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7 habitants de Develier-Courtételle

7.9 Traces diverses et artefacts

La plupart des ossements sont marqués par les dents de chiens (fig. 177). D’après l’impact de ces dents et selon les dimensions des os entamés, nous pouvons voir que certains de ces compa-gnons des hommes étaient probablement assez robustes. D’autres traces sont le fait des éléments météorologiques, comme ce métatarsien de bovin retrouvé brisé en deux par le gel. Les deux surfaces correspondant à la cassure sont curieusement crénelées (fig. 178).

En dehors de ces marques, quelques ossements portent les empreintes d’aménagements par l’homme. Des os à peine trans-formés comme cet astragale de bœuf dont la face articulaire avec la pointe du calcaneus a été tranchée et qui porte la trace d’une usure d’utilisation (fig. 179). Cet outil, qui se tient bien en main, peut être utilisé pour frotter des surfaces que l’on veut lissées. On trouve également une phalange 1 de bœuf dont la surface arti-culaire a été sciée (fig. 180). Comme l’extrémité non aménagée

a été rongée, cet objet a peut-être été dérobé par les chiens et rejeté parce que devenu inutilisable. Etait-ce un objet utilitaire semblable à celui décrit précédemment ou bien encore un jeu ? Au Kunsthistorisches Museum de Vienne, sur un tableau de Pieter Bruegel datant de 1559-1560 et intitulé Kinderspiele on peut voir, en haut du tableau à droite, des enfants jouant le long d’un mur avec des phalanges de bœuf comme avec un jeu de quilles. La question est posée.

Des restes osseux sont également aménagés ponctuellement, de manière moins précise ; ainsi des os sont travaillés de façon plus sommaire mais correspondent à des outils utilisés comme ces pointes façonnées sur des os de bœuf (fig. 181). Cette par-tie épointée porte les traces d’utilisation. Des objets sembla-bles se retrouvent dans plusieurs sites de Grande-Bretagne

1 Maxilaire 2 Mandibule 3 Usure normale 4 M3 supérieur 5 M3 inférieur 6 Usure anormale A B 5 4 1 2 5 1 2 4 3 6 A B C E D F

20

mm

Fig. 184 Chevilles osseuses de chèvre dont la base a été tranchée.

5 mm

Fig. 183 Fragment d’os d’oiseau avec perforation.

10 mm B A A B 2 0mm A B C 20 mm

Fig, 178 Métatarsien de bovin brisé en

deux par le gel (A) ; aspect de l’une des

surfaces cassées (B).

Fig. 180 Phalange 1 de bœuf : phalange (B) et sa surface articulaire sciée (A) comparée avec une phalange 1 normale (C).

Fig. 179 Astragale de bœuf : surface articulaire intacte (A) et usée (B).

Fig. 181 Os de bœuf préparés : deux faces d’un même os (A) et

deux pointes provenant des fermes 1 et 5 (B-C). Fig. 182 Bois de cervidé : fragment tranché et évidé (A) et fragment épointé et aplani sur une face (B). 20 mm A B C A B 10mm

(Mac Gregor 1985, Mac Gregor et al. 1999), nous en avons égale-ment retrouvés dans la phase chronologique 9e-11e siècle du site de Saint-Mathieu. Décrits comme des « pointes », ces instruments sont aussi bien des armes que des outils.

Le bois de cervidé a également été utilisé comme matériau pour la préparation d’objets. Deux sections façonnées nous sont par-venues (fig. 182).

Un fragment d’os d’oiseau porte une perforation; il peut s’agir d’un rebut de préparation d’objet ou d’un objet cassé (une flûte ? fig. 183).

Le prélèvement des chevilles osseuses de bovins (fig. 147) et de caprinés (fig. 184) laisse supposer que la matière cornée a été uti-lisée. Ces cornes pouvaient être utilisées sous leur forme initiale ou bien transformées et aménagées en objets (Olive 1990). 7.10 La chasse

La part des animaux sauvages consommés est assez réduite, mais ce n’est pas une exception. Hormis les sites seigneuriaux et parfois religieux, la plupart des sites médiévaux ruraux et souvent urbains sont assez pauvres en restes de gibier.

L’histoire de la chasse à partir du Haut Moyen Age est relativement complexe (Pacaut 1980). A l’époque romaine le gibier est accessi-ble à tous, il est res nullius, la chose de personne. Sans distinction de condition sociale, chacun pouvait chasser à son gré sur tous les domaines non clos. Aux premiers temps du Haut Moyen Age, le droit de chasse est peu réglementé, et varie selon les régions, les peuples. Cependant, sous l’autorité franque, certaines lois prévoient des amendes pour le détournement du gibier. Dès le 6e siècle, il semble que le droit de chasse soit davantage fixé et que déjà on établisse des règles. Parfois, si l’on en croit certains récits, quelques seigneurs font protéger leurs domaines par des gardes. Ainsi Grégoire de Tours signale dans son Histoire des Francs (Livre X, chap. 10) que le roi Gontran s’adonnant à la chasse dans la forêt des Vosges, remarqua qu’un buffle (?) avait été abattu. Il interrogea le « garde-forestier » qui lui révéla le nom de Chundon, cubiculaire du roi (valet de chambre). Le roi fit poursuivre le fautif qui, rattrapé, fut lapidé. On voit par ce témoignage que le droit de chasse devient une prérogative durement défendue. Bien qu’encore imprécis, c’est au cours des 7e-8e siècles que le concept de réserve (chasse, pêche) semble apparaître sous le terme de

forestis. C’est Charlemagne qui, par un capitulaire, fixera les

pre-miers règlements pour la gestion des domaines, réservant ainsi les droits de chasse et de pêche. Cependant on peut supposer que, en dehors des réserves, les interdits ne s’appliquaient pas forcément ; ainsi Charlemagne autorise-t-il la chasse aux petits gibiers jusque dans ses propres forêts.

Pour la période qui couvre l’occupation de Develier-Courtételle il est donc difficile de connaître de façon précise les droits et les interdictions concernant les paysans de la région. Si certains droits existaient, les diverses activités menées par les habitants ne leur permettaient probablement pas de consacrer beaucoup

de temps à la recherche et la poursuite du grand gibier et c’est probablement très ponctuellement qu’ils s’y adonnaient. Pour le petit gibier, comme le lièvre, point n’est besoin d’une organi-sation cynégétique particulière. Facile à transporter, il est piégé ou se chasse avec des chiens. Durant ces périodes ou le lapin n’a apparemment pas encore fait son apparition, le lièvre est le gibier le plus commun ; il se retrouve systématiquement sur les sites médiévaux de toutes les catégories sociales.

En dehors des enjeux sociaux, les raisons de chasser sont multi-ples : pallier à une nourriture insuffisante ou s’assurer un complé-ment de viande, se procurer de la fourrure, mais aussi la nécessité de se protéger ou de protéger les animaux domestiques et les sur-faces agricoles des espèces nuisibles. Bien que l’on soit dans un milieu où l’élevage assure une nourriture carnée vraisemblable-ment suffisante, il ne faut pas exclure des movraisemblable-ments de pénurie ni, dans certaines circonstances, la volonté d’acquérir des viandes « différentes ».

Les espèces à fourrure, renard, martre, fouine, castor, loutre, etc., sont absentes. La recherche de fourrures ne semble donc pas être un objectif pour cette population jurassienne qui dispose de laine et de peaux par le biais des animaux domestiques.

En dehors de l’obligation ou du désir de se procurer de la viande, il est concevable que les grands mammifères aient également été chassés afin de protéger les récoltes ou les couvées. Ainsi en est-il des sangliers qui saccagent les champs à la recherche de racines et autres végétaux dont ils raffolent, du chat sauvage qui ravage les poulaillers et s’attaque aussi aux très jeunes bêtes comme les agneaux et les chevreaux, et peut-être aussi de la buse qui agira comme le chat sur la basse-cour et les jeunes mammifères. Les ours pouvant s’en prendre aussi bien aux hommes qu’aux animaux, leur chasse a probablement été une nécessité. Dans ces temps médiévaux, la poursuite de ces animaux dangereux n’est pas le fait de paysans mais plutôt réservée aux seigneurs disposant d’hommes, de chiens et d’armes. Cependant on peut imaginer que les habitants de Develier-Courtételle se soient trouvés dans l’obligation d’écarter ces grands carnivores qui rôdaient autour des habitations et que, connaissant leurs habitudes, ils les ont piégés (fig. 185).

Fig. 185 L’ours pris au piège. (Paris, BNF,

Département des ma-nuscrits, Français 616, fo 106v).

La chasse aux oiseaux se fait souvent par piégeage. Bien que cette faune aviaire soit très modestement présente, la campagne de Develier-Courtételle, avec les bois et les buissons, devait fournir de nombreuses possibilités d’approvisionnement. En dehors des quelques oiseaux identifiés, tout porte à croire que de nombreu-ses autres espèces participaient à l’alimentation. Autrefois, et il n’y a pas si longtemps, à l’exception des charognards qui se nourris-sent de chair morte, toutes sortes d’oiseaux étaient consommés : tous les petits oiseaux mais aussi les plus gros, le cygne, la grue, les hérons (Saly 1984). On allait parfois les chercher au nid. Cette nourriture était soit un complément, soit un plaisir.

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