• Aucun résultat trouvé

La ferme 1 et les aménagements des berges du ruisseau

de l’alimentation et de l’environnement

5.6 L’économie, l’alimentation .1 Les céréales

5.7.1 La ferme 1 et les aménagements des berges du ruisseau

Au total, 30 échantillons provenant de diverses structures (foyers, fosses, trous de poteaux) ainsi que de la zone à conservation humide (fosse de rouissage 701 et couches archéologiques du domaine B) ont été analysés. La plupart des échantillons peuvent être attribués aux phases 1 et 2 de l’occupation (environ 570-680 ap. J.-C. ; chap. 5.8), alors que quelques échantillons, en particu-lier ceux des couches archéologiques B3.1 et B3.2, appartiennent déjà à la phase 3 (environ 680-750 ap. J.-C. ; annexe 1).

5.7.1.1 Le bâtiment A

Pour l’analyse des macrorestes de ce bâtiment de la deuxième moitié du 7e siècle, nous disposions de trois échantillons du foyer 52 attribué à la première phase d’utilisation (volume total 1,5 l). L’échantillon DEV1162 ne contenait pas de macrorestes, les deux autres présentaient une faible densité de fruits et graines (DEV1147 : 2,9 pièces/litre ; DEV1176 : 10 pièces/litre). Parmi les neuf macrorestes trouvés, quatre ont pu être identifiés au niveau du genre. Il s’agit exclusivement de plantes sauvages, n’apportant que peu d’indications quant à l’utilisation du foyer. Les deux taxons Chenopodium sp. et Polygonum persicaria sont fréquents dans les zones rudérales du site. Une provenance des champs, où elles poussent comme messicoles, est aussi possible. Plantago

lanceolata croît plutôt dans les prairies et les pâturages. Les

diaspo-res trouvées peuvent aussi être arrivées dans ce foyer par hasard, mélangées au matériel de combustion (l’analyse des charbons de bois a montré que du saule a été utilisé ici pour l’allumage du feu ; CAJ 13, chap. 17.4.5).

5.7.1.2 Le bâtiment B

Pour ce bâtiment de la fin du 6e - début du 7e siècle, du maté-riel provenant du foyer 119 a été examiné. L’unique échantillon DEV832 d’un volume de 0,8 litres contenait – par comparaison avec le foyer 52 précédent A – une concentration plus élevée en macrorestes (68 restes/litre). Parmi les 55 restes isolés, 31 ont pu être déterminés : les céréales sont majoritaires, aussi bien sous forme de grains que de restes de battage. Les grains de céréales étaient fortement corrodés, d’où une simple identification en tant que Cerealia. Des bases de glumes d’engrain sont aussi présentes. Pour les autres restes de battage, il s’agit de blé dont l’identifica-tion précise est impossible. Les quelques plantes sauvages sont sans doute des messicoles mélangées aux plantes cultivées. Une messicole typique des céréales d’hiver est par exemple Bromus

seca-linus. Pour les taxons restants, une provenance des zones de

prai-ries et de pâturages est possible (par exemple Euphrasia/Odontites,

Phleum). La dominance des restes de plantes cultivées indique

qu’il s’agit de déchets d’activités ménagères. Du bois de hêtre a été ici principalement utilisé pour le feu (CAJ 13, chap. 17.4.5). 5.7.1.3 Le bâtiment Q

Nous avons pu examiner du matériel des deux trous de poteaux 366 et 370 de ce petit bâtiment de la deuxième moitié du 7e siècle, interprété comme un grenier. L’échantillon du premier (DEV1346) a fourni un total de 246 fruits et graines, ce qui correspond à une concentration de 246 restes/litre. Il s’agit d’une quantité impor-tante de céréales carbonisées et de diverses plantes sauvages. Les deux échantillons DEV35 et DEV36 du remplissage du second trou de poteau montrent un spectre similaire, avec cependant une concentration nettement plus basse (35-37 restes/litre) et un total de 119 macrorestes de plantes. Sur l’ensemble, les céréales repré-sentent 38 % des restes, avec un éventail très semblable entre les deux trous de poteaux. La céréale panifiable engrain domine avec 34 restes, devant l’épeautre avec 16 restes. Le froment (blé nu), l’avoine et le seigle sont aussi attestés, en faible proportion toute-fois. Une grande part des restes de céréales n’a pu être identifiée que comme Cerealia. Des céréales d’hiver (épeautre, seigle) et d’été (avoine) sont présentes. Le spectre des plantes sauvages va dans le même sens, avec diverses messicoles typiques des céréales d’hiver, comme Agrostemma githago, Bromus secalinus, Sherardia arvensis et des espèces du genre Vicia, mais aussi quelques messicoles d’été ou de cultures sarclées (Echinochloa, Chenopodium), qui se sont trouvées associées aux céréales dans les sédiments. La faible quan-tité de plantes rudérales, de prairie et de pâturage parle en faveur d’une origine primaire des champs des macrorestes botaniques. Les nombreuses céréales et la haute densité de macrorestes dans le trou de poteau 366 renforcent l’hypothèse d’un bâtiment ayant servi de grenier. La similitude des spectres entre les deux trous de poteaux parle en faveur d’une origine commune du matériel. 5.7.1.4 La cabane en fosse V

L’échantillon DEV80 de cette petite cabane en fosse de la deuxième moitié du 7e siècle était à disposition pour l’analyse. Il provient de la couche R316-01, elle-même formée d’une épaisseur de 4 cm de charbon de bois. Malgré un faible nombre de 26 macrorestes (concentration d’à peine 6 restes/litre), trois différentes plan-tes cultivées ont pu être atplan-testées, représentant 80 % de tous les

restes. Il s’agit de deux espèces de blé (épeautre et engrain, 10 pièces) ; les neufs grains de céréales additionnels n’ont pu être identifiés plus précisément. Une graine carbonisée de lin souligne la grande importance de cette culture, quand on connaît la rareté des macrorestes carbonisés de cette plante (chap. 5.6.3.1) ; cette présence dans la structure suggère qu’une activité impliquant cette plante avait lieu dans ou autour de ce bâtiment. Pour les cinq taxons restants, il s’agit sans exception de plantes messicoles potentielles originaires des champs ou de zones à l’intérieur du site, apparemment introduites avec les plantes cultivées.

5.7.1.5 Les autres structures Le foyer 322

Cette structure de la deuxième moitié du 7e siècle a été échantillon-née à trois reprises. Les échantillons DEV54 et DEV765 provien-nent d’une phase ancienne (R322-3), DEV766 d’une phase plus récente (R322-1). Les deux plus anciens montrent une concentra-tion en restes de plantes nettement plus élevée (700-800 restes/ litre) que l’échantillon plus récent avec seulement 77 restes/litre. Parmi tous ces restes, exclusivement carbonisés, seuls 58 % ont pu être déterminés plus précisément ; le solde (206 pièces) consiste en Indeterminata. Le spectre des espèces de la phase ancienne est composé pour la plus grande partie de céréales (grains et restes de battage) ainsi que d’une riche flore adventice et rudérale. Il s’agit probablement des restes d’un stock de céréales grossièrement net-toyé. La relativement faible quantité de macrorestes rappelle aussi des déchets. L’échantillon de la phase plus récente est beaucoup plus réduit et, à côté des céréales (21 attestations), on compte 27 spécimens non identifiables.

Pour les céréales, la proportion de grains par rapport aux res-tes de battage est à peine de 3 : 1 dans la couche ancienne et de 9 : 1 dans la couche récente, qui contient presque exclusivement des grains non identifiables. Les restes de battage se composent essentiellement d’engrain et d’épeautre (fig. 87), mais il y a éga-lement parmi les grains complets de l’avoine et un peu d’orge. Tous les échantillons contiennent une part importante de grains de céréales non identifiables (Cerealia) vu la conservation très médiocre.

La présence de messicoles (entre autres Bromus secalinus, Galium

spurium, Sherardia arvensis) confirme la culture de céréales d’hiver.

Dans l’échantillon DEV765 surtout, on retrouve diverses plan-tes de prairie et de pâturage (des espèces de Trifolium, Cynosurus

cristatus, Phleum pratense et Euphrasia/Odontites). Leur origine est

incertaine : elles peuvent provenir soit de prairies plus humides, soit éventuellement aussi de champs et, dans ce cas, elles sont arrivées avec les céréales.

La fosse 10

La fosse 10, du début du 7e siècle, n’a livré que 96 restes de plantes (dont 21 non identifiables ; échantillon DEV101.1), soit une concentration de 24 restes/litre. La majorité des restes sont non carbonisés, ce que l’on peut attribuer à une préservation en milieu humide. Il s’agit exclusivement de plantes sauvages carac-téristiques d’un environnement naturel. A côté du sapin blanc et de Juncus, qui indique un milieu humide, 12 diaspores de

Sambucus ebulus ont aussi été trouvées. Parmi les Indeterminata, il

y a trois fragments de feuilles assez bien préservées. Toutefois, une influence humaine certaine est décelable dans cet échantillon. En effet, quelques restes de poissons doivent être interprétés comme indicateurs anthropiques et non naturels (Hüster-Plogmann 2004). Ces artefacts sont rarement conservés sous forme carbo-nisée.

Le foyer 185 et la fosse 189

Le petit échantillon prélevé dans le foyer 185 n’a fourni que trois macrorestes non identifiables, qui n’apportent donc rien à l’inter-prétation de cette structure (DEV1072). L’échantillon DEV992 de la fosse 189 voisine est également très pauvre en macrorestes avec onze pièces, dont une seule est identifiable : une graine de Vicia/

Lathyrus, évoluant probablement parmi les messicoles.

5.7.1.6 La fosse de rouissage 701

Grâce à d’excellentes conditions de conservation – sédiments recouverts par la nappe phréatique – la fosse de rouissage 701, datée de la première moitié du 7e siècle, a livré une grande variété d’espèces. Les cinq échantillons DEV47, DEV53.2, DEV60, DEV71 et DEV114 ont livré en tout 5400 restes pour un volume de 9,5 litres. Plus de cent taxons, en majorité non carbonisés, ont pu être déterminés. On remarque la présence en grand nombre du lin, cette importante plante textile et oléagineuse qui a une signifi-cation considérable à Develier-Courtételle. En plus des graines et des capsules, nous avons constaté en particulier dans l’échantillon DEV60 la présence d’un grand nombre de tiges de lin, ce qui parle en faveur de son affinage dans cette zone du site. Pour l’extrac-tion des fibres, il fallait d’abord mettre les plantes moissonnées à tremper dans l’eau. Cette immersion se faisait probablement dans la fosse même, située à proximité immédiate du ruisseau. Des graines de chanvre ont également été trouvées (DEV114), ce qui souligne aussi la grande importance de cette plante pour la fabrication de fibres. Au contraire du lin, le chanvre est également attesté en grand nombre dans les analyses polliniques (chap. 4). Les macrorestes carbonisés comprennent surtout des céréales : l’épeautre, l’engrain, le froment et l’orge. Il s’agit pour l’essentiel de restes de battage.

Dans l’échantillon DEV114, la présence d’un péricarpe d’Apium

graveolens – autre plante utile à l’homme – est à relever, de même

que la présence de fruits et de baies sauvages : Malus sylvestris,

Fragaria vesca, Rubus fruticosus, Rubus idaeus et Sambucus sp. Une

aiguille d’épicéa indique un apport d’un milieu un peu plus éloigné (chap. 5.5.2.1).

L’influence de l’eau est bien visible dans le spectre des plantes sauvages, avec de très nombreux taxons de milieux humides. Ceci s’applique surtout aux genres Juncus et Carex, mais aussi Scirpus

sylvaticus, Polygonum hydropiper, Ranunculus repens, Verbena offici-nalis et Chenopodium qui peuvent tous pousser en milieu humide.

Parmi les plantes de prairie et de pâturage aussi, une grande part indique des milieux bien engraissés et humides. Des indicatrices de piétinement comme Plantago lanceolata ou Prunella vulgaris, apparaissant souvent sur des sols compactés, sont aussi attestées. D’après cet ensemble de plantes, des zones fortement maré- cageuses se trouvaient autrefois aux abords du ruisseau.

Deux espèces dont l’utilisation n’est pas claire sont aussi fréquentes : Urtica dioica et Humulus lupulus. Toutes deux poussent naturellement dans des milieux humides et riches en azote. Bien que l’ortie soit également considérée comme plante textile, une grande quantité de graines ne représente pas encore une preuve suffisante de son exploitation. Pour cela, il faudrait trouver des fibres d’orties, comme c’était le cas dans la tombe du Haut Moyen Age de Flurlingen (ZH) (Windler et al. 1995). Comme l’ortie produit un grand nombre de graines, l’importance des macrorestes peut simplement indiquer que beaucoup d’orties poussaient à proximité de la fosse 701. L’interprétation des macrorestes de houblon se révèle encore plus difficile. Le houblon sauvage pousse également dans les forêts alluviales et pourrait de ce fait être naturellement présent dans les environs immédiats du site. Son utilisation en tant que condiment pour la bière reste cependant une possibilité, tout comme une consommation en légume (chap. 5.6.5.1). Un très grand nombre de pollens de type Humulus/Cannabis dans la couche B3.322 pourrait indiquer une culture du houblon (chap. 4), mais ces restes palynologiques pourraient surtout provenir du chanvre, déjà attesté par des graines.

Un indice possible en faveur de pratiques tinctoriales nous est fourni par l’attestation de Reseda luteola dans l’échantillon DEV71 (B3.332), une plante tinctoriale d’origine méditerranéenne qui pousse surtout dans des milieux rudéraux.

La concentration en macrorestes dans les quatre échantillons du fond de la dépression est, avec 460-610 pièces/litre, relative-ment élevée et atteint dans la partie supérieure (DEV53.2) une valeur de 1148 pièces/litre. Le lin est très fréquent dans les qua-tre échantillons du fonds de la dépression. Il y a aussi des restes carbonisés de céréales, surtout des restes de battage, qui ne peu-vent être mis en relation avec le traitement des fibres dans cette fosse. Dans l’échantillon DEV60 figurent aussi quelques restes de poissons, indiquant une exploitation de cette ressource. Dans les remplissages sommitaux (DEV53.2), les macrorestes de lin sont plus restreints, alors que ceux non carbonisés de céréales sont présents. Particulièrement fréquents sont les restes de battage et

les fragments de testa, apparemment des déchets du traitement des céréales. Les restes de céréales carbonisées sont absents de cet échantillon.

5.7.1.7 Le trou de poteau 396

Le remplissage de cette structure correspond à la couche archéo-logique B3.1. L’échantillon analysé (DEV89) a fourni un total de 671 spécimens/litre. L’éventail des espèces ne diffère pas outre mesure des autres échantillons de la couche archéologique B3.1. Les graines/fruits non carbonisés de Carex sp., Chenopodium sp. et Lycopus europaeus sont présents en grand nombre. Ranunculus

repens, Polygonum aviculare et Urtica dioica sont aussi assez

fré-quents. Parmi les plantes cultivées, les deux blés vêtus engrain et épeautre sont attestés, aussi bien sous forme carbonisée que non carbonisée. En outre, une graine non carbonisée de lin a pu être déterminée.

5.7.1.8 Les couches archéologiques du domaine B en dehors des structures

En bordure méridionale de la ferme 1, la couche archéologique se dilate et présente plusieurs phases sédimentaires distinctes datées entre les dernières décennies du 6e siècle (B3.5 et B3.4) et le milieu du 8e siècle (B3.1 ; CAJ 13, fig. 62). Dix échantillons pro-venant de ces dépôts ont pu être analysés : DEV4, DEV9, DEV11, DEV17, DEV52, DEV53.1, DEV69, DEV100, DEV136 et DEV150 (annexe 1). Ces analyses ont fourni plus de 13 000 macrorestes appartenant à un grand nombre de taxons.

L’éventail des plantes cultivées est très riche. Les restes de lin et de chanvre soulignent la grande importance de ces deux plantes utiles à l’homme. Il existe aussi quelques restes de pavot som-nifère. Parmi les céréales, l’épeautre prédomine devant l’engrain et l’orge, alors que les autres espèces (amidonnier, orge, avoine, froment) ne sont attestées qu’en nombre restreint. Des légumi-neuses cultivées comme les lentilles, l’aneth et le chou (Brassica) sont également attestées. Le spectre des fruits de cueillette (avant tout des baies, des noisettes et des pommes) est identique à celui de la fosse de rouissage 701. On peut encore signaler la présence d’Atropa belladona et de Hyoscyamus niger, deux plantes potentiel-lement médicinales.

Parmi les plantes sauvages, il existe aussi un éventail d’espèces très semblables à celui de la fosse de rouissage 701, avec beau-coup de restes de Cyperaceae et de Poaceae, ainsi que des genres

Juncus et Polygonum. Urtica dioica est très bien représentée dans

presque tous les échantillons.

Si nous comparons les échantillons provenant des différents étages stratigraphiques, il devient évident que la concentration en macrorestes des phases anciennes (B3.5, B3.4) est nettement plus élevée – avec jusqu’à 1635 diaspores/litre – que dans les couches plus récentes (B3.2, B3.1). Dans la phase ancienne, les restes de lin sont très fréquents, alors qu’ils manquent dans les couches supérieures. Ceci révèle pour cette phase plus récente une diminution, voire une disparition, du travail du lin (chap. 5.8). Un grand nombre de fruits de Xanthium

struma-rium ont été trouvés dans l’ensemble des couches inférieures

(DEV53, B3.4). Cette plante, qui croît de préférence en milieu rudéral, est, comme Reseda luteola, une plante tinctoriale appré-ciée et utilisée lors du traitement des textiles. Le grand nom-bre de pièces non carbonisés de restes de battage de seigle conservés dans la partie inférieure de la couche (DEV52) est remarquable, comme la grande quantité de restes de battage d’épeautre dans l’échantillon DEV100. Le seigle et Xanthium ont aussi été identifiés par l’analyse palynologique de ce même ensemble de couches (chap. 4) ; le grand nombre de pollens de type Humulus/Cannabis mis en évidence par cette étude reflète probablement le traitement du chanvre. L’absence de pollen de lin a des origines méthodologiques (chap. 4). Les restes de plantes carbonisées sont complètement absents de la couche B3.4 ; dans la phase plus récente (B3.2, B3.1) par contre, il y a des restes carbonisés de plantes dans tous les échantillons, en particulier des restes de céréales et de plantes messicoles. Ceci indique un apport plus important de déchets ménagers carbonisés. Le faible nombre de restes de plantes non carbo-nisées pourrait aussi être lié à une mauvaise conservation de la couche, ce qui se manifeste dans les analyses palynologiques par une corrosion plus forte des pollens (chap. 4).

Outline

Documents relatifs