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La traduction des titres selon le modèle configuratif transmissionnel

Partie 2: La traduction des titres de presse économique : analyse empirique

3. La traduction de la presse économique de vulgarisation

3.1. Le modèle configuratif transmissionnel

3.1.1. La traduction des titres selon le modèle configuratif transmissionnel

À ce niveau, le but de notre étude est de décrire les procédés stylistiques qui accompagnent les titres, en notant la forme et la fonction de chacun de ces éléments, puis de décider des choix d’équivalences stylistiques à utiliser en vue de les traduire en anglais selon le modèle configuratif transmissionnel que nous proposons. Nous allons aussi tenir compte des mécanismes récurrents qui apparaissent dans les titres français et décider de la fréquence avec laquelle ils peuvent être reproduits à l’identique en anglais. En effet, le choix des procédés et leur potentiel de reproduction en anglais dépendent du degré de littéralité que la traduction nous impose. Nous avons ainsi choisi de catégoriser la traductiondes titres comme suit :

Une traduction bijective conforme au sens des titres d’origine. Cette traduction procède intégralement ou par cession, lorsqu’elle fait abstraction des déterminants, notamment les articles définis et indéfinis, et les prépositions ou particules sémantiquement vides ou denses. Elle peut également être transférentielle par projection ou par adaptation115.

Les probiotiques n’ont rien prouvé (L’Expansion, 25 février 2010)

 Probiotics haven’t proven anything

Une traduction injective qui fait appel à certaines modulations par extension qui préconisent l’ajout d’un terme ou d’une unité sémantique. Cette traduction fait généralement état de cession des déterminants, notamment les articles définis et indéfinis, et des prépositions ou particules sémantiquement vides ou denses116. Les probiotiques n’ont rien prouvé (L’Expansion, 25 février 2010)

 No proven effects for probiotics

115 Les différents cas de bijectivité seront traités ultérieurement.

116 Les différents cas d’injectivité seront traités ultérieurement.

La traduction manifeste une modulation par extension avec l’ajout du terme effects qui rend l’énoncé plus concret et le registre plus soutenu.

Une traduction surjective qui fait appel à des modulations par réduction qui préconisent une diminution de la composition syntagmatique. Cette traduction fait généralement état de cession des déterminants, notamment les articles définis et indéfinis, et les prépositions ou particules sémantiquement vides ou denses117. Ces régions qui sortent du lot (L’Expansion, 25 février 2010)

 Outstanding districts !

La traduction manifeste une modulation par réduction au niveau de la structure qui réduit la subordonnée en adjectif participial.

Une traduction libre, détachée du sens préconisé dans la langue de départ, mais qui conserve une proximité sémantique partielle, le cas des textes comparables (les versions française et anglaise de France 24 et Euronews) ou celui des titres considérés intraduisibles.

En analysant la traduction en termes de divergence, nous constatons que les divergences sont aussi perceptibles au niveau du sens qu’au niveau de la forme. Soulignons que les deux langues ne s’expriment pas dans le même ordre syntaxique et syntagmatique.

Toutefois, c’est la divergence sémantique qui décide du degré d’équation de la traduction.

Reste à évaluer si cette divergence est forcée par les contraintes de l’anglais ou si elle résulte d’un choix conscient lors de la traduction.

Il faut aussi rappeler l’importance des titres pour anticiper l’étendue du texte. Ils constituent un seuil qui doit être franchi pour parvenir à l’intégralité du contexte. Il faut aussi rappeler leur fonction incitative du fait qu’ils éveillent la curiosité du lecteur grâce à des stratégies linguistiques et rhétoriques appropriées. De ce fait, ils constituent une unité de mesure par laquelle le lecteur établit la valeur du texte. Hoek a bien considéré le titre comme un acte de parole. En désignant un référent, le titre agit comme un « acte illocutionnaire ». Il est le « point d’accroche » où l’attention du lecteur se dirige. Par ailleurs, la fonction la plus importante des titres, comme nous l’avons déjà signalé, a été soulignée

117 Les différents cas de surjectivité seront traités ultérieurement.

par Charaudeau (1983) pour qui les titres médiatiques ont une importance primordiale vu leur multifonctionnalité. Tout d’abord, ils assument une fonction « épiphanique » car ils annoncent l’information, puis une fonction « guide » car ils conduisent le lecteur à l’article.

Ajoutons à notre tour la fonction récapitulative ou rétroactive car ils condensent l’essentiel de l’information. Charaudeau met l’accent aussi sur l’autonomie des titres qui sont souvent consultés à l’exclusion du corps des articles car ils sont suffisamment porteurs d’indices sémantiques. Dans sa thèse doctorale (1998), Sullet-Nylander considère le titre de presse comme un texte dépouillé qui reprend le contenu essentiel de l’article sans que cela n’engendre de dépendance textuelle quelconque vis-à-vis de celui-ci. Il assure ainsi le rôle de transmetteur de la nouvelle au premier niveau de lecture.

Notre étude s’appuie sur un corpus constitué de titres variés appartenant au genre discursif de la presse économique – citée dans la typologie de notre corpus. Dans ce sens, nous nous sommes limités, dans un premier temps, à l’analyse des titres parallèles et, par la suite, à la proposition de traduction de titres prélevés pour leurs spécificités stylistiques.

Dans notre analyse, nous avons indiqué toutes les particularités de ces titres au niveau de la forme. Et nous nous sommes implicitement intéressés à une analyse de leur fonction (informative, interpellatrice, incitative, émotive) car elle est révélatrice du sens et indicative des procédés à utiliser lors de la traduction. Nous avons jugé utile d’indiquer les modes de traduction : bijective, injective, surjective, ou libre. Nous avons aussi évalué le contexte de chaque article avant toute tentative de traduction afin de bien cerner la situation dans laquelle chaque titre apparaît.

Naturellement la nature et la fonction des titres de la presse économique de vulgarisation et leurs spécificités linguistiques exigent une connaissance des procédés rhétoriques fréquemment utilisés dans ces énoncés. Les allusions culturelles et littéraires, les jeux de mots, la polysémie, le détournement des proverbes, les expressions figées, l’allitération et l’assonance – pour n’en citer que quelques-unes – sont des spécificités rhétoriques et linguistiques qui permettent de véhiculer un sens informatique ou émotionnel. Toutefois, elles sont soumises aux contraintes de la langue réceptrice lors de la traduction. Nous avons aussi exploré le choix des variétés discursives, de la syntaxe, de l’aspect et la temporalité des verbes, de l’utilisation de la ponctuation, de la topicalisation et leur soumission à la faculté de transmission des effets émotifs et énonciatifs et nous les

avons modulés en tenant compte des récepteurs auxquels cette traduction s’adresse. Une étude conséquente de titres parallèles prélevés dans Voxeurop est produite dans la première grille d’analyse (grille 1) que nous présentons à la fin de cette partie. Nous présenterons également plusieurs exemples de titres prélevés pour leur particularité stylistique dans la presse économique de vulgarisation et pour lesquels nous avons proposé une traduction selon le modèle configuratif transmissionnel dans la deuxième grille d’analyse (grille 2). Mais il convient tout d’abord d’établir une typologie des traductions que nous présentons à travers le modèle que nous proposons.

3.1.1.1. La traduction bijective

La traduction est dite bijective lorsque tout élément de l’énoncé traduit possède un antécédent dans l’énoncé initial. Cette bijectivité est soit intégrale ou transférentielle.

L’intégralité prône la translation syntaxique de tous les éléments de l’énoncé initial, le cas de la traduction par correspondance de l’énoncé Les comptes sont dans le rouge en The accounts are in the red. Toutefois, la reproduction de l’intégralité de l’énoncé se manifeste rarement en anglais, notamment dans les titres car ils prônent la concision. Ainsi la cession des déterminants, notamment des articles définis et indéfinis, et des prépositions ou particules sémantiquement vides ou denses est prescrite dans les titres anglais. Par conséquent, cette bijectivité est du moins transférentielle, à savoir par projection ou par adaptation.

Lorsqu’elle est transférentielle par projection, la bijectivité fait état de cession des déterminants et des prépositions ou particules sémantiquement vides ou denses. Par ailleurs, tout autre élément est projeté soit dans l’intégralité de sa composition, soit par une transposition syntaxique, soit par une synonymie parfaite ou du moins adéquate.

Considérons la bijectivité projectionnelle dans les exemples suivants : Des « monovilles » frappées par la crise (L’Expansion, 25 février 2010)

→ Monotowns hit by crisis

Sur le plan syntaxique, la traduction fait abstraction de l’article indéfini devant un substantif pluriel et de l’article défini devant un substantif généralisé. La traduction fait également abstraction des guillemets étant donné que le terme « monovilles » est d’origine Russe et indique la caractéristique particulière de certaines villes dépendantes d’une seule industrie.

Ça chauffe pour le tout électrique (L’Expansion, 17 décembre 2009)

→ Warming up for all electric

Sur le plan lexico-sémantique, le verbe de l’indicatif est transposé en un participe à particule. Dans ses différentes acceptions, le verbe warm up est pertinent à la portée sémantique du texte.

L’Alsace, lauréate de l’éducation et de la formation (L’Expansion, 25 février 2010)

→ Alsace, champion of education and training

Sur le plan lexico-sémantique, l’adaptation synonymique évite toute confusion sémantique : le terme lauréate est restitué en champion et non en winner.

Par ailleurs, lorsqu’elle est transférentielle par adaptation, la bijectivité fait naturellement état de cession des déterminants et des prépositions ou particules sémantiquement vides ou denses. Toutefois, elle manifeste une adaptation qui révèle une appropriation sémantique faisant emploi de synonymie imparfaite conduisant à une divergence sémantique mesurée. Notons que la séquence syntaxique peut subir une permutation dans les deux cas de la bijectivité. Considérons l’exemple suivant :

L’Allemagne, cœur de la crise (L’Expansion, 25 février 2010)

→ Germany, heart of the matter

La déviation sémantique se manifeste avec l’adaptation du substantif crise en matter. Toutefois, le substantif matter correspond plus au fond contextuelle : l’Allemagne n’étant pas la cause de la crise du crédit public de l’Europe mais, suite à ses politiques monétaires internes, un élément favorisant cette crise. L’Allemagne serait ainsi le cœur du sujet et non le cœur du problème.

3.1.1.2. La traduction injective

La traduction est dite injective lorsque un élément ou plus de l’énoncé traduit ne possède pas un antécédent explicite dans l’énoncé initial. Cette injectivité fait état de modulation par extension. Elle est soit assertive lexicalement soit compensatrice notionnellement. Dans les deux cas, une appropriation sémantique peut se manifester à travers des adaptations pertinentes.

Lorsqu’elle est assertive lexicalement, l’injectivité manifeste un étoffement syntagmatique. Elle cherche à livrer une traduction conforme aux spécificités de l’anglais et à la spontanéité de l’expression, et dont la signification est identique à celle de l’énoncé initial. Considérons les exemples suivants :

S’orienter dans la jungle des labels verts (L’Entreprise, 7 septembre 2009)

→ Finding your way in a jungle of green labels

La traduction fait état de modulation par extension qui est assertive lexicalement. De ce fait, l’adaptation de l’infinitif initial en un syntagme participial est effectuée pour raison d’étoffement, ce qui garantit la spontanéité de l’expression dans l’énoncé anglais.

Lorsqu’elle est compensatrice notionnellement, l’injectivité manifeste une démarche qui sert à combler un vide sémantique. Elle cherche à livrer une traduction conforme aux exigences de l’anglais afin d’éviter toute ambiguïté de sens.

La cacophonie de la taxe (L’Expansion, 23 septembre 2009)

→ Clamor over tax policy

La traduction fait état de modulation par extension. En premier lieu, l’ajout de la préposition over est indispensable pour former une cooccurrence naturelle après le substantif clamor. En second lieu, l’ajout du substantif policy est nécessaire afin de préciser qu’il s’agit de la confusion suscitée par le plan proposé par le gouvernement au sujet de la taxe carbone. Toutefois, l’énoncé traduit ne subit aucune divergence sémantique.

3.1.1.3. La traduction surjective

La traduction est dite surjective lorsque deux éléments ou plus de l’énoncé initial convergent vers un seul élément dans l’énoncé traduit. Cette surjectivité fait état de modulation par réduction en raison d’une rétraction syntagmatique spontanée ou d’une condensation syntagmatique délibérée.

Lorsqu’elle est rétractive, la surjectivité manifeste une réductibilité spontanée qui répond aux spécificités de l’anglais, notamment celles qui prônent la concision. Toutefois, elle livre un énoncé dont la charge sémantique est identique à celle de l’énoncé original ou du moins équivalente. Considérons les exemples suivants :

L’Auvergne fait la course en tête (L’Expansion, 25 février 2010)

→ Auvergne leading the race

La surjectivité structurale réduit la phrase initiale en substantif suivi d’un syntagme participial. Sur le plan lexico-sémantique, l’expression idiomatique fait la course en tête est adaptée en un équivalent anglais banalisé leading the race dont la charge sémantique est identique à celle de l’énoncé initial.

Ces régions qui sortent du lot (L’Expansion, 25 février 2010)

→ Outstanding districts!

La surjectivité structurale réduit la subordonnée initiale en adjectif participial. Sur le plan lexico-sémantique, l’expression idiomatique sortir du lot est adaptée en un adjectif participial outstanding dont la charge sémantique est identique à celle de l’énoncé initial. Par ailleurs, le pronom démonstratif ces, considéré comme une particule dense, est éliminé lors de la traduction.

Lorsqu’elle est condensatrice, la surjectivité manifeste une démarche réfléchie de la part du traducteur pour livrer une traductionallégée qui se conforme aux caractéristiques des titres anglais qui prônent la brièveté. Par ailleurs, la traduction peut manifester une appropriation sémantique. Considérons les exemples suivants :

Saint-Gobain invente les verres magiques (L’Expansion, 25 février 2010)

→ Multipurpose glass by Saint-Gobain

La surjectivité structurale réduit la phrase initiale en syntagmes nominal et prépositionnel. Sur le plan lexico-sémantique, le verbe de l’énoncé initial est réduit à une simple préposition du mode passif by. Par ailleurs, la traduction manifeste une appropriation sémantique. De ce fait, l’adjectif magique est adapté en un modifiant multipurpose qui communique la qualité polyvalente des verres inventés par Saint-Gobain. La divergence sémantique est mesurée.

N’y pensez pas quand il est déjà trop tard (L’Expansion, 25 février 2010)

→ Don’t claim it too late

La surjectivité structurale réduit la subordonnée initiale en syntagme adverbial too late. Sur le plan lexico-sémantique, la traduction fait abstraction de l’adverbe déjà dont l’usage devient superflu dans la version anglaise, vu le maintien du syntagme adverbial trop tard. La traduction manifeste également une appropriation sémantique avec l’adaptation de pensez en claim – soit exiger ou réclamer tel qu’il est précisé dans le contexte – puisqu’une traduction littérale serait vague et non soutenue. La divergence sémantique est mesurée.