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Seuls deux manuscrits de la première version des Chroniques de Pierre Le Baud nous sont parvenus. Celui conservé à la BM d’Angers (cote 941) provient de l’abbaye de Saint-Aubin de cette ville et a appartenu à Boislève de

Saunay, descendant du prévôt de Saint-Louis1. Quant au manuscrit de la BNF

de Paris (cote fr. 8266), il aurait fait partie, selon Dom Morice2, de la

Bibliothèque du Roi à Paris avant d’appartenir au maréchal d’Estrées, qui en a fait l’acquisition le 12 août 1740, ainsi que l’indique l’ex-libris de la première page.

Comme c’est souvent le cas au Moyen Age3, ces deux manuscrits sont

désignés dans les catalogues par deux titres différents : 941 est enregistré sous le titre Chroniques des rois, ducs et princes de Bretagne alors que 8266 est intitulé Compillation des croniques et ystoyres des Bretons. Aucun de ces titres n’est écrit sur la page de garde de ces deux ouvrages, mais il est repris soit de la première rubrique pour 8266 (« Cy commence une compillation des cronicques et ystoyres des Bretons ») soit du prologue pour 941 (« escripre la compillation des cronicques et histoires de tresnobles roys et princes de Bretaigne armoricque ») puisque la première rubrique fait l’objet d’une réserve. Toutefois, sur la tranche de 941 est inscrit Cronicques de Bretaigne, tandis

qu’en haut du premier folio on lit également Chronique de Bretagne4, mais

dans une calligraphie qui date du XVIIIe siècle. Quatre siècles plus tard,

Charles de La Lande de Calan intitulera sa transcription de 8266 Cronicques

et ystoires des Bretons. Au-delà de la multiplicité des titres, conséquence de la multiplicité des lecteurs, ces variantes indiquent déjà les hésitations, d’une part entre les termes génériques de compillation, chronique et histoire, et d’autre part entre Bretons et rois, ducs et princes de Bretagne pour désigner le peuple armoricain.

Quant aux notices de ces deux ouvrages, elles avancent des indices contradictoires à propos de leur ordre d’écriture. Si l’article de L’Histoire

littéraire du Maine5 hésite indiquant que l’ouvrage de la BM d’Angers est « le manuscrit français de P. Lebaud (sic) ou une copie fort ancienne du manuscrit original », la notice de la BM d’Angers concernant la transcription de Charles de La Lande constate qu’il ne s’appuie que sur le ms 8266 et « ignore l’original de la chronique de Pierre Le Baud conservé à la bibliothèque d’Angers ». De son coté, Marie-Louise Auger, dans son analyse des sources

d’Alain Bouchart6, affirme que 941 est plus récent que 8266. L’analyse

comparative des corrections et des variantes va permettre de clarifier ces

1

Histoire littéraire du Maine, sous la direction de Barthélémy Hauréau,, tome II, Paris, Julien, Lanier et Cie éditeurs, 1852, p.168

2

Dom Morice, Histoire ecclésiastique et civile de la Bretagne, Paris, 1742, tome I, préface

3

Donatella Nebbiai, Le discours des livres, Rennes, PUF, 2013, p.19

4

Le terme Chronique au singulier paraît étonnant, car Le Baud emploie toujours ce terme au pluriel quand il renvoie à son œuvre.

positions à propos de la filiation entre nos deux manuscrits et de distinguer l’original de sa copie.

La mise en page de ces deux ouvrages présente de notables différences. Le manuscrit de Paris, composé de 395 folios écrits sur parchemin, est d’une impeccable facture. Le texte se présente sur deux colonnes, dont l’écriture identique du début jusqu’à la fin se lit aisément. Quant au texte de 941, il s’étale en pleine page et la calligraphie varie selon les folios : le changement d’outils d’écriture (ou de scribe ?) peut expliquer qu’elle apparaisse plus ou moins petite, plus ou moins fine et plus ou moins serrée entre les lignes. La préparation des cahiers a toutefois été faite avec soin, puisque est encore visible au bas de certains folios une numérotation constituée d’une lettre (doublée à partir de la moitié du manuscrit) suivie d’un chiffre romain allant de I à XII et d’une réclame signalant le passage d’un cahier à un autre. L’atelier ayant exécuté ce travail minutieux était vraisemblablement installé en Bretagne, en raison du filigrane représentant une moucheture d’hermine dans un écu, motif récurrent dans les imprimeries bretonnes, notamment dans celle de Circé en Ille-et-Vilaine qui en contient

trois1. Les rubriques et lettrines de ces deux manuscrits sont rédigées à l’encre

rouge, même si un plus grand nombre manque en 941. Toutefois ce dernier a subi des dégradations préjudiciables à la lecture de certains folios. Alors que le premier cahier est en parchemin, les autres sont en papier et un certain nombre d’entre eux (f. 52-58, 63, 66-67, 72-76, 89v, 96, 124-125, et vers la fin le haut des folios) sont rongés par l’acide de l’encre métallo-gallique utilisée à

partir du XIIIe siècle sur ce support, qui noircit le feuillet et rend la lecture

difficile, mais néanmoins possible2. Sont également écrites en 941 des notes

marginales aux folios 54v et 131-134, commentaires écrits ultérieurement et précisant ou contredisant certains faits racontés sur la page concernée.

Quant aux enluminures, le ms. 8266 en présente quinze de taille conséquente qui illustrent des batailles importantes pour la Bretagne (celles entre les deux frères Belinus et Brenius, entre Gaulois et Bretons, entre trente Bretons et trente Anglais), des conquêtes de villes (Kemperlé, la Roche-Derien, Auray, Derval et Chantoceaux), mais également des évènements marquants comme L’Arche de Noé, Silvius tué par son fils Brutus qui est alors forcé à l’exil, le sacre d’Arthur roi de Grande-Bretagne et le couronnement de

François Ier duc de Bretagne. Deux enluminures particulières servent

d’ouverture et de clôture au manuscrit : celle de l’auteur lui-même rédigeant son ouvrage au f.5, puis offrant son livre à Jean de Derval et à sa femme Hélène de Laval au f.393v. En 941, aucune enluminure n’est présente mais des emplacements identiques à ceux de 8266 sont réservés à cet effet.

Ainsi 941 paraît inachevé et moins soigné que le manuscrit de Paris. Des erreurs de numérotation sont présentes dans la table des matières du livre III, provoquées par l’oubli d’un chapitre (f.44v) ou l’addition d’un autre (f.45), ainsi que dans le livre III où le folio suivant celui noté 288 n’est pas

1

Charles Moïse Briquet, Les filigranes, Genève, 1907, volume I, p. 148 et 149.

2

numéroté et où le folio 280 est doublé. Des « erreurs de plume »1 sont également plus fréquentes en 941. Le changement de folio provoque soit des répétitions de mots de liaison (et, de, pour…) ou de syllabes (Magla[f.27v]glanus), soit des oublis (que pis [leur ave]nist f.402v). Dans le corps des mots, on remarque des erreurs de jambage (bamniere f.316v,

escprivut f. 372), des lettres omises (La tour [B]Abel f.4 ; evang[e]liste f.39 ;

Sal[o]mon f.2v ; mainti[n]ssent f.6v et 155) ou inversées (Bretran f.286) et des

syllabes doublées (tresgriefvemement f.104v ; abundaumement f.185v ;

longuemement f.192). Certains signes diacritiques manquent également comme quelques tildes de nasalité (amainnet f.281v pour amainnent, assailas f.225 pour assaillans, Tragouff f.250v pour Trangouff,…). De plus, quelques mots écrits partiellement ne sont pas raturés et l’on peut lire conseilloit lleroit f.

257v, faulce que querelle f.260v, duc de bre de Bretaigne f. 289v, pour par

parlamenter f.319 A neuf reprises enfin (f.179v, 215v, 227v, 231v, 236v, 243v, 244, 319v et 321v) apparaissent des confusions de date entre le temps du récit (13..) et celui de l’écriture (14..), erreurs qui ne se trouvent pas dans le manuscrit de Paris.

Au vu de ces premiers relevés, nous pouvons affirmer que 941 n’est pas l’original puisque trop de fautes sont constatées qui ne sont pas présentes en 8266, et celui-ci pourrait bien prétendre à ce titre. L’analyse des corrections du manuscrit de Paris permet de confirmer cette hypothèse. En effet, le manuscrit de Paris fait preuve d’une relecture attentive tant sur le plan linguistique que sur le plan historique. A plusieurs reprises le copiste rature proprement des mots ou groupes de mots qui lui semblent morphologiquement ou syntaxiquement incohérents. Ainsi on lit : de d’illecques f.112 ; veulloient f.240v ; ledit roy d’Angleterre il faisoit reediffier f.204 ; comme jasceit f.298v ; si

diligamment f.120 ; la cité fureur f.156v ; pongnee de la terre sablonneuse f.94 ; ainsi que dit Vincent de Beauvois…dit en ceste maniere que Judoch f.104 ; pour laquelle chose fut le roy Artur tant enflambé tresardaument de

corroux et de maltalant f.73. A l’inverse, la relecture a permis d’ajouter en

suscrit des mots oubliés : François qui contre ceulx murs f.198 ; jucques a Nouel

f.248 ; traiter de paix en Bretaigne f.249v ; ravitaillez f.256 ;

printdemiepongnee f.94v ; uneautrecronique f.139 ; l’aisné filzLoÿsle Gros f.159 ;

bons gensd’armes f.356v. Outre les corrections sur la forme, le fond fait aussi l’objet d’une attention particulière, car 8266 raye des dates (mil quatre vingt et

ung f.144), des personnes (celui filz du roy de Hongrie f. 404v, les dessus ditz

acteurs Orose f. 34v et 35), ou des lieux (Dinan Hannebont f.279), qui ne correspondent pas à la vérité historique. A deux reprises, 941 tient compte des leçons corrigées : en 8266 le mariage du comte de Monfort avec Yolande d’Anjou daté de 1431 est présenté avant celui de Guy de Laval avec Ysabeau de Bretagne datant pourtant de 1430 et un signe diacritique à l’encre rouge indique l’inversion chronologique. Au f.371v, 941 tient compte de cette correction et rétablit l’ordre chronologique, en se trompant toutefois sur la

première date qu’il réécrit 1431. Il en est de même pour le paragraphe que 8266 rajoute en bas du folio 145v et qui est intégré par 941 à la suite du texte au f.139v. Mais quant aux ratures et mots suscrits, 941 ne suit aucune des leçons corrigées et il semble donc qu’il ait recopié 8266 avant que celui-ci n’ait effectué les corrections relevées ci-dessus, excepté celles faites au moment même de l’écriture.

Puisque 941 est une copie de 8266, les autres erreurs relevées sont caractéristiques de ce type d’exercice et peuvent se classer en deux groupes. Ce sont tout d’abord des fautes liées à une lecture erronée de certains mots du texte source, provoquant une paronymie autant phonétique que graphique :

creez (de créer) > croyez (de croire) f.7 ; eut > en f.23v ; loyaument >

royaument f.92v ; primaz > prelats f.106v ; victorieux > vigoreux f.31 ou inversement vigoreusement > victorieusement f.14 et 43 ; son > bon f.83v ;

vingt > ungs f.23 ; perte > partie f.29v ; se adresser > se drecer f.36v ; leva >

lava f.104 ; barons > bretons f.125v ; sigla > silla f.36v ; enflambe > en semble

f.241 ; detencion > de l’atencion f.321v ; preserver > perseverer f.166 ;

tourmenterent > tournerent f.203v ; amonester > amener f. 79 ; leauté >

beauté f.236v ; flotz > flatz f.313 ; Juhael > Hoel f.100v ou Judual > Juhael f.97 ; Brenius > Belnius f.75v ; privement > premierement f.67v ; divisa >

advisa f.89v ; Belesme > Helesure f.163 ; Pont de l’Arche > pont de La Roche f.392 ; lieues > lieux f.302. Si dans quelques leçons cette paronymie s’accommode d’une simple synonymie, dans bien d’autres cas ces transformations deviennent préjudiciables à la compréhension du texte, non seulement parce qu’elles changent la nature du mot recopié et rendent la syntaxe incohérente (aller > assez f.76 ; parvint > par nuyt f.223v ; le duc >

ledict f.101v ; assemblement > assemblerent f.16), mais surtout parce que le sens devient problématique même si la nature du mot est conservée (Moine >

Maine f.45 ; moynne > moyenne f.63v et 144 ; du ciel > d’icelui f.86 ; brasseur

> embrasseur f.53 ; tourneroient > trouveroient f.212v ; comte > contree f.87v ;

randon > raideur f.224v ; citoyens > Troyans f.25 ; affaires > adversaires f.226 ; commancement > commandement f.52 ; ramenerent > ramerent f.8v), et génère des barbarismes comme mevin f.69 (pour venin) ou forcenneure f.72 (pour forcennerie), discuppé f.83v (pour discippé), et des contre-sens fâcheux comme greveuse devenant gracieuse alors que l’auteur évoque les nombreuses blessures des chevaliers bretons lors de la bataille des Trente au f.240v.

Outre ces fautes de lecture de l’hypotexte, d’autres méprises relèvent de la mémorisation, puisque le scribe doit lire à voix haute puis retenir des groupes de mots avant de les écrire. Apparaissent alors des erreurs auditives qui transforment un singulier en pluriel ou inversement (quelles choses, celles

querelles, leurs murs, les chevalier, a leur emprises), qui oublient une syllabe phonétiquement proche de la suivante, phénomène d’haplographie modifiant notamment le temps et le mode des verbes (adhe[re]rent f.276v ; costoy[er]ent

f.284v ; retir[er]ent f.68v ; emploi[er]ent f.69, demou[re]roint f.201 ;

également entre conditionnel et futur (veoirroient > verront f.1v ; pourront >

pourroient f.2), présent et imparfait (pançoit > pance f.11) ou passé simple et imparfait (seigneurit > seigneurioit f.2v). La mémorisation auditive des mots avant leur recopie peut aussi expliquer les collusions entre phonème et

graphème pour le son [ẹ] graphié –er pour –ez, le pour les, aller f.197 pour

allerent, fe f.122v pour feu, ques f.172 pour queues, veille pour veuille f.78v,

fors f.97v pour forces, cathedral f.232v pour cathedrale, seigner pour seigneur

f.121v, voire il pour il l’ qui provoque la plupart du temps l’ellipse du pronom COD. Le graphème –tz dans la leçon prosperetz f.117v peut laisser également penser que le scribe prononce encore cette affriquée en position finale, alors

qu’elle s’amuït normalement dès le XIIIe siècle.

La mémorisation génère aussi des omissions de mots brefs comme des conjonctions ou des prépositions (de, après, et, jucques,…), des noms (filles f.25v, isle f.12v,..), des adjectifs (durs f.390), des verbes (meptre f.397v et à de nombreuses reprises l’auxiliaire être), jusqu’à des propositions complètes comme aux f.15 et 15v par exemple. Et si le mot n’est pas oublié, il peut être remplacé par un synonyme : rive > rivage f.103 ; destinee > mort f.25v ; royal

> noble f.30 ; rhetoricien > poetricien f.24v ; merveilleuse > grant f.19v ; mussé

> mis f.37v ; desert > destroit f.19v ; lui fust desleal > ne lui fust leal f.110 ;

combattans > chevalliers f.75v ; contreversité > discorde f.177v ; gens >

parens f.55 ; commistion > conjonction f.59 ; moult > tout f.83v ; natures

couvertes > manbres couvertes f.174.

A contrario, des mots peuvent être ajoutés (Si grant numbre largesse f.74v ; bailla aux Saxons par la traïson desquelx il estoit venu ou païs de la

province de Leogrie f.82 ; les assailloient si vigoreusement corageusement ;

à l’occasion de laquelle femme (au lieu de chose f.14 ; de la Grant Bretaigne

armoricque) qui semblent jaillir d’une écriture impulsive, anticipant des

expressions types et récurrentes dans le texte. Enfin certaines répétitions apparaissent que le scribe n’a pas pris le temps de rayer (de barons princes et

de barons f.27 ; que puis que f.26v ; que de celle de Cartage f.6,…), ainsi que des bourdons sautant du même au même (f.135 où une seule fois est récopié le mot « règne » alors que les deux leçons de 8266 désignent celui de Geoffroy de Bretagne et celui de Robert de France, ce qui provoque une erreur historique) et des doublons de propositions répétées à quelques lignes d’intervalle (f.106v et 111).

Enfin les erreurs de mémorisation provoquent des inversions (il se > se

il ; les Bretons après > après les Bretons f.68v, la desconfiture de leur gens >

et de leur gens la desconfiture f.66v) ou font glisser la caractérisation d’un mot à un autre : il arma a l’encontre de lui son cueur > il se arma a l’encontre de

lui, son cueur couveteux f. 157v ; les siffleys furieux des vens > les siffleys des

vents furieux f. 13v ; avoit celle pucelle un cerf dés jenne asge nourri > avoit

celle jenne pucelle dés jenne asge ung cerff nourry f.13v ; mais remidier on n’y

pouoit f.11 alors qu’en 8266 le sujet du verbe est Eneas ; ilz ne pouaint (Turnus et ses gens) f.15 alors que 8266 écrit il ne pouait (qui ne concerne que Turnus).

Ces derniers exemples montrent que si les erreurs de mémorisation ne gênent pas obligatoirement le sens général de la phrase, elles en modifient toutefois les détails et pour certaines leçons, il semble bien difficile de faire la part entre erreur d’inattention due à la copie ou intervention volontaire sur le texte source. Au f.13 par exemple, on trouve chat alors que 8266 écrit char, mais ces deux substantifs désignent des machines de guerre différentes. De même au f.77 le géant qu’affronte Arthur roi de Grande-Bretagne est tâché du

sang des porcs, alors que 8266 écrit du sang des corps : cela peut relever autant d’une erreur homonymique que d’un euphémisme pour mettre à distance l’anthropophagie du monstre. Notons que dans le texte latin de Monmouth, que Le Baud recopie pour ce passage, on trouve bien le substantif

porcorum1. Dernier exemple de la même facture au f.21 où jeans devient

gens : est-ce une erreur de lecture due à l’homophonie entre ces deux termes ou le scribe écarte-il l’identité trop merveilleuse des premiers habitants de l’île

d’Albion ? Ces questions demeurent sans réponse, car si les erreurs

d’inattention dépendent « du coefficient personnel de fréquence des fautes »2

de chaque scribe, l’état d’esprit de celui-ci au moment où il copie le texte qu’il a sous les yeux joue aussi sur l’interprétation qu’il peut faire de sa lecture de l’hypotexte. La copie participe plus largement du procédé de la réécriture qui propose alors des variantes intéressantes.

D’une part, le scribe de 941 choisit pour certaines leçons de revenir à l’étymon du mot qu’il lit : le nom propre Turnus en 8266 est écrit Tironus au f.3 qui est le nom latin de Turnus ; Fluvia est transcrit Fluma du latin flumen f.5 ;

innumerables f.85 remplace innumbrables et aloacté f.100v est préféré à

alaité.

D’autre part, il propose des corrections salutaires tant sur le paratexte (au f.45v deux rubriques notées sous le même numéro en 8266 sont dissociées par 941, au f.48 une rubrique absente de 8266 est rétablie) que sur la syntaxe (furent osez funder > firent funder f.89v) ou le contenu : au f.119v,

Erispogius est remplacé par Néomenon qui est bien l’époux d’Octemberge ; au f.137, le nom de la ville de Carrouge est remplacé par Pontorson qui est sa dénomination moderne ; au f.138 est remis à juste titre le nom du personnage

Uterinus qui était gratté en 8266 ; au f.176v n’est pas recopiée la référence à Boccace affirmant que Guy de Montfort a combattu en Lombardie sous les ordres de Charles d’Anjou, alors qu’en réalité il s’agit de son frère Philippe dont les exploits ont été racontés à la fin du chapitre précédent. Dans sa volonté d’agir sur le texte pour l’améliorer, le scribe du ms 941 complète aussi quelques réserves laissées par 8266, même si ces corrections ne sont pas toujours des plus heureuses. Au f.278 est indiquée le nom de la ville Lusumont

qui se trouve en effet dans un des manuscrits de Froissart3, mais quand au

f.24 il complète par Corineus, alors que le scribe de 8266 s’était arrêté a a co

1

Faral, Edmond, La légende arthurienne, études et documents, Paris, Champion, 1993, volume III, p. 256 et Geoffroy de Montmouth, Histoire des rois de Bretagne, éd. Laurence Mathey-Maille, Paris, Les Belles Lettres, 1992, p.233

2

Conseils pour l’édition de textes médiévaux, le manuscrit littéraire, Paris, Ecole nationale de Chartres, 2002, Fasicule III, p.37

3

sous-entendant que Corineus n’était pas le bon personnage, le copiste de 941 se trompe car était logiquement attendu le nom de Locrinus, fils de Corineus. De même au f.287, alors qu’en 8266 est écrit passa le duc a Lumel la riviere

de […] puis adressa sa voye, la réserve attendue étant le nom de la rivière, la copie devient passa le duc a Lumel la riviere depuis adressa sa voye, ce qui génère une incorrection syntaxique. Signalons enfin la variante étrange concernant les deux rois danois appelés en renfort par Richard de Normandie au f.134 : le copiste de 941 indique qu’il s’agit de « Claver roy de Boecie et Bacmaud roi de Calabre », alors qu’en 8266 au f.138v ont lit « Allain roy de nord Lorene et Laguan le roy de Soame », informations qui concordent davantage avec celles des Grandes chroniques de France et du Roman de

Rou de Wace. Le copiste met également quelques réserves en lieu et place

de noms propres avancés en 8266 (l’archevesque de [Reims] f.268v, la ville d’[Hedé] f.306, le peuple des [Picts] f.39v), d’un adjectif (touz les [autres]

submis f.40) ou d’un nombre (neufiesme f.377). Enfin, il raye quatre mots proposés en 8266, soit parce que le nom propre lui semble incorrect (Budic

Castelin Caste f.141), soit parce que ces mots lui paraissent redondants comme dans la paix avoir esté entr’eulx juree f.102 et Edouard uterin son frere

de mere f.143. Des doutes ou des informations supplémentaires sont sans doute à l’origine de ces corrections, qui permettent également des ajouts, comme l’insertion du nom d’une ville ou d’un personnage dans une liste (ex. :