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Tr` es fortes densit´ es de greffage : quelques interrogations sur

CHAPITRE 5 : R ˆ OLE DES CHAˆ INES GREFF´ EES EN FRICTION 57

5.3 Effets collectifs

5.3.2 Tr` es fortes densit´ es de greffage : quelques interrogations sur

Si le m´ecanisme de saturation de la friction Σ(σ) pr´esent´e plus tˆot ´etait le seul intervenant, on pourrait d´eduire de l’expression II.11 l’´evolution de la friction Σ(v) avec la vitesse aux tr`es fortes densit´es de greffages. On obtiendrait ainsi une loi logarithmique plus ou moins compliqu´ee. Pourtant, les courbes Σ(v) de Bureau et al. trac´ees pour diff´erentes densit´es de greffages montrent, elles, une ´evolution progressive de la friction vers une simple loi de puissance Σ ∼ v1−α aux fortes den-sit´es de greffage. A ces fortes densit´es, l’augmentation de la friction avec la vitesse reste tr`es lente : (1 − α) est compris entre 0.2 et 0.3. Les exp´eriences de Casoli et al. confirment cette tendance, et montrent en plus une saturation compl`ete de la friction au del`a de vitesses de l’ordre de 10mm.s−1 qui rappelle `a nouveau la friction solide. Ces r´esultats nous rappellent que le m´ecanisme d’enchevˆetrements n’est pas le seul m´ecanisme responsable de l’´evolution de la friction avec la densit´e de greffage. Aux plus fortes densit´es de greffage, la friction est de toute fa¸con celle d’un ´elastom`ere glissant sur une brosse s`eche. C’est donc dans le comportement de cette brosse qu’il faut chercher l’explication d’une loi de type Σ ∼ v1−α. Il est difficile de rendre compte th´eoriquement de cette ´evolution de la friction avec la vitesse de glissement. N´eanmoins, un ´ecart par rapport `a une friction classique de Rouse, lin´eaire en vitesse, peut se comprendre relativement ais´ement. Nous propo-sons dans la suite une ´ebauche d’explication, qui fait intervenir une diminution de la longueur d’interdigitation λ entre un ´elastom`ere et une brosse s`eche lorsqu’aug-mente la vitesse de glissement de l’´elastom`ere.

Une brosse s`eche est essentiellement caract´eris´ee par la largeur λ de l’interface qu’elle forme avec l’´elastom`ere. Nous avons vu que lorsque l’´elastom`ere est statique, tant que P < N , cette largeur est `a peu pr`es de la taille λ0 = aP12 d’une maille de l’´elastom`ere, tandis que l’´epaisseur de la brosse h0 = σN a est bien plus grande. Cette interdigitation entre la brosse et l’´elastom`ere permet la transmission de la contrainte Σ(v) entre l’´elastom`ere en d´eplacement horizontal et la couche greff´ee,

par l’interm´ediaire de la friction de Rouse :

Σ(v) = (v − vtop)τ0λkT

a5 (5.20)

o`u v−vtopest la diff´erence entre la vitesse de l’´elastom`ere et la vitesse de d´eplacement vtop du haut de la couche greff´ee. La vitesse vtop d´epend de la rh´eologie de la brosse s`eche.

Une brosse s`eche est constitu´ee de chaˆınes longues enchevˆetr´ees. Sch´ ematique-ment, aux fr´equences de cisaillement plus grandes que la fr´equence de relaxation 1/τN des chaˆınes greff´ees, la brosse pr´esente un comportement ´elastique, auquel on associe le module ´elastique E0 = kT /a3P0, o`u P0 est le nombre de monom`eres entre enchevˆetrements. P0 est, comme P , de l’ordre de 100, de sorte que E0 est du mˆeme ordre de grandeur que le module ´elastique E des ´elastom`eres utilis´es. Aux fr´equences de cisaillements plus faibles que 1/τN, et donc en particulier en r´egime permanent, les chaˆınes ont le temps de relaxer et la couche se comporte comme une couche liquide de viscosit´e τNE0. Cette description est tr`es simplifi´ee, car comme dans tout fondu de polym`eres, les chaˆınes pr´esentent en fait tout un spectre de temps de relaxations reli´es aux diff´erents m´ecanismes de relaxation existants. Les propri´et´es visco´elastiques de base des polym`eres peuvent toutefois ˆetre obtenues en n’utilisant que le temps de relaxation de plus long. En fondu, ce temps est le temps de reptation de chaˆınes, mais dans les brosses, o`u la reptation est bloqu´ee par la fixation des chaˆınes `a une extr´emit´e, le temps de relaxation correspond au temps de r´etraction τN ' τ0N2exp [−15N/8P0] des chaˆınes dans le tube que forment les enchevˆetrements [94]. La viscosit´e d’une couche greff´ee en r´egime permanent est donc extrˆemement grande, et la contrainte li´ee au cisaillement de cette couche est donn´ee par la relation

Σ(vtop) = vtop h0 kT a3P0τ0N2exp  −15N 8P0  (5.21)

Des relations (5.20) et (5.21) on d´eduit que le rapport vtop v ' σP 0P12 N2 exp  −15N 8P0  (5.22)

est tr`es petit par rapport `a un. La contrainte de cisaillement qu’exerce l’´elastom`ere sur la brosse s`eche est donc simplement Σ(v) ' vλτ0kT /a5 (remarquons qu’on obtient le mˆeme stress si il n’y a pas d’enchevˆetrements).

Si l’´epaisseur λ de l’interface entre l’´elastom`ere et la couche greff´ee diminue, la contrainte diminue. L’´evolution de la friction avec la vitesse de glissement peut donc s’´ecarter d’un comportement lin´eaire si λ d´epend de la vitesse. Le cisaillement Σ(v) dˆu `a une force de friction de Rouse vτ0kT /a2 par monom`ere se trouvant dans l’interface implique qu’une force d’´etirement (λ/h0)vN τ0kT /a2 s’applique sur chaque chaˆıne greff´ee. Cet ´etirement donne une augmentation de l’´energie libre par chaˆıne, que l’on peut ´ecrire :

F kT ' a 2 σ λ a3P + a2 σ 1 aλ + N λ2τ2 0v2 σ2a4 (5.23)

o`u on rappelle que le premier terme correspond au gonflement de l’´elastom`ere, tandis que le deuxi`eme terme est du au gradient de fraction volumique occup´ee par la brosse `a l’interface. Pour des vitesses de glissement sup´erieures `a la vitesse

vsec ' a τ0

σ12 P34N12

(5.24)

l’´etirement du `a la friction domine sur le gonflement de l’´elastom`ere. Alors, l’´epaisseur λ de l’interface qui minimise l’´energie libre par chaˆıne est

λ(v) ' a  σa N τ2 0v2 13 (5.25)

´

ecart `a la loi de friction lin´eaire :

Σ(v) =  v vsec 13  σ N P12 12 kT a2 (5.26)

La simple r´eduction de l’´epaisseur de l’interface entre l’´elastom`ere et la couche greff´ee peut donc entraˆıner une r´eduction de la friction, et une loi en vitesse Σ ∼ v1/3. Nous avons dit au d´ebut de cette section que nous ne proposions qu’une ´

ebauche d’explication `a la faible d´ependance de la friction en vitesse observ´ee par Casoli et al. et Bureau et al., car la vitesse vsec `a laquelle commence la loi Σ ∼ v1/3 est bien trop grande pour expliquer leurs observations. En effet, pour (N = 1550, P = 300, σ = 0.005) Bureau et al. observent la loi Σ ∼ v1−α des la vitesse 0.01µm.s−1, alors que la vitesse vsec est de l’ordre de 400µm.s−1. Le mod`ele que nous proposons est donc insuffisant. Un travail plus approfondi serait n´ecessaire pour comprendre ce qui se passe r´eellement. Un comportement rh´eofluidifiant de la couche greff´ee au del`a d’une certaine contraˆınte, comme c’est le cas pour tous les fondus de polym`eres, pourrait faire partie de l’explication que nous cherchons.