais aussi de

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G. Joly, Op. cit. p.192

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G. Zink, Op. cit. p.202

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parfaits faibles en –ivi (rescripvit f.253v et escripvi f.345 et 372, descripvirent f.405v) qui seront les formes définitives.

Futur et conditionnel

A la personne 1, à côté des désinences en –roy, on trouve –é quand le sujet est postposé au verbe : conqueroy ge f.285, mais differeré ge f. 56 et f.315, escriré ge f.173. Notons à la personne 4 la désinence –ons, à l’exception de prendron f.78v.

Le graphème –e de la désinence des verbes du premier groupe disparaît dans demourroint f.63v, se desfiroient f.226v (pour se desfieroient), humiliroit, mariroit f.25v, ensoigniroit f.382v, essayroit f.208, envoyroit f.383v. A contrario peut apparaître un « e » « svarabhaktique » qui, à l’origine, se trouvait dans certains parlers : secoureroit f.130v et 163v, confonderons f.260v, esmouveroit f.342, vereoit (pour verroit) f.326v.

L’insertion d’un –d entre le radical et la désinence, déjà généralisé en ancien français, est dominant dans le manuscrit : appartendroient, vendroit, sourvendroit,…