• Aucun résultat trouvé

Haut Moyen Age : l’apport de l’étude de la végétation et des

6.3 Méthodologie de la reconstitution

de l’environnement

A partir de ces bases de réflexion, nous pouvons procéder à la reconstitution de l’environnement de la manière suivante. 1 Pour déterminer quelles parties du périmètre ont été

pro-bablement défrichées et cultivées (champs labourés, jardins potagers ; chap. 6.2D), nous nous référons aux indications des cartes et travaux concernant la profondeur et la perméabilité du sol, la configuration du terrain et le tracé des cours d’eau : – la géologie et la pédologie selon l'Atlas géologique de la Suisse

1 : 25 000, feuille Delémont (Keller et Liniger 1930) ; la Carte hydrogéologique de la Suisse 1 : 100 000 (Pfirter et Hauber 1991) et la Carte géotechnique de la Suisse 1 : 200 000 (de Quervain et al. 1964) ;

– les analyses pédologiques du site 1 : 2000 (chap. 2) ; – la topographie (exposition, pente, altitude) selon la Carte

nationale 1 : 25 000 (1994, 2003) et l’Atlas Siegfried (1873). 2 La surface cultivée par habitant est arbitrairement fixée pour la

communauté de Develier-Courtételle à un demi-hectare (chap. 6.2.B-C), donnant une surface défrichée de 30 hectares cor-respondant à la moitié de leurs besoins. Nous admettons par ailleurs que d’autres communautés, principalement agricoles, se trouvaient dans le périmètre considéré et qu’elles couvraient une partie des besoins des habitants du site en plus des leurs (autarcie, en sachant que la capacité de travail – des hommes et des animaux – est le facteur limitant ; Holz et al. 2002). Le reste des vivres nécessaires a dû être amené de l’extérieur du périmè-tre. Par recoupement de ces données et des résultats du point 1, on peut reconstituer, de manière naturellement très aléatoire, la population totale.

3 Le reste du périmètre est, pour la majeure partie, couvert de forêts se divisant, selon les conditions stationnelles, en un cer-tain nombre de types (chap. 6.2A et E). S’agissant des surfaces boisées actuelles, nous les déterminons en utilisant les cartes au 1 : 5000 du Service cantonal des forêts (Develier : Burnand et al. 2000 ; Delémont : Burnand et Brombacher 2001 ; Courtételle : Choffat 2001). Les instruments principaux sont le catalogue et la clé de cartographie des stations (Burnand et al. 1998) ; cette clé se base sur les groupes différentiels d’espèces végétales – indicateurs de conditions stationnelles spécifiques telles que degré d’humidité ou d’acidité du sol et conditions thermiques. Les différentes stations forestières, donc les types de forêts, se reconnaissent à la combinaison spécifique de ces groupes différentiels.

Sur cette base la cartographie se fait, dans le terrain, surface par surface.

4 Pour les autres parties du territoire actuellement non forestiè-res, nous reconstituons la forêt en déduisant les types de forêts des conditions stationnelles. Nous élaborons ceux-ci sur les bases mentionnées sous le point 1 (géologie, pédologie, topo-graphie). Aux abords des lisières actuelles, nous utilisons la cartographie des stations forestières comme argument supplé-mentaire.

5 On estime, sur cette base et pour chaque essence, l’endroit pro-bable du peuplement le plus rapproché du site prospecté. Les cartes résultant de cette analyse ont été élaborées au 1 : 25 000. Vu l’échelle de la carte géologique (1 : 25 000), de la carte hydrogéo-logique (1 : 100 000) et de la carte géotechnique (1 : 200 000), mais aussi du degré d’incertitude concernant les cours d’eau, il aurait été peu judicieux de choisir une représentation aussi détaillée que celle de la carte des stations forestières (1 : 5000). Celle-ci a donc été généralisée avant l’élaboration de la végétation du 7e siècle.

6.4 Résultats

6.4.1 Géologie, hydrologie et sols au 7e siècle

Au 7e siècle, la situation géologique – le sous-sol – n’était guère différente de celle de la fin du 20e siècle. Concernant l’hydrolo-gie, les cours d’eau se présentaient dans leur état plus ou moins naturel, avec une zone alluviale régulièrement inondée. A côté de la Sorne et, dans la vallée de Develier, des ruisseaux de La Pran et de La Golatte, les petits cours d’eau latéraux venant des pentes étaient plus nombreux qu’actuellement, souvent en relation avec des terrains mouillés, aujourd’hui drainés.

Les sols de la plaine entre Develier et Delémont étaient des sols profonds et avaient déjà été cultivés depuis l’Age du Bronze. Preuve en est leur dégradation observée par M. Guélat (chap. 2), résultat de processus s’étendant sur plusieurs millénaires. Cette détérioration diminuait déjà au 7e siècle l’aptitude de ces sols au labourage mais ne les empêchait probablement pas d’être parmi les terres les plus favorables à la culture ; ceci dans l’hypothèse que les sols du reste du périmètre étaient soit beaucoup plus lourds (surtout au bas des pentes), soit très caillouteux ou superficiels, soit situés sur de fortes pentes. Les sols profonds du dos de la colline à l’ouest du village de Develier, où le sous-sol se compose de galets des Vosges, font exception à cette règle.

Fig. 95 Couverture végétale dans la région de Develier-Courtételle (7e siècle ap. J.-C.). Stations forestières selon Burnand et al. 1998. (Reproduit avec l’autorisation

6.4.2 Population et surfaces cultivées

La population du site prospecté estimée à 60 habitants cultivait 30 hectares (chap. 6.2B-C et 6.3.1.). Une partie de ses besoins était couverte par les communautés agricoles des alentours (chap. 6.3.2) : nous admettons donc un quart des besoins totaux, soit 15 hectares de cultures. A l’intérieur du périmètre, la carte de la figure 95 montre qu’environ 170 hectares entraient dans la caté-gorie la plus apte à la culture, ce qui correspondrait à une popu-lation totale de 170 âmes. Quarante-cinq hectares auraient servi à l’approvisionnement des habitants du site : 30 sur le site même et 15 aux alentours, le reste de l’approvisionnement venant de l’exté-rieur (chap. 6.3.2). Les autres communautés du périmètre auraient donc eu 125 hectares facilement cultivables à disposition pour les besoins propres à un groupe de 125 personnes. Selon le modèle déjà évoqué (Hotz et al. 2002) et avec une surface cultivable totale de 140 hectares, cette population paysanne devait être à la hauteur du progrès technologique d’alors – charrue à bœufs, par exemple – si elle ne voulait pas dépasser sa capacité de travail.

Pour tester la validité de ces chiffres, nous avons fait le même calcul sur l’hypothèse selon laquelle toute la subsistance qui n’était pas produite par les habitants du site l’aurait été par les communau-tés du périmètre. Celles-ci auraient dû cultiver 30 hectares pour la communauté de Develier-Courtételle et auraient eu de ce fait 110 hectares à disposition pour leur besoins ; leur population n’aurait donc pas dû dépasser 110 personnes, devant travailler 140 hecta-res. Selon G. Hotz, cette surface dépasserait largement la capacité de travail de ces 110 personnes, ce qui rend donc cette hypothèse beaucoup moins probable que la précédente.

6.4.3 La couverture végétale du 7e siècle

La question posée en introduction – comment se présentait la couverture végétale aux abords du site durant le Haut Moyen Age – appelle la réponse suivante (fig. 95).

En dehors des zones alluviales situées le long des cours d’eau, la plaine à l’est du village actuel de Develier et dans la vallée de la Sorne était défrichée, ne laissant que quelques arbres isolés. A proximité des endroits habités se trouvaient probablement des

jardins potagers, les champs momentanément cultivés couvraient un tiers de la plaine, le reste étant laissé en jachère avec un roule-ment triennal (chap. 6.2B).

Le reste du territoire était couvert de forêts plus ou moins ouver-tes. Dans les parties les plus rapprochées des localités, donc sur les pentes entourant la plaine, elles étaient fortement décimées par des coupes de bois, particulièrement pour la production du fer, et par la pâture.

Les arbres clairsemés étaient probablement écotés, les branches coupées avec les feuilles vertes servant de fourrage pour le bétail. Plus on s’éloignait des habitations, plus la forêt devenait dense. Ce gradient se maintenait malgré le charbonnage pratiqué pro-bablement aussi dans les endroits situés à l’écart. La sylviculture était inexistante : les essences présentes en forêt étaient toutes naturelles et aucun arbre n’y était planté.

6.4.4 Répartition des essences forestières

Dans ces conditions naturelles ou semi-naturelles, les différentes essences se répartissaient selon les variations du sol ou du climat et de la dynamique des cours d’eau.

La figure 96 montre la répartition probable des essences dans le périmètre étudié. Parmi les essences retrouvées dans les fouilles, une grande partie pouvait se rencontrer aux alentours plus ou moins immédiats du site, soit sur la pente du Bois de Chaux, soit dans les zones alluviales.

La répartition des espèces principales requiert toutefois une ana-lyse plus approfondie (fig. 97).

Le sapin (Abies alba), essence la plus fréquente dans les restes orga-niques (chap. 5 ; Davila Prado 2004), trouvait lui aussi des condi-tions optimales sur l’envers du Bois de Chaux proche du site. Etant un bois de construction recherché, et vu qu’il supporte mal le pâtu-rage, il était devenu rare aux abords du site dès le Haut Moyen Age, fait corroboré par les résultats palynologiques du site de Delémont, La Communance (chap. 4). Toutefois, les collines à trois kilomè-tres à l’ouest du site devaient être encore riches en sapin.

Les hêtraies étaient présentes partout, à l’exception des zones alluviales et des endroits rocheux secs. Le hêtre était donc très répandu dans toute la région.

Le chêne était probablement peu fréquent sur les envers. On devait traverser la plaine ou contourner la colline du Bois de Chaux pour en trouver des peuplements plus importants. Peut-être quelques chênes isolés restaient-ils dans la plaine.

Le saule, espèce caractéristique des zones alluviales et humides, était sûrement fréquent, probablement même planté et cultivé le long des cours d’eau.

Types de forêt Essences arborescentes principales Espèces arbustives principales

Hêtraies sur sols calcaires ± perméables,

climat submontagnard tempéré Hêtre, chêne, frêne, merisier, charme, tilleul, alisier Noisetier, épine noire*, nerprun purgatif, cornouiller, églantine*, genévrier* Hêtraies sur sols calcaires ± perméables,

climat montagnard plus frais Hêtre, frêne, érable sycomore, sapin, orme Noisetier, épine noire*, nerprun purgatif, cornouiller, églantine*, genévrier* Hêtraies sur sols calcaires peu perméables,

climat submontagnard tempéré Hêtre, chêne, frêne, merisier, charme,érable sycomore, pin sylvestre Noisetier, bourdaine, épine noire*, cornouiller, églantine*, genévrier* Hêtraies sur sols calcaires peu perméables,

climat montagnard plus frais Hêtre, frêne, érable sycomore, sapin, orme Noisetier, bourdaine, épine noire*, cornouiller, églantine*, genévrier* Hêtraies sur sols décalcifiés ± perméables,

climat submontagnard tempéré Hêtre, chêne, merisier, charme Noisetier, bourdaine, genévrier* Hêtraies sur sols décalcifiés ± à peu perméables,

climat montagnard plus frais Hêtre, frêne, érable sycomore, sapin Noisetier, bourdaine, genévrier*

Forêts alluviales et frênaies de pentes Frêne, érable sycomore, aulne, merisier, saule orme Bourdaine, épine noire*, nerprun purgatif, cornouiller, églantine*, genévrier* *espèces favorisées par l’abroutissement et plus fréquentes dans les zones pâturées que dans la forêt naturelle

L’épicéa n’était très probablement pas présent dans les forêts de la région. Dans le Jura, il était confiné en bordure des tourbières et sur les éboulis grossiers des endroits frais (Franches-Montagnes, vallée du Doubs).

Dans la liste des espèces retrouvées, il faut mentionner les nom-breuses espèces arbustives ; elles aussi devaient pousser aux alentours du site. Les zones pâturées étaient particulièrement favorables aux espèces épineuses et tout spécialement au gené-vrier, dont l’expansion lors de la colonisation du site au Haut Moyen Age s’exprime par l’augmentation des pollens dans les analyses palynologiques (chap. 4).

7.1 L’archéozoologie : méthodes et applications

Outline

Documents relatifs