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1. Méthodologie de cueillette et d'analyse des données

2.3. La durabilité

Dans cette section seront exposés les concepts qui permettent, selon cette recherche, de compléter l’idée de l’établissement durable des populations marginalisées par le conflit. En effet, il sera question ici d’éducation, de développement rural et de développement durable. D’après Narcedalia Lozano Garza, candidate au doctorat à l’Université McGill de Montréal et travaillant sur la violence au Mexique, pour passer d’une « culture de la violence » à « une culture de la paix », l’éducation était des plus primordiale (2015). C’est pourquoi ce concept-là sera abordé dans cette section.

2.3.1. L'éducation pour la paix

Avant de définir ce que présente le concept d’éducation et de consolidation de la paix, il est indispensable de définir ce qu’est la paix. À la lecture de nombreux articles et ouvrages, il en ressort que le terme « paix » est intrinsèquement lié au terme de « guerre ». L’un ne va pas sans l’autre. En effet, la paix est définie la majeure partie du temps par l’absence de guerre (Carrière, 2016 : 8). Jean-Claude Carrière ajoute à cela un état de passivité, une absence d’activités dangereuses ou hostiles. En ce sens, Victor Hugo pensait que l’éducation

et l’instruction permettraient de favoriser la prévention de conflits et donc la préservation de la paix (Idem). Plusieurs leaders, politiques, économiques ou sociaux, ont également mis de l’avant plusieurs possibilités de politiques sociales afin de contrôler et prévenir la violence, notamment en termes d’éducation afin d’offrir aux individus une alternative à la violence, conciliable avec leurs besoins (Moser, 2000). Pour ce qui est de la consolidation de la paix, Addison et Brück (2009) parlent de fin de la violence organisée à grande échelle ou de la réduction d’intensité de celle-ci. Car, il est tout à fait pertinent d’éduquer les populations « à la paix » afin d’éviter à ces derniers de reproduire les erreurs des générations passées, surtout dans un contexte fragile comme celui de la Colombie.

Dans son article « Education for peace in the Mexican context », Narcedalia Lozano Garza (2015) suggère l’apport que pourrait fournir l’éducation à la paix quant à la contribution sociale, politique et économique. En comparant le cas du contexte mexicain à celui de la Colombie, l’application de cette théorie dans le cadre de cette étude est tout à fait adéquate. L’auteure, après avoir énuméré le nombre de victimes ayant découlé des activités des narcotrafiquants au Mexique, explique que pour passer d’une « culture de la violence » à une « culture de la paix », l’un des outils des plus importants est l’éducation à la paix. Si cet aspect de l’éducation est enseigné dès le plus jeune âge dans les écoles ou au sein même des communautés grâce au gouvernement, les plus jeunes pourront transférer les savoirs acquis aux membres de leur famille et donc leur inculquer une certaine éthique de ce qu’est la paix, le vivre-ensemble, la vie en communauté et l’égalité pour une durabilité et un maintien de la paix (Lozano Garza, 2015 ; Cabezudo et Haavelsrud, 2007).

Dans cette configuration, l’idée de l’éducation à la paix est axée sur une paix positive impliquant nécessairement la présence d’une justice sociale. Selon David Smith, la justice sociale relève de l’égalité formelle, où tout être humain doit se trouver dans les mêmes situations que les autres, peu importe son statut économique ou politique. Elle repose également sur l’égalité proportionnelle, où plus de moyens sont mis en œuvre pour venir en aide aux plus démunis. Elle dépend pour terminer de l’égalité finale, où chacun est placé dans les mêmes conditions (Claval, 1978 : 304). Le concept de justice sociale dans le cadre de ce

notamment par Jacques Lévy en 2018 dans son ouvrage Théorie de la justice spatiale.

Géographie du juste et de l’injuste. Cela implique donc une garantie pour tous d’accéder à

des biens et des services de manière équitable, sans injustice (Bret, 2015). Ainsi, si l’éducation à la paix, la justice sociale et l’équité territoriale sont appliquées, cela favoriserait le maintien et la consolidation de la paix (Cabezudo et Haavelsrud, 2007).

Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l’Organisation des Nations unies de 1992 à 1996, définissait le concept de Peacebuilding comme étant « l’action pour identifier et soutenir les structures qui tendront à renforcer et consolider la paix afin d’éviter un retour au conflit » (Barnett et al., 2007 : 35). Ce processus repose donc sur une intervention de l’État en question, soutenue par les acteurs de la scène internationale pour prévenir la reprise ou le démarrage d’un conflit armé interne, en résolvant les désaccords pacifiquement, dans le but de parvenir à une paix durable ainsi qu’à une stabilité économique, politique et sociale. Ce concept se divise en trois parties : la stabilisation de la zone de conflit, la restauration des institutions étatiques, et le traitement des questions économiques et sociales (idem : 51). Roland Paris, chercheur en sécurité et gouvernance internationale à l’Université d’Ottawa, définit la consolidation de la paix comme « l’action déployée dans une région sortant d’un conflit et qui vise à créer les conditions d’une paix stable et durable ainsi qu’à prévenir le retour de violence » (Rocha Menocal, Kilpatrick, 2006 : 1). Il est clair qu’un tel processus induit une approche multidimensionnelle qui englobe les domaines de la diplomatie, de l’aide humanitaire, de la reconstruction et du développement durable (Ladouceur et Targhibi, 2006). Chacune de ces dimensions peut s’apparenter aux résolutions prévues dans le cas du conflit interne colombien, mais nécessite cependant une intervention internationale, notamment concernant les besoins en financement, en stabilité politique, en justice, en aide humanitaire, et en prérogatives environnementales (idem).

Ainsi, la prospérité et la pérennité de ces communautés pourront être assurées via un processus de développement rural local.

Selon Jacques Lévy, le développement est « un processus par lequel un opérateur (société, acteur individuel ou collectif) agit sur son devenir avec la visée de le rendre meilleur, selon son point de vue. Il n’y a développement que si l’amélioration est, directement ou indirectement, significative pour tous les acteurs » (Lévy, 2018 : 309).

Dans une perspective de durabilité, Catherine Aubertin parle d’une « ambition normative d’écologiser et d’humaniser l’économie » (Brunel, n.d.). Elle entend par là de créer un lien entre la croissance économique et les préoccupations sociales et environnementales en préservant les ressources naturelles ainsi que les écosystèmes dans leur globalité.

La notion de développement durable a été pour la première fois institutionnalisée, par le biais du Rapport Brundtland de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations unies présidée par Gro Harlem Brundtland en avril 1987 (Figure 7). Dans ce rapport, il est inscrit que le principal objectif du développement est de satisfaire les besoins et aspirations des populations (ONU, 1987 : 40). Toujours dans une perspective de durabilité, les besoins essentiels y sont satisfaits, y compris l’aspiration à une vie meilleure. Dans un sens strict, le développement durable est défini comme une manière d’évoluer sans mettre en danger les écosystèmes nécessaires à la vie : l’atmosphère, l’eau, les sols et les êtres vivants. Ainsi, nous apprivoisons un processus de transformation où l’exploitation des ressources, les investissements, et les lois institutionnelles se font dans le respect de l’environnement (CMED des Nations Unies, 1987). Nous pouvons conclure que dans son sens le plus large, le développement durable vise un état d’harmonie entre les êtres humains et la nature.

Le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement, créé en 1972 durant le premier sommet de la Terre à Stockholm ayant pour but de coordonner les activités de l’ONU en lien avec la problématique de l’environnement, a défini après les Objectifs du Millénaire pour le développement, 17 objectifs de développement économique et social, soucieux de respecter non seulement les êtres humains, mais aussi tous les écosystèmes.

Figure 7 Objectifs de développement durable

Source : PNUE, 2015

Le développement durable est donc une notion qui vise l’équité intergénérationnelle, territoriale, sociale, culturelle, économique et environnementale. Elle repose sur trois piliers qui sont schématisés ci-dessous (Figure 8).

Figure 8 Schéma du développement durable