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Partie 2: La traduction des titres de presse économique : analyse empirique

3. La traduction de la presse économique de vulgarisation

3.4. Les figures de style

3.4.2. Les recueils phraséologiques

La langue économique est riche en expressions idiomatiques et collocations. Les collocations sont des unités lexicales qui entrent en combinaisons sémantiques récurrentes formant ainsi des blocs de sens immuables. Ces relations associatives constituent un phraséologisme riche longuement utilisé dans l’enseignement des langues et dans la

traduction spécialisée, notamment celle des textes économiques. Ainsi un terme noyau, simple ou composé, peut se retrouver en un syntagme lexical nominal, verbal ou adjectival pour former une cooccurrence phraséologique. Par conséquent, certaines de ces collocations peuvent être assimilées à des termes complexes, car ils peuvent former, en toute vraisemblance, des entrées lexicales. Toutefois, notre intérêt porte beaucoup plus sur un autre genre de collocations, notamment sur des groupes de mots ayant des affinités et qui apparaissent fréquemment dans les textes économiques. La fréquence avec laquelle ces phraséologismes apparaissent donne l’impression d’indissociabilité et d’authenticité dans la langue où ils se manifestent. De ce fait, ils doivent être manipulés avec habilité et rendus aussi authentiquement que possible dans la langue cible et, autant que possible, dans le même environnement. Pierre Lerat parle même de « collocations préférentielles » qui montrent que « ce qu’est un style professionnel : une expression juste, ou plutôt ajustée à des habitudes d’expression. Terminologiquement, le mot juste renvoie à une considération de domaine, mais lexicalement il est affaire de milieu, donc de connotation sociale » (Lerat, 1995, p. 145). Par exemple, pour dire qu’un déficit augmente ou diminue, un économiste dira « qu’un facteur l’accroît ou le creuse, qu’un autre le limite ou le restreint ». La raison est que bien qu’ils soient acceptables, les verbes diminue et augmente sont peu idiomatiques dans le domaine économique.

3.4.2.2. Le traitement des collocations et des expressions figées

Les blocs de sens sont, comme nous l’avons signalé, des combinaisons lexicales privilégiées par toutes les langues de spécialité, notamment la langue économique. Ceux-ci peuvent être des expressions spécialisées figées, telles que les unités terminologiques, ou des phraséologismes, telles que les unités lexicales qui se combinent sémantiquement avec d’autres unités lexicales. Il faut toutefois admettre que ces formations ne sont jamais étanches et sont différentes entre la langue source et la langue cible. Une étude du degré d’idiomaticité du discours spécialisé et la conformité des expressions homologues dans la langue cible nous semble assez pertinente.

Au niveau des unités terminologiques, l’étude des combinaisons tient compte de l’apparition de nouveaux concepts, leur formation et leur intégration, et au degré d’équivalence de ces unités entre les langues. Le Pavel définit la phraséologie

terminologique comme « ensemble de collocations à commutativité restreinte, comprenant les unités terminologiques propres à un ou à plusieurs domaines de spécialité, et reflétant les habitudes langagières de leur communauté professionnelle ». La commutativité restreinte signifie la « possibilité limitée de remplacement ». Le phraséologisme est donc une

« combinaison polaire autour d’un noyau terminologique qui détermine au moins en partie le choix de ses collocateurs ». Un syntagme nominal comme marché morose (sluggish market) est un phraséologisme dont le noyau terminologique marché attire les collocateurs adjectivales synonymiques « marché maussade/déprimé » ou apparentés « marché dynamique/qui fait preuve de vigueur » (strong market) ou dans le cas de croissance la combinaison « croissance vigoureuse » (robust growth) ou « croissance anémique » (sluggish growth). En outre, des termes noyaux de certaines combinaisons peuvent constituer des cooccurrences dans d’autres combinaisons. Un terme tel que monnaie peut s’intégrer dans

« la monnaie amorce un redressement » ou bien « le raffermissement de la monnaie » ou

« la fermeté / la bonne tenue de la monnaie ».

En cherchant à traduire un phraséologisme, le traducteur cherche, en effet, à traduire les combinaisons polaires dans la langue source. Pour Gérard Ilg, « le traducteur des textes économiques et financiers a besoin, beaucoup plus que de lexiques, de recueils phraséologiques. Pour lui, ce sont avant tout les collocations, les cooccurrences qui comptent » (Ilg, 1994, p. 79).

La recherche phraséologique que nous avons effectuée dans ce sens est basée sur une lecture annotée afin de repérer les unités pertinentes. Nous avons aussi regroupé thématiquement certaines données provenant de sources variées qui constituent notre corpus. Ainsi notre étude a pu être effectuée au moyen des combinaisons syntagmatiques suivantes :

 syntagme nominal (terme noyau + ADJ)

Notons le caractère passe-partout de l’adjectif anglais sluggish dans les exemples suivants et le procédé du chassé-croisé en traduction :

marché morose/déprimé → sluggish market demande peu soutenue → sluggish demand croissance anémique → sluggish growth

 syntagme nominal (N + prép./déter. + terme noyau)

Notons le caractère passe-partout du nom anglais strength et la traduction de la composante nominale en un modifiant + nom dans les exemples suivants :

la vigueur de l’économie → economic strength le dynamisme des exportations → exports strength la fermeté de la monnaie → currency strength

le repli / le recul / le fléchissement / le marasme du marché → market sluggishness l’effondrement / la chute libre du marché → market slump

la flambée / la montée en flèche des marchés → bullish markets

 syntagme verbal (verbe + objet)

Notons la conformité de la structure dans les deux langues : motiver les cadres → spur executives

éviter la faillite → avoid bankruptcy écraser les rivaux → crush rivals

Il est évident que c’est le degré de fréquence de ces combinaisons qui juge si elles sont usuelles ou non. À ce sujet, notre étude fait état d’exemples variés où les procédés de traduction se conforment plus au naturel de la langue anglaise plutôt qu’à la production de calques syntagmatiques.

3.4.2.3. Le traitement des passe-partout

Comme tout traducteur de langue économique, nous avons pris conscience de l’existence des termes passe-partout dont la pertinence sème le doute lors du choix adéquat du terme équivalent. Alors que environment, atmosphere, climate, outlook, peuvent paraître comme termes synonymiques en anglais, il s’agit toutefois de saisir leur portée dans un contexte anglais avant d’opter pour le terme adéquat. Ainsi « un environnement de travail dynamisant pour les employés » peut être restitué en « a dynamic workplace for employees » ; « une conjoncture économique morose » devient « an unfavorable economic climate » ; « un avenir économique incertain » peut être restitué en « gloomy economic outlook » ; « les perspectives économiques mondiales » devient « global economic outlook ».

Ainsi il est déconseillé d’utiliser des simples correspondants qui ne rendent pas la nuance exacte. Par ailleurs, certains termes bouche-trou disparaissent lors de la traduction car ils n’ont pas de fonction sémantique précise et peuvent s’éclipser facilement sans que le sens soit affecté, comme c’est le cas de « un environnement de travail dynamisant pour les

employés » qui devient « a dynamic workplace for employees ». La mise en contexte d’un certain terme détermine sa traduction ou même son élimination. Si sa traduction est nécessaire à sauvegarder le sens, une équivalence est établie. Si un terme relève un caractère accessoire, il est soit éliminé soit remplacé par un autre terme ou expression capable de rendre le sens. Par exemple, « la plupart des analyses provenant des milieux industriels » devient « most industry reports ». En étant sensible aux attentes du lecteur cible, tout traducteur doit éviter les calques grossiers et tenir compte des termes de la langue courante qui sont utilisés avec un sens particulier. Si le terme vulnérabilité dans la langue courante signifie fragilité et est restitué par vulnerability en anglais, et que le terme risque correspond à risk, dans le contexte actuel de la presse économique, ces termes peuvent prendre un tout autre sens. Il s’agit probablement de exposure en anglais lorsqu’on parle de « la vulnérabilité des marchés européens à » d’où « European market exposure to ».

De même, lorsqu’il s’agit de « limiter les risques encourus par les investisseurs », nous restituons par « limit investors’ exposure to ». « Ses avoirs en actions dépassent la cible relative à l’actionnariat » est traduit en « His shareholding exceeds ownership target ». Des

« engagements ou risques hors bilan » devient « offbalance sheet exposure ».

Considérons maintenant la convergence lexicale de deux termes de la langue source en un seul terme en langue cible. Par exemple, « année budgétaire » et « exercice budgétaire » convergent en « fiscal year ». Ceci indique aussi que certains termes de la langue courante prennent un sens particulier dans le contexte économique et financier.

3.4.2.4. Le traitement des faux amis

Les faux amis sont des mots « qui sont d’étymologie ou de forme semblable mais de sens partiellement ou totalement différent » (Mounin, 1974, p. 139). Des exemples cités d’une façon récurrente sont: éventuellement qui correspond à if need be et non pas à eventually qui signifie par la suite ; actually qui correspond à réellement, vraiment, en fait et non actuellement qui correspond à presently. Certains faux amis ne le sont que partiellement. Le terme finance auditor correspond soit à contrôleur financier ou commissaire-réviseur dans le contexte financier ou même auditeur dans la langue générale.

Considérons aussi « rééchelonnement de la dette » qui devient « debt restructuring » ou

« debt rescheduling » en anglais et non « debt spreading ». De même les « établissements

bancaires » sont « banking institutions » et non « banking establishments » et la « fraude fiscale » est « tax evasion » et non « tax fraud ».

3.5. Les modulations structurales