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4. Présentation des résultats

4.2. Intérêt et implication citoyenne dans le processus de gouvernance territoriale

4.2.2. Le tourisme durable et le développement économique et territorial

Toujours dans le cadre du PND (2018-2022), un programme pour la biodiversité et sa préservation a été mis en place, appelé « Biodiversité et richesse naturelle, atouts stratégiques de la nation36 » (Traduction libre de l’espagnol, 2021), suivant quatre points

stratégiques :

- Prévenir la dégradation de la biodiversité ; - Consolider sa conservation ;

- Générer des conditions permettant son utilisation durable ; - Apporter des bénéfices aux communautés locales.

Pour cela, il a été nécessaire de mettre en place des interventions intégrales dans les territoires définis comme étant environnementalement stratégiques, c’est-à-dire dans des zones sensibles, afin de consolider leur protection ainsi que prévenir ou mieux appréhender

les conflits socio-environnementaux qui pourraient s’en générer avec les communautés locales et de les convertir en opportunités pour ceux qui les habitent.

Dans le cadre de ce programme, en partenariat avec le SINAP37 et PNNC38, le

gouvernement colombien avait prévu en 2018 la création de neuf nouveaux parcs nationaux, ainsi que l’agrandissement des aires protégées de plus de 2 500 000 hectares. Ça serait donc au total, plus de 23 millions d’hectares de zones naturelles qui devraient être préservées et protégées, dans la mesure où celles-ci sont stratégiques en termes de services écologiques aux différentes échelles locale, nationale, et même mondiale, et de biodiversité (Garzon, 2017).

Suivant cette perspective, les Colombiens ont assisté à l’expansion de l’écotourisme communautaire qui s’est étendu d’une manière non négligeable, et qui permet en plus de faire la promotion de la préservation de l’environnement, l’accroissement de bénéfices et retombées positives sur certaines collectivités locales. Cela comprend également les acteurs du transport, de l’artisanat, etc., et vient valoriser les aires protégées en plus de se les voir approprier. On observe donc une certaine fierté de la part des communautés locales, qui voient leur sentiment d’appartenance, leur identité être de plus en plus valorisés vis-à-vis de tous les acteurs impliqués (SINAP, 2019). En effet, 59% des aires protégées ont en plus de leur vocation de rendement écologique, une vocation écotouristique que ce soit pour les activités de plein air, pêche, camping, etc. Durant mes séjours en Colombie, j’ai pu observer que la côte caribéenne était très prisée par les touristes et étudiants étrangers, venant d’Amérique du Nord (canadiens, étatsuniens, mexicains) et d’Europe (français, espagnol, allemands, anglais, italiens…). Notamment les villes de Santa Marta, Carthagène, et le Parc national de La Guajira pour leurs plages paradisiaques, leur culture, leur artisanat et leurs paysages hors du commun. La création de parcs naturels nationaux a en effet généré un attrait touristique des plus remarquables pour un pays considéré comme dangereux : par exemple, entre 2000 et 2003, la Colombie a enregistré plus de 1590000 entrées, ce qui donne une

37 Sistema Nacional de Areas Protegidas 38 Parques Nacionales Naturales de Colombia

moyenne d’environ 530000 visiteurs par année. Ce chiffre était de plus de 825000 en 2012 (Lamarre-Bolduc, 2015 : 17).

Dans le cadre des ODD39, la contribution des aires protégées n’est en aucun cas

négligeable. En effet, selon le SINAP (2019), celles-ci :

- Contribuent à la création de milieux de vie sains pour les populations vulnérables qui les utilisent et peuvent les rendre productifs de manière cohérente avec les ODD, et qui sont en partie gérés par elles-mêmes (1 : Fin de la pauvreté) ;

- Préservent les services écosystémiques desquels dépendent la production agricole ainsi que la variété des produits (2 : Faim zéro) ;

- Régulent la contamination et la qualité de l’air, et contribuent à la préservation de plantes médicinales dont les populations ont besoin (3 : Santé et bien-être) ;

- Agissent comme centres d’apprentissage, d’échange culturel et de sensibilisation environnementale. Ce sont des espaces où les populations peuvent créer ou consolider une conscience environnementale et culturelle (4 : Éducation de qualité) ;

- Donnent un rôle important aux femmes et aux plus jeunes dans la gestion des aires protégées, et amplifient leur participation dans la prise de décision et l’approbation de certaines décisions en rapport avec l’environnement (5 : Égalité de genre) ;

- Régulent la qualité de l’eau, spécialement dans les fleuves, pour la provision en eau des communautés (6 : Eau propre et assainissement) ;

- Développent des activités durables, comme l’écotourisme où les énergies renouvelables sont essentielles (7 : Énergie propre et d’un coût abordable) ;

- Ont un impact sur le développement des secteurs productifs qui ont une relation avec les aires protégées, et agissent comme espaces de valorisation économique des services écosystémiques (8 : Travail décent et croissance économique) ;

- Offrent une considération des populations des plus vulnérables par des actions pour le respect et la conservation des pratiques traditionnelles des communautés indigènes et locales (10 : Réduction des inégalités) ;

- Présentent des alternatives quant à la consommation : le tourisme dans les aires protégées alimente les savoirs sur le développement durable et les styles de vie à appliquer en harmonie avec la biodiversité (12 : Production et consommation responsable) ;

- Permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre (13 : Action pour le climat) ; - Valorisent les milieux marins grâce à l’établissement de 10% d’aires marines protégées

(14 : Vie sous-marine) ;

- Luttent contre la désertification et la dégradation des terres (15 : Vie des écosystèmes terrestres) ;

- Apportent des espaces où différents groupes d’acteurs peuvent se retrouver pour défendre une cause commune (17 : Alliance pour atteindre les objectifs). (SINAP, 2019).

Figure 24 Carte des aires protégées de Colombie

Source : SINAP, 2019

2019 3% du PIB national, et plus de 600 000 emplois (Restrepo, 2019 : 1). Entre janvier et octobre 2019, la Colombie a reçu plus de 3,5 millions de visiteurs, soit une augmentation de 2,7% par rapport à 2018, et comptait 19 destinations de tourisme durable (Ibid). Ainsi, le tourisme se voit devenir une des principales sources de l’augmentation de l’économie colombienne. Le tourisme durable mène, en plus d’une préservation de l’environnement, à une préservation du patrimoine culturel et des traditions des communautés locales en rendant possible une amélioration de la qualité de vie des populations locales. S’il est bien planifié, développé et géré, cela génère un nombre d’emplois non négligeable pour les locaux, et offre également des opportunités aux entrepreneurs de créer de nouvelles entreprises (Pérez, n.d.). De ce fait, le tourisme durable présente de nombreux bénéfices aux populations locales comme (Pérez, n.d.):

- La génération d’emplois (spécialement aux jeunes, femmes, et groupes ethniques minoritaires ou marginalisés) : hôtellerie, restauration, entreprises touristiques, agriculture, pêche, artisanat, manufacture... et minimise de ce fait l’émigration de la population jeune vers les centres urbains plus attractifs ;

- La redistribution de la rente ;

- La modification de la structure de consommation ; - Des effets sur les importations et les exportations ; - La création de nouvelles entreprises ;

- L’amélioration du niveau de vie des populations locales, etc.

Toutefois, il arrive souvent que la mise en place de parcs nationaux engendre des changements socio-économiques majeurs, tels la sédentarisation et la modification de l’accès au foncier (déjà fragile en Colombie), la transformation des moyens de subsistance ainsi que l’intensification des liens avec l’extérieur de la région (Déry et Tremblay, 2008). En effet, les superficies qui pourraient normalement être allouées aux cultures pour les petits paysans subissent une réduction majeure, ainsi que les superficies de forêts qui pouvaient servir de lieux où l’on pouvait auparavant chasser et cueillir des denrées (idem). Aussi, même si l’essor du tourisme ou de l’écotourisme, résultats de la création de ces parcs, génèrent des ressources économiques intéressantes pour le gouvernement, les populations locales en retirent que très peu souvent des bénéfices. Ainsi, nous pouvons constater dans plusieurs cas spécifiques une

diminution de pouvoir décisionnel local, puisque les individus doivent répondre aux attentes des gouvernements, en y adhérant par obligation et donc une nouvelle forme de marginalisation (idem).

Le gouvernement a également mis en place un Plan national de Développement par le biais de son Département national de planification, plus connu sous le nom de « Plan Nacional de Desarrollo, Pacto por Colombia, Pacto por la equidad40 » qui vient servir de base

pour les stratégies de politiques publiques du gouvernement. C’est un instrument politique qui s’inscrit dans la Constitution de 1991, et qui se compose d’une manière générale de propositions et d’objectifs nationaux pour la mise en application de stratégies politiques, économiques, sociales et environnementales (voir annexe 5).

En partie grâce au PND, le taux de pauvreté en Colombie est passé de 49,7% en 2002 à 27,0% en 2017, ce qui n’est absolument pas négligeable. De ce fait, le taux de la classe moyenne a augmenté et est désormais stable, étant passé de 16,3% à 31,0% pour les mêmes dates. Il apparaît donc ici une belle voie concernant l’amélioration de la qualité de vie des populations vulnérables, cependant, certains facteurs néfastes pour cette pérennité persistent. Selon le Département national de planification du Gouvernement colombien (2019), ces facteurs sont notamment :

- La stagnation de la productivité :

- La constante augmentation des économies illégales (qui ont profité du départ des anciens guérilleros des FARC et de l’absence quasi systématique de l’État sur le terrain) ; - L’augmentation de la corruption et de la perception de l’impunité ;

- Les grandes disparités régionales (particulièrement contre les milieux ruraux) ; - L’informalité élevée du travail et des affaires ;

- Les coûts fiscaux et règlementaires qui découragent l’activité commerciale ; - Les grands retards de la transformation numérique du pays ;

- Ainsi que la vulnérabilité grandissante face aux catastrophes dues aux changements climatiques.

Il est aussi à noter que les migrations provenant du Venezuela sont de plus en plus nombreuses au vu de la situation économique, politique et sociale du pays, ce qui a de grandes

répercussions sur le niveau de vie moyen en Colombie. Ces migrations se concentrent principalement sur les régions nord et est du pays, à proximité de la frontière et où se situe le territoire à l'étude (Figure 25). Parmi ces migrants, presque la moitié se retrouvent dans une situation irrégulière qui amplifie le risque de précarité et l'instabilité quant à leur habitat. Une des répondantes aux questionnaires d'enquête m'a avoué qu'elle et plusieurs personnes de son cercle proche étant dans cette situation d'irrégularité ont plusieurs fois dû changer de ville pour trouver différents emplois. Leurs conditions de travail ont souvent été des plus minimes, et ils se logeaient parfois même dans des hangars de scierie. Cette irrégularité ajoutée à la marginalisation dont ils sont victimes ne fait qu'accentuer les dérives sociales et économiques dont les plus démunis sont victimes. À l'issue d'un rapport du ministère des Relations extérieures de Colombie concernant les migrations vénézuéliennes, il a été déclaré que sur 1 408 055 migrants vénézuéliens, plus de 665 000 étaient en situation d'irrégularité (ministère des Relations extérieures, 2019).

Ces nombreux facteurs ont donc un impact compromettant concernant les efforts de paix et nuisent à la possibilité de parvenir à une meilleure équité et à une meilleure qualité de vie pour tous en Colombie.

Figure 25 Nombre estimé de migrants en provenance du Venezuela en Colombie par département (2019)

Source : Ministère des Relations extérieures de Colombie, 2019

Il paraît donc dans cette section, que l’implication citoyenne (et gouvernementale) quant au maintien de la paix et à la promotion de l’égalité n’est pas inexistante, mais

programmes en cours d'application (Plan national de développement 2018-2022, gouvernement de Colombie, 2019). En effet, celle-ci n’est pas satisfaisante, en plus des différents facteurs énoncés précédemment, malgré le fait que nombre d’exemples affirment qu’un processus de paix et le maintien de celle-ci dépendent en grande partie de l’instruction et de l’éducation, ainsi que de l'équité entre les individus (Figure 26). Cela met également en perspective l'idée que l'habitat durable n'est pas réellement mis de l'avant au vu des nombreuses migrations internes nécessaires à la survie de certains.

Figure 26 Cercle vertueux de la paix

Source : Irina Dziura, 2019, d’après le gouvernement de Colombie

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