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Flexion casuelle

Depuis le début du XIVe la flexion casuelle disparaît progressivement des textes en moyen français et les formes s’alignent sur le cas régime. Toutefois subsistent quelques vestiges du –s, désinence du cas sujet singulier, notamment dans les noms propres, tels Pierres, Charles ou encore Phelipes (mais aussi Pierre, Charle et Phelipe) ou les titres (le sires de Derval f.178v, ledit sires f.384). C’est le cas également pour certains adjectifs épithètes (la face plaisante et aimables f.62, sages clerc f.171) ou attributs (Dieu comme misericords f.103v, il estoit lasches f.148v, estoit ung pescheurs f.107v), et les participes présents (le duc de Bretagne … affermants f.332v ; Nous, Charles, cognoessans f.360). Le pronom sujet masculin pluriel est majoritairement marqué par la désinence –z (et moins souvent par –s, à l’exception de quelques cas : il veoint f.186, il n’y peurent f. 232, il les porrent avoir f.241v et il ne supportoient f.338. L’indéfini riens est le plus souvent écrit avec le –s flexionnel du cas sujet : s'ilz y pourroient riens conquester f.197v ; ilz peussent la riens conquester f.202 ; que riens ne feroient f.186v.

Certains noms issus de la troisième déclinaison latine du type ber/baron, conservent la forme du cas sujet singulier, même si le nom est en fonction objet : Gannes f.108 et 108v (pour Ganelon), Hue (pour Huon), sire (mais seigneur) et nonnain f.172v (pour nonne). Quant à la flexion hom/homes dans l’expression trespassa de ce secle hault et puissant homs f.348v, la présence du –s est analogique aux autres déclinaisons. Ce n’est qu’à partir du XVIIe que seront fixées les formes définitives.

A côté de la forme sire (sujet ou objet), nous relevons missire au singulier (et jamais missires), où mi– issu du cas sujet pluriel a contaminé par analogie celui du singulier, quelle que soit sa fonction.

Notons que dans les trois compléments ladicte tours f.36v, du haut d’une tours f. 200v et par ceste vertus 123v, le –s est étymologique et non flexionnel.

Les pronoms

Les pronoms personnels

En moyen français, le système des pronoms commence à se stabiliser entre fonction sujet et fonction régime. Toutefois s’opèrent encore des glissements entre forme tonique et forme atone. Les pronoms sujets atones il et ilz remplacent parfois les pronoms sujets toniques lui et eux : il et Ascanius f.12 ; il et sa route f.254, il qui fut prevenu f.337v ; il qui estoit prince f.384v ; ilz ainsi perduz f. 122v. De même un pronom objet atone peut céder la place à un pronom objet tonique, notamment quand il est au début d’une proposition : s’efforczant eulx pugnir de leur rebellion f.316v. L’inverse est aussi remarqué dans les presenta des dons f.172, le présenta f. 151, le promist f.188, leur priant f.240.

Le pronom « on » est très souvent précédé de l’article élidé « l’ » : le a l’on veu f. 242 ; n’y pouait l’on trouver 327 ; promist l’on 237. Il est parfois concurrencé par la forme l’en. C’est d’ailleurs en moyen français qu’il commence à se répandre.

Une seule leçon du pronom féminin elle est graphié –el : el avoit f.195. Cela peut aussi s’expliquer par la propension du scribe à transcrire phonétiquement les mots qu’il lit. Au f.64v ilz est mis à la place de elles et au f. 195v, il à la place de elle. Gaston Zink observe en effet « un recul des formes féminines »1 au XIIIe, qui s’amplifie au XVe, mais sera fortement condamné par la langue savante.

Le pronom personnel il masculin se réduit parfois à i quand il suit qu’ (pronom relatif ou conjonction de subordination), processus propre à la langue orale en raison de l’homophonie qu’il / qui2 : du tiers dit Ovide […] qu’i fut Assaracus appellé f.9 ; des offres qu’i fist a monseigneur Charles f.46v ; par condicion qu’i lui donnast f.59 ; grant heritage qu’i luy conferma f.157 ; Charles qu’i les preneist f.204v.

Alors que la marque –s se répand dès le XIIIe pour marquer le pluriel de l’adjectif possessif leurs (auparavant invariable sous la forme lor), le copiste semble étendre cet usage au pronom qu’il graphie par sept fois leurs (leurs couperent f.207v ; leurs couppoient la gorge f.394v,…), sans faire la distinction entre les deux natures.

Les pronoms démonstratifs

La disparition des déclinaisons influe aussi sur les démonstratifs et un nouveau système apparaît au début du XVe, qui classe en adjectif les formes issues du latin iste (cist, ceste, cestui, ces) et en pronom les formes issues du latin ille (cil, celle, celuy, ceulx, celles). Toutefois cette répartition n’est pas encore complètement respectée dans le ms 941. A côté des leçons s’y référant (devant le maire autier de celuy f.399 ; les condicions de celle f.314 ; aucun de ceulx 167v,…), on trouve aussi cely bourgeays f.214v, celui leur duc f.347v, celles transmutacions faictes f.67v,

ceulx assaillans f.164 ; et aussi vint en ceste f.52v, ceste fut la derreniere escarmousche f.309.

Les formes iceulx, icelles avec i prosthétique sont nombreuses, qui relèvent du vocabulaire juridique et de la langue littéraire. Christiane Marchello-Nizia précise cependant que ces formes ont été trouvées dans « des textes nettement dialectaux » de l’Ouest et du Sud-Ouest1.

Alors que le moyen français généralise l’adjectif démonstratif ces au pluriel, le manuscrit conserve l’ancienne forme cestes au féminin (sujet ou régime) dans les expressions cestes choses (f.19, f.406v,…) et cestes parolles (f.77v, f.117v,…). Notons l’unique leçon cests princes f.382.

Les pronoms relatifs

Le pronom relatif que concurrence très souvent qui (ce qui est beaucoup plus rare dans le ms 8266). On trouve ainsi hommes puissans de corps et que scelon leur loy et police vertueusement vivoient f.6v ; senateur de rome et que depuis en fut empereur f.17 ; tout ce que estoit illecques demeuré des despoulles et des aournements f.126 ; qu’il restitueroit tout ce que estoit destruict en icelle eglise f.129. Gaston Zink indique que cette concurrence se « manifeste surtout (mais non exclusivement) dans les textes de l’Est et de l’Ouest. »2

A l’inverse, le pronom sujet qui est parfois préféré aux pronoms relatifs objets que, lequel ou laquelle : Dyana qui pour lors ilz clamoint deesse des bois f.21v ; Vortiger qui Rouine empoisonna f.59 ; qui dempuis autres acteurs recuillirent f.89v, Pierre de Craon qui tant de foiz il avoit courroucé f.330v, Angloys qui en peu de heure ilz mistrent a descomfiture f.403. Cela s’explique par l’extension de la forme cui (à l’origine cas régime indirect) au cas régime direct où elle concurrence que.

Les pronoms relatifs ne sont pas toujours écrits avec l’enclise de l’article défini : quelle de toi f.53v ; par le heaume quel il retourna en son droict f.176, queulx il confessa f.374. Ce pronom relatif issu de l’adjectif interrogatif « ne se développe vraiment qu’au XIVe siècle »3 affirme Genevieve Joly, mais l’on voit que cette évolution est toujours en cours à la fin du XVe.

Les articles et pronoms indéfinis

Les formes du pluriel des articles indéfinis uns et unes sont encore présentes, alors qu’elles ont tendance à disparaître à partir du XIVe. Elles sont utilisées que ce soit pour la fonction sujet (seurvindrent sus eulx ungs geans f.23), ou objet (unes lettres, unes forcetes, unes joustes, unes chartres, ungs beaux plains, ungs jardrins…). Ces déterminants servent à désigner « un tout formé par un ensemble d’unités » précise Christine Marchello-Nizia4.

Alors que la forme aux est la plus courante au XVe, on trouve encore aus dans le pronom relatif composé ausquelx, ausqueulx.

Les indéfinis pluseurs et aucuns sont à maintes reprises utilisés comme pronoms dans les expressions les pluseurs ou les aucuns, formes qui apparaissent dans la deuxième moitié du XVe.

1

C. Marchello-Nizia, Op. cit. p.132

2

Gaston Zink, Op. cit. p.102

3

G. Joly, Précis d’ancien français, Paris, Armand Colin, 2009, p.83

4

La forme chaicun(e) est utilisée comme pronom (chaicun, chaicune) mais aussi comme adjectif dans les expressions figées chaicune partie, chaicun jour et chaicun an.

Les adjectifs

En moyen français, l’adjectif épicène a tendance à se calquer sur les adjectifs variables en genre. Toutefois ils sont encore nombreux dans le ms 941 à garder leur forme ancienne, parce que la désinence du féminin ne modifie pas la prononciation. C’est le cas pour l’adjectif qualificatif grant (grant feste f.66v, grant joye f.67, Grant Bretaigne,…) à côté des quelques occurrences de grande (grande cité f.66v, grande noblesse f.68v, Grande Bretagne f.80, 81v et 83) et ceux se terminant par –l (dignité royal mais dignité royalle, perpetuel mémoire f.97). Il en est de même pour les adjectifs indéfinis (mains autres loys f.150v, tout la fleur f.259, tel maniere f.261v, quel resistance f. 209, greigneur partie f.171v, 221v, 235, meilleur partie f.258v, Aise la Mineur, la cité d’Avranche ouquel f.395) et les adjectifs verbaux (ardant flamme f.220v, passant vie f.25, tresflairant liqueur f.2v. Quelques occurrences ne présentent pas ces consonnes finales quand les formes sont au pluriel : eaues boullans f.198, espees transchans f.204, tous ses forces f.203v, tous pars f.164.

Le féminin est marqué par le –e final qui fait sonner à nouveau la consonne amuïe depuis le XIIIe (face plaisante f.62) et la maintient également dans brieffve et sauffve. La géminée –ll ne s’est pas encore généralisée, ce que montrent les doublets naturelement / naturelles, continueles / continuelles, et l’on trouve aussi generalles f.369v et totalle f.10 et 360v.

Les adverbes

Alors que les adverbes sont formés sur le féminin auquel est soudé le suffixe –ment (hastivement, brieffvement, griefvement,…), certains présentent la désinence –aument (diligaument, abundaument, vaillaument,…) alors qu’on attendrait plutôt une terminaison en –anment ou –amment. Il pourrait s’agir d’une confusion graphique entre n et u, mais Geneviève Joly indique que « le type loiaument a pu exercer une influence analogique sur les adverbes en –anment, conduisant à des formes avenaument, erraument… »1, d’autant plus qu’au XVe le procédé de dénasalisation est à l’œuvre qui permet de dissimiler –au de –an.

Les adverbes formés à partir du genre féminin maintiennent le –e final dans celeement, communeement et assembleement, alors que les hiatus ont tendance à disparaître en moyen français. L’adverbe grandement est la seule forme utilisée (et non gramment comme on pourrait s’y attendre avec la forme grant au féminin), alors que forment et loyaument ne sont jamais concurrencés par fortement ou loyalement. Les hésitations sur la géminée dans les adjectifs féminins explique les doublets telement / tellement), naturelement / naturellement.

Les marques du singulier et du pluriel

Les masculins invariables sont marqués par le morphème –s (trepilleis, trepilleys siffleis, logeis), mais plus souvent par –x (trepilleix, siffleix, logeix, feix, deceix, ribleix, proceix, acceix, taudeix).

Le pluriel des noms et des adjectifs est signalé indifféremment par les morphèmes –s, –x et –z. Ce dernier est soit la marque graphique du phonème [ts] en position finale implosive qui s’amuït en [s] au XIIIe (petiz, foiz, ilz, filz, touz à côté de touts f.76 et 41v, esloignez, ainsnez, portez, issuz et le nom propre Avranchez et son doublet Avranches), soit mis à la place de –s après t, rappelant encore graphiquement l’affriquée (faitz, subgitz, prelatz), soit remplaçant le –s notamment pour le nom propre Foulgerez (mais Foulgeres). Le morphème –x, ancienne marque graphique de –us est plutôt graphié –ux et même –ulx (aux, eaux, beaux, juvenceaux, gouvernaulx…).

MORPHOLOGIE VERBALE