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C. CRITIQUE DE LA DISTINCTION DE TRAITEMENT DES MOTIFS DE

2. Corpus de connaissances interdisciplinaires

2.3 Conséquences de la maltraitance

Nous soutenons que la stricte nature objective du motif de compromission ne peut à elle- seule être un indicateur de l’importance des conséquences résultant d’un épisode de maltraitance483. D’ailleurs, l’art. 38.2 LPJ propose différents critères d’évaluation de la situation

de l’enfant par le DPJ, dont la gravité, la chronicité, la fréquence, l’âge de l’enfant, ses caractéristiques personnelles et d’autres spécificités propres à sa situation qui se distinguent de la nature du motif en cause.

Mme Michelle Dionne, directrice de la protection de la jeunesse de Montréal, expliquait d’ailleurs que « plus l’enfant est jeune, plus les séquelles physiques risquent d’être importantes ; plus l’enfant est en âge de se souvenir, plus les conséquences psychologiques sont marquées au fer rouge484 ». À cet effet, l’étude de Brandon et al.485 rappelle que certaines situations de

négligence infantile peuvent causer la mort d’un nourrisson qui manque de supervision durant son bain ou en raison de dangerosités présentes dans son environnement, par exemples s’il inhale de la fumée de cigarette ou s’il risque de se brûler gravement. Malgré tout, ces exemples sont visés par une simple possibilité de signalement. Rappelons que nonobstant leur intensité et leurs conséquences, tous les cas d’abus physiques et de risques d’abus physiques sont, pour leur part, visés par une obligation de signalement, bien qu’ils soient majoritairement le lot de parents dépassés par les événements qui perdent le contrôle en moyenne durant 10 à 15 secondes486.

Les principales répercussions des mauvais traitements psychologiques sont d’ordre affectif, comportemental, social, cognitif et physique487. Elles se traduisent principalement par

des problèmes d’attachement, d’adaptation sociale, de comportement, d’anxiété, de dépression et d’estime personnelle déficiente488. L’enfant victime de mauvais traitements psychologiques

483 P. L. HOLENS, préc., note 443, p. 3. 484 D. CAMERON, préc., note 9.

485 Marian BRANDON, Sue BAILEY, Pippa BELDERSON et Birgit LARSSON, “The Role of Neglect in Child

Fatality and Serious Injury”, (2014) 23(4) Child Abuse Review 235.

486 D. CAMERON, préc., note 9.

487 DIRECTEURS DE LA PROTECTION DE LA JEUNESSE / DIRECTEURS PROVINCIAUX (Bilan MTP

2016), préc., note 444, p. 13.

488 P. L. HOLENS, préc., note 443, p. 12. Voir également les pages 12 à 36 pour une recension scientifique

« perçoit qu’il est mauvais, ne vaut rien, n’est pas aimé, n’est pas désiré, qu’il peut être en danger, en plus de se croire la cause de tous les problèmes de sa famille »489. En fait, l’organe

qui permet normalement de faire un choix rationnel est le principal hypothéqué par les mauvais traitements psychologiques.

Certains auteurs considèrent que la maltraitance psychologique est la forme d’abus ou de négligence qui génère les pires conséquences traumatiques pour le développement de l’enfant, en ce qu’elles sont les plus douloureuses, pathogènes et étendues dans le temps490. Le

bilan des directeurs de la protection de la jeunesse précise également que la croyance populaire à l’effet que les mauvais traitements psychologiques sont moins dommageables que les autres formes de compromission repose sur un mythe, les conséquences pouvant au contraire être immédiates et à plus long terme, voire parfois permanentes, sur l’enfant491.

Au même effet, la thèse de Dre Pamela Holens s’intéresse aux conséquences à long terme sur les relations d’attachement de l’expérience des mauvais traitements sans quelconque autre forme de compromission par un enfant. Elle explique son choix de se concentrer uniquement sur la maltraitance psychologique dans le fait que peu d’études longitudinales et rétrospectives sont disponibles en pareille matière, contrairement aux abus physiques et sexuels qui sont, pour leur part, amplement étudiés. Son étude démontre qu’en termes d’attachement, les conséquences négatives de la maltraitance psychologique sont plus importantes que celles découlant de la maltraitance physique ou sexuelle492. Elle conclut ainsi :

« For child-welfare organizations that historically have focused much greater attention on helping children who have experienced sexual or physical abuse, the findings of this study might serve as a wake-up call as to the impact of psychological forms of abuse. Although psychological maltreatment is more difficult to detect due to the absence of physical markers, child-welfare organizations should invest more effort into finding means to detect its presence and assisting

families to overcome this detrimental form of abuse. »493.

[Nos soulignements]

489 DIRECTEURS DE LA PROTECTION DE LA JEUNESSE / DIRECTEURS PROVINCIAUX (Bilan MTP

2016), préc., note 444, p. 2.

490 M. R. BRASSARD et D. B. HARDY, préc., note 472, à la page 399.

491 DIRECTEURS DE LA PROTECTION DE LA JEUNESSE / DIRECTEURS PROVINCIAUX (Bilan MTP

2016), préc., note 444, p. 3 et 12.

492 P. L. HOLENS, préc., note 443, p. 145 et 146. 493 Id., p. 162 et 163.

d

L’enquête que les directeurs de la protection de la jeunesse ont récemment choisi de réaliser sur les mauvais traitements psychologiques pour « conscientiser la population à cette réalité, la rendre tangible et la sortir de l’intimité des maisons, pour dénoncer le silence complice qui trop souvent l’accompagne […] dans l’espoir que tous se sentent concernés et comprennent l’importance d’agir pour protéger nos enfants »494 témoigne du souci en pareille matière des

acteurs œuvrant au sein du système québécois de protection de l’enfance. La balle est désormais dans le camp du législateur québécois d’intervenir pour aider les directeurs de la protection de la jeunesse à atteindre leur objectif visant à ce que les mauvais traitements psychologiques soient signalés en temps opportun et qu’ils soient considérés à la hauteur des ravages dont ils sont responsables : « que nous soyons membres de la famille, enseignants, professionnels, voisins ou membres de la communauté, nous devons être sensibilités et rester à l’affût des indices permettant de dépister les enfants vivant des mauvais traitements psychologiques »495.