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B. DESCRIPTION DE L’ÉTAT DU DROIT

2. Enjeux du signalement pour les professionnels

2.3 Spécificités de la relation criminaliste-accusé

Toutes les relations avocats-clients ne soulèvent pas les mêmes enjeux et certains, propres aux accusés, méritent une attention particulière dans un contexte pénal à l’intérieur duquel le devoir de loyauté de l’avocat est intimement lié à l’intégrité de l’administration de la justice et à la préservation de la confiance du public314.

310 Goodis c. Ontario (Ministère des Services correctionnels), [2006] 2 R.C.S. 32, par. 4. 15, 20, 24, 25 et 33. Les

droits fondamentaux à concilier étaient ceux de l’accès à l’information et de la transparence des débats judiciaires, avec le droit au secret professionnel de l’avocat.

311 Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, préc., note 294. 312 Solosky c. La Reine, préc., note 303 : la Cour autorise l’inspection d’un courriel privilégié comme mesure de

protection pour prévenir la mise en péril de la sécurité publique.

313 R. c. Doiron, [2007] 221 C.C.C. (3d) 97 (C.A. N.-B.) (autorisation d’appeler refusée : [2007] 3 R.C.S. VIII).

Voir l’art. 186(2)(3) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46.

En effet, l’article 650(3) C.cr. et les articles 7, 10 et 11d) de la Charte canadienne protègent le droit de l’accusé à une représentation adéquate et à l’assistance effective de l’avocat315. En vertu de ces dispositions, s’ajoutent au secret professionnel d’autres droits

constitutionnels à pondérer avec ceux des enfants, dans le cadre particulier d’une relation entre un criminaliste et son client, dont les droits à une défense pleine et entière, au silence, à un procès juste et équitable et à une protection contre l’auto-incrimination316. D’ailleurs, le droit de

ne pas s’incriminer et le droit au rejet des preuves auto-incriminantes constituent des principes de justice fondamentale, au même titre que le devoir de l’avocat de se dévouer à la cause de son client et de respecter son secret professionnel317.

Ces droits spécifiques aux accusés sont tellement importants qu’ils peuvent eux-mêmes primer sur le secret professionnel des avocats, rappelant du même coup que ce dernier n’est pas absolu. En effet, la défense pleine et entière d’un accusé et le risque qu’une déclaration de culpabilité injustifiée ne soit prononcée à son endroit permettent de constituer une exception au secret professionnel de l’avocat, lorsque la levée est absolument nécessaire pour soulever un doute raisonnable et prouver l’innocence de l’accusé318.

Dans un contexte pénal319, la Cour suprême précise qu’il importe de porter le moins

possible atteinte aux droits du client : « la protection accordée au détenteur du privilège se doit d’être parmi les plus fortes que le droit puisse offrir »320. En common law, les communications

315 R. c. G.D.B., [2000] 1 R.C.S. 520.

316 R. c. Campbell, [1999] 1 R.C.S. 565 ; R. c. Delisle, [1999] R.J.Q. 129 (C.A.) ; R. c. Carignan, [2003] J.Q. n°

2581 (C.A.) ; R. c. R.(P.), [1998] 23 C.R. (5th) 313, (C.A.) ; R. c. S. (R.J.), [1995] 1 R.C.S. 451 ; R. c. White, [1999] 2 R.C.S. 417 et, en ce qui concerne le droit au silence, voir notamment R. c. Hébert, [1990] 2 R.C.S. 151 ; R. c.

Whittle, [1994] 2 R.C.S. 914 ; R. c. Noble, [1997] 1 R.C.S. 874 ; R. c. Singh, [2007] 3 R.C.S. 405 et R. c. Sinclair,

[2010] 2 R.C.S. 310.

317 R. c. P. (M.B.), [1994] 1 R.C.S. 555.

318 R. c. McClure, préc., note 308 et R. c. Brown, [2002] 2 R.C.S. 185.

319 R. c. P. (M.B.), préc., note 317 : le juge en chef Lamer confirme que « [l]a protection générale accordée à un

accusé est sans doute mieux décrite par le principe général interdisant l’auto-incrimination qui est fermement enraciné dans la common law et qui constitue un principe de justice fondamentale au sens de l’art. 7 de la Charte

canadienne des droits et libertés ».

320 R. c. Brown, préc., note 318 : la Cour affirme que le secret professionnel des avocats « peut uniquement être

levé dans les cas d’extrême exception, lorsque l’innocence d’une autre personne est en jeu ». Toutefois, d’autres exceptions se sont par la suite développées.

entre un conseiller juridique et son client sont protégées par un privilège « générique », c’est-à- dire une forme de présomption prima facie d'immunité de divulgation en justice321.

La Cour suprême, dans l’affaire Maranda, se dit notamment soucieuse de protéger le secret professionnel de l’avocat qui joue un rôle fondamental dans la conduite de la justice pénale : « la confidentialité des rapports entre l’avocat et son client demeure essentielle à la saine conduite de la justice pénale et à la protection des droits constitutionnels des accusés »322.

En ce qui concerne les honoraires de l’avocat, ils sont présumés être privilégiés323, mais

uniquement en matière criminelle qui est distinguée du courant de jurisprudence de droit civil et commercial par le juge Lebel, au nom de la majorité (huit juges sur neuf, dont la juge Deschamps, les considéraient plutôt comme un fait neutre, non protégé, et préféraient s’appuyer sur le critère de la pertinence, en lien au litige324) :

« 28. Dans le contexte des enquêtes et poursuites criminelles, cette solution doit respecter les principes

fondamentaux de la procédure criminelle, notamment le droit au silence du prévenu et la protection constitutionnelle contre l’auto-incrimination.

[…]

33. […] le fait même du montant des honoraires doit être considéré comme un élément d’information

protégé, en règle générale, par le privilège avocat-client […] la reconnaissance d’une présomption voulant que ces informations se situent prima facie dans la catégorie privilégiée assure mieux la réalisation des objectifs de ce privilège établi de longue date. Elle respecte aussi cette volonté de réduire au minimum les atteintes au privilège avocat-client, que notre cour exprimait encore récemment avec force dans l’arrêt McClure. »325

[Nos soulignements et emphases] Au surplus, l’une des exceptions au droit à l’assistance d’un avocat, au droit de ne pas s’incriminer et au droit à une défense pleine et entière, spécifiques au droit criminel et pénal, est la sécurité publique, en cas d’exposition claire et imminente d’une personne ou d’un groupe de personnes identifiables au danger d’être gravement blessées ou tuées326.

321 Maranda c. Richer, préc., note 297 (contexte de perquisition en droit pénal). 322 Id., par. 37.

323 Descoteaux c. Mierzwinsky, préc., note 297. 324 Maranda c. Richer, préc., note 297, par. 46. 325 Id., par. 28 et 33.