• Aucun résultat trouvé

D. CRITIQUE DE L’EXCLUSION DES AVOCATS

3. Reconnaissance adaptée du droit à une protection particulière des enfants

3.2 Traitement en droit international

Tel qu’explicité plus amplement dans la section de droit international de notre précédente critique, plusieurs instruments de droit international admettent la nécessité d’un cadre de protection différenciée pour les enfants qui sont reconnus comme des sujets de droit particulier dont la vulnérabilité, la fragilité, la situation de dépendance et les capacités de développement progressives632 les distinguent des adultes633.

Dans son Observation générale no 13 traitant des tenants et aboutissants du droit des

enfants d’être protégés contre toutes les formes de violence prévues à l’article 19 de la CDE, le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies précise que cette appréciation juridique particulière et adaptée implique notamment la reconnaissance, le respect et la protection de chaque enfant « en tant que titulaire de droits et en tant qu’être humain unique et précieux doté d’une personnalité propre, qui a des besoins et des intérêts distincts »634.

De fait, le statut reconnu aux enfants en droit international impose aux États membres de leur assurer une protection spécifique et adaptée à leur situation635 qui se distingue de celle

des adultes, puisqu’ils font partie d’un groupe vulnérable nécessitant des normes particulières636.

Qui plus est, le Comité rappelle que les enfants, en particulier ceux victimes de violence637, ont

630 Protection de la jeunesse – 224, [1986] R.J.Q. 2711 (T.J.). 631 Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), préc., note 17. 632 C. LAVALLÉE, préc., note 33, p. 175 à 224.

633 Id., p. 61.

634 NATIONS UNIES, COMITE DES DROITS DE L’ENFANT (Observation générale no 13), préc., note 7, p. 3. 635 C. LAVALLÉE, préc., note 33, p. 18.

636 Id., p. 297.

un droit à ce que leur intérêt supérieur soit la considération primordiale de toutes les décisions qui les concernent ou qui les touchent, et ce, conformément à l’article 3 de la CDE.

Or, le droit québécois est parfois en retard en ce qui concerne la protection de l’enfant contre les abus perpétrés par des membres de sa famille638. Dans cette optique, alors même que

la valeur constitutionnelle de la protection accrue et adaptée de l’enfant n’a jamais été élevée, ni testée d’ailleurs, par les tribunaux au rang de principe de justice fondamentale639, il est

important de prendre acte que ce principe est reconnu et appliqué en droit international pour dûment jauger de son importance relativement au secret professionnel.

Le Comité des droits de l’enfants précise que le signalement de cas de violence avérés ou supposés et de risques de violence devrait être exigé « au minimum » des professionnels qui travaillent directement avec des enfants640. Les enquêtes sur les cas de violence signalés sont

pour leur part du ressort « des professionnels qualifiés qui ont reçu une formation complète et spécifique à leurs fonctions »641. Au surplus, les États parties ont l’obligation de s’assurer que

les personnes qui travaillent dans le système de justice642 - au même titre que les personnes qui

ont une responsabilité de prévenir, de combattre et d’intervenir en cas d’enfants violentés dans le cadre de leurs fonctions - prennent en considération les besoins des enfants et respectent leurs droits. Parmi les mesures éducatives que les États parties doivent prendre, le Comité des droits de l’enfant propose d’ailleurs de dispenser une formation continue sur l’approche de l’article 19 CDE aux professionnels et aux non-professionnels qui travaillent avec et pour des enfants « y compris les enseignants […], les travailleurs sociaux, les médecins, les infirmiers, les psychologues, les avocats, les juges […] et les chefs traditionnels et religieux »643. Également,

des activités pour sensibiliser à l’impact des violations des droits de l’enfants, à leurs besoins et aux procédures pratiques pour faire respecter et protéger leurs droits devraient notamment être

638 C. LAVALLÉE, préc., note 33, p. 235.

639 Contrairement au secret professionnel des avocats qui est bien davantage l’objet de cas présentés devant les plus

hautes instantes judiciaires. À cet effet, voir par exemples Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres

professionnels de juristes du Canada, préc., note 294 et Canada (Procureur général) c. Chambre des notaires du Québec, préc., note 305.

640 NATIONS UNIES, COMITE DES DROITS DE L’ENFANT (Observation générale no 13), préc., note 7, p. 22. 641 Id., p. 23.

642 Id., p. 4 et 5. 643 Id., p. 19.

organisées au bénéfice « des représentants de la loi, […] des juges et des procureurs, des personnels médicaux (sic), des travailleurs sociaux [et] des journalistes »644.

En bref, la protection des enfants est « l’affaire de chacun, quelle que soit sa fonction ou sa place dans la société » et les impératifs éthiques et juridiques en cause impliquent des devoirs et créent des obligations « tant au président qu’au premier ministre, aux juges, aux enseignants, aux médecins, aux soldats, aux parents, et aux enfants eux-mêmes »645. À tous les niveaux,

l’ensemble des acteurs concernés, c’est-à-dire les pouvoirs publics, les collectivités et chaque acteur de la société civile, doivent assumer pleinement leur rôle pour assurer un environnement protecteur aux enfants, exercer leurs entières responsabilités et respecter globalement le droit de tout enfant d’être protégé, dans toutes les circonstances, sans discrimination aucune646.

En considération à ce qui précède, la levée du secret professionnel des avocats devrait être à tout le moins être modulée différemment selon qu’il soit question de la protection d’un adulte ou de celle d’un enfant, ce qui n’est aucunement le cas dans le droit actuel. De fait, tel qu’expliqué précédemment, la lecture conjointe de l’exclusion des avocats au quatrième alinéa de l’article 39 LPJ et des autres dispositions législatives encadrant la profession d’avocat ne tient aucunement compte d’un cadre d’analyse différenciée entre la protection des enfants et des adultes et ce, malgré les récentes modifications à certaines dispositions647.

En effet, même si le droit à une protection particulière des enfants fait consensus en droit international et est intégré à maints endroits dans notre droit interne, il en est autrement en matière de signalement d’enfants en probable situation de compromission et dans les dispositions législatives encadrant la profession d’avocat. Or, pour mettre en valeur pleinement et concrètement le droit de l’enfant d’être protégé, « il ne suffit plus simplement de reconnaître et de comprendre les devoirs de la société envers les enfants, mais d’agir pour traduire ces convictions en actes »648.

644 UNICEF & UNION INTERPARLEMENTAIRE (D. O'DONNELL, dir.), préc., note 3, p. 167. 645 Id., p. 16.

646 Id., p. 19 et 22.

647 Ces modifications au C.prof. et à la LB ont été réalisés suivant l’adoption de la Loi sur la maltraitance en 2017. 648