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traitement psychopharmacologique de fond

Le traitement médicamenteux de la schizophrénie a évolué au travers de deux étapes : tout d’abord la découverte de la chlorpromazine au début des années 1950, qui a permis d’améliorer de façon inédite les symptômes positifs de la schizophrénie. Ce médicament a été le premier agent d’une famille pharmacologique baptisée « neuroleptique ». Cette classe médicamenteuse provoquait la survenue d’effets secondaires moteurs extrapyramidaux simultanément aux effets thérapeu-tiques. L’introduction des antipsychotiques atypiques ou de seconde génération au début des années 1990 a permis de montrer que les effets extrapyramidaux n’étaient pas nécessaires aux effets thérapeutiques antipsychotiques. Pour cette raison, les antipsychotiques atypiques ou de seconde génération sont désormais utilisés en première intention, devant les antipsychotiques typiques ou de première génération.

6.2.1.

Pour comprendre

Les neuroleptiques agissent principalement comme antagonistes des récepteurs dopaminer-giques de type D2 : ils bloquent les récepteurs post-synaptiques des quatre principales voies dopaminergiques, avec pour conséquence certains effets thérapeutiques, mais aussi indési-rables. Les corps cellulaires des neurones dopaminergiques sont essentiellement situés dans le tronc cérébral, au niveau du mésencéphale (aire tegmentale ventrale –ATV, substance noire), et, accessoirement dans l’hypothalamus ; leurs projections sont longues et diffuses.

* La voie mésolimbique, issue de l’ATV, projette vers le noyau accumbens (ou striatum ventral) cette voie intervient dans la régulation de la vie émotionnelle, dans le contrôle de la motiva-tion, l’association des actions et de leurs conséquences. Le fonctionnement excessif de ce système pourrait être à l’origine de la symptomatologie psychotique. L’action des neurolep-tiques sur cette voie est donc recherchée car elle sous-tendrait leurs effets thérapeuneurolep-tiques en s’opposant à l’hyperdopaminergie sous-corticale supposée.

* La voie mésocorticale, issue de l’ATV, projette vers le cortex préfrontal : cette voie favorise les performances du lobe préfrontal, c’est-à-dire tout ce qui concerne la planification des actions et le déclenchement des actions volontaires. Chez les sujets souffrant de schizophrénie, une hypoactivité à ce niveau pourrait sous-tendre les symptômes négatifs, ainsi que les déficits attentionnels et exécutifs observés. Les neuroleptiques de première génération pourraient aggraver cet hypofonctionnement, qui serait impliqué dans la genèse de symptômes négatifs

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des neuroleptiques de seconde génération atténuerait l’antagonisme des récepteurs D2 stria-taux et préviendrait l’apparition d’effets indésirables neurologiques.

* La voie nigrostriée, issue de la substance noire, projette vers le striatum dorsal (noyau caudé, putamen) : cette voie est impliquée dans le contrôle du mouvement (une perte neuronale à ce niveau entraîne l’apparition d’un syndrome parkinsonien). Lorsque le blocage des récep-teurs D2 de la voie nigrostriée par les neuroleptiques dépasse un certain seuil, des symp-tômes extrapyramidaux apparaissent, sous forme d’un syndrome parkinsonien, de dyskiné-sies aiguës ou d’une akathisie (impossibilité de tenir en place). Par ailleurs, l’utilisation à long terme de ces substances peut entraîner une hypersensibilisation de ces récepteurs, à l’origine de dyskinésie tardive.

* La voie tubéro-infundibulaire est responsable des effets endocriniens : l’effet des neurolep-tiques sur cette voie entraîne une diminution de l’effet inhibiteur sur la sécrétion de prolactine normalement exercée par la dopamine au niveau de l’hypophyse. Cet effet peut conduire à l’ap-parition d’une hyper-prolactinémie, avec pour conséquences possibles une aménorrhée-ga-lactorrhée chez la femme ou une impuissance chez l’homme.

Les neuroleptiques bloquent aussi d’autres récepteurs :

* adrénergiques, à l’origine de l’effet hypotenseur orthostatique et sur le rythme cardiaque ;

* cholinergiques, à l’origine d’une action de nature inhibitrice sur les récepteurs muscariniques, concernant à la fois les récepteurs périphériques, avec production d’effets atropiniques tels qu’une sécheresse de la bouche, une constipation, des troubles de l’accommodation, une rétention urinaire ; et les récepteurs centraux, avec pour conséquence des troubles de l’attention (à l’origine d’une amnésie antérograde), voire une sédation ;

* histaminergique, participant à la sédation, l’augmentation de l’appétit et la baisse de la vigilance

Les neuroleptiques atypiques agissent principalement par antagonisme des récepteurs dopami-nergiques D2 et sérotonidopami-nergiques 5HT2A. L’équilibre sérotonine/dopamine n’étant pas le même dans les différentes voies cérébrales, la double action des neuroleptiques atypiques permet d’obtenir des résultats différents dans ces différentes voies. Ainsi, par exemple, un neuroleptique atypique va augmenter l’activité dopaminergique au niveau de la voie mésocorticale alors qu’il la réduira au niveau de la voie mésolimbique (contrairement aux neuroleptiques classiques qui réduisent cette activité dans toutes les voies).

6.2.2.

Objectifs généraux du traitement

Le traitement pharmacologique de la schizophrénie varie selon trois objectifs. Le premier objectif concerne l’épisode aigu, et le contrôle rapide de symptômes mettant potentiellement en danger le patient et son entourage (agitation, auto ou hétéro-agressivité). Le choix du traitement de fond est réalisé dans un deuxième temps selon l’évolution des symptômes et de la tolérance. Dans un troi-sième temps, en phase de rémission, les objectifs thérapeutiques consistent à minimiser le plus possible sur le long terme le retentissement de la maladie et celui des effets secondaires du traite-ment. Ils doivent viser à la meilleure récupération fonctionnelle et devraient s’accompagner d’une prise en charge psychosociale, allant de l’éducation thérapeutique du patient et des proches, aux programmes de remédiation cognitive et de réhabilitation professionnelle.

6.2.3.

Prise en charge de l’épisode aigu

L’épisode aigu est caractérisé par la recrudescence de symptômes psychotiques (idées délirantes, hallucination, désorganisation, repli, etc.).

En cas d’anxiété ou d’agitation modérée, deux possibilités de molécules anxiolytiques et séda-tives s’offrent au thérapeute :

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* les benzodiazépines (diazépam, oxazépam) pendant une durée limitée ont fait preuve de leur efficacité pour apaiser le patient et faciliter la poursuite de la prise en charge et l’introduction du traitement antipsychotique. Le risque de développer une dépendance aux benzodiazépines si le traitement est prolongé doit inciter à ne pas prolonger le traitement.

6.2.4.

Mise en place du traitement de fond

Le choix de l’antipsychotique est fait en fonction de l’efficacité, de la tolérance et de l’observance des traitements déjà reçus. Les antipsychotiques atypiques sont recommandés en première intention :

L’antipsychotique choisi doit être approprié à la phase aiguë et au long terme. Il est prescrit à la poso-logie la plus efficace. Un autre traitement neuroleptique peut être proposé en deuxième intention.

Classiquement, lorsque le patient a résisté à deux antipsychotiques atypiques à posologie et durée efficaces : la clozapine (Leponex) doit être envisagée (cf. Item 72). Dans les situations où l’obser-vance est difficile, certains antipsychotiques d’action prolongée ou « retard » existent sous forme intra-musculaire permettant selon les molécules une injection tous les 15 jours ou 3 semaines [par ex., risperidone (Risperdal Consta, Xeplion), olanzapine (Zypadhera)] (cf. Item 72).

6.2.5.

Prise en charge au long court

Au terme de l’épisode aigu, l’objectif principal est de consolider l’alliance thérapeutique et d’as-surer une transition vers la phase d’entretien avec une posologie qui permet un contrôle optimal des symptômes et un risque minimal d’effets secondaires. Les patients et les familles doivent être informés des effets secondaires potentiels du traitement antipsychotique et conseillés sur la façon dont ils peuvent être évités ou atténués. L’ouverture des droits de prise en charge à 100 % permet de faciliter l’accès aux soins. Les projets de réinsertion sociale et de réhabilitation peuvent d’ores et déjà être évoqués de façon à ce que le traitement antipsychotique soit intégré au projet et non pas relayé par le projet.

6.2.6.

Durée du traitement

Après un épisode unique, il est recommandé de poursuivre le traitement au moins 2 ans après avoir obtenu la rémission totale des symptômes psychotiques. Après un 2e épisode ou une rechute, le traitement doit être poursuivi au moins 5 ans. L’arrêt doit se faire de manière progressive, et tenir compte des échéances scolaires ou professionnelles. Une décision d’arrêt doit dans tous les cas se faire de manière progressive (pas plus de 10 % de diminution de la posologie par mois) et sous surveillance médicale : il faut maintenir le suivi au long terme au moins 12 mois, les rechutes pouvant survenir tardivement

6.2.7.

Surveillance et tolérance

Les recommandations plaident en faveur d’un suivi attentif de la réponse précoce au traitement et encouragent l’interventionnisme plutôt que d’attendre des semaines ou des mois. En cas de persistance des symptômes psychotiques, il faut chercher les causes pour lesquelles il y a

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suivi de l’efficacité du traitement antipsychotique, il est important de veiller à sa bonne tolérance.

Le profil d’effets secondaires des neuroleptiques correspond à leur action sur les différentes voies dopaminergiques (syndrome parkinsonien, dyskinésies aiguës, dyskinésies tardives, akathisie), adrénergique (hypotension orthostatique, allongement du QT, troubles du rythme cardiaque), cholinergique (sècheresse buccale, constipation, rétention urinaire) et histaminergique (séda-tion, baisse de la vigilance).

Les antipsychotiques atypiques ont pour principal effet secondaire la prise de poids et les effets métaboliques. Les recommandations internationales imposent le dépistage systématique et régu-lier des facteurs de risque cardiovasculaire, d’une prise de poids et des anomalies métaboliques.

Le bilan initial et de suivi consiste à relever systématiquement le poids, le diamètre abdominal, de réaliser un électrocardiogramme et un bilan biologique comprenant les transaminases, les lipides sanguins et la glycémie. Plusieurs antipsychotiques atypiques peuvent provoquer une élévation de la prolactine sérique, même si elle reste généralement asymptomatique. Le risque d’hyper-pro-lactinémie augmente avec la durée du traitement

Avant le

traitement 1er mois 3e mois Une fois par trimestre

Une fois par an

Une fois tous les 5 ans

Poids et IMC + + + +

Périmètre

abdominal + +

Glycémie à jeun + + +

Bilan lipidique + + +

Tension

artérielle + + +

Tableau 4. Surveillance clinique et paraclinique d’un patient traité par antipsychotiques.

Une complication rare mais potentiellement mortelle des neuroleptiques doit impérativement être connue : le syndrome malin des neuroleptiques (cf. Item 72).

6.3.

Traitement psychopharmacologique