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1. Méthodologie de cueillette et d'analyse des données

2.2. La gouvernance territoriale

2.2.3. Le vivre-ensemble

Le vivre-ensemble est un concept qui, selon René Muller, tire sa base sur « le village idéalisé » (Muller, 2008 : 226). Il cherche par ce procédé à promouvoir la création et la consolidation de liens entre des personnes différentes, pour participer ainsi à la construction de chaque personnalité, mais aussi d’une identité commune (Muller, 2008). « Habiter, c’est toujours partager un habitat avec les autres, donc cohabiter », a écrit Jacques Lévy (2018 :

287). De ce fait, le vivre-ensemble, qui connote l’idée d’habiter à plusieurs, et donc de cohabiter, se base essentiellement sur l’égalité entre les personnes, où les individus sont regroupés comme des personnes à part entière dans le but de pouvoir organiser, ensemble, une société qui met de l’avant cette notion même (Figure 6). Il est primordial dans cette conception que l’intégration soit continuelle, pour ainsi bonifier le bien-être de chaque individu (idem). La vie au quotidien doit être exploitée au maximum à travers des échanges et des liens à tisser entre tous, dans le cadre de certains moments de la journée, ou activités, en un même lieu. Il décrit l’ensemble des actions qui font que l’on puisse vivre en paix avec les personnes de la communauté, ou des communautés voisines (Ravary, 2016). En fait, il est important de parvenir à créer des débats permettant à tous les individus de confronter leurs idées sans qu’aucun n’ait plus de légitimité qu’un autre, et de construire des espaces d’implication (Lelièvre, 2007). Grâce à ces débats où l’écoute mutuelle est mise de l’avant, les individus apprennent à dépasser leurs propres intérêts pour parvenir à la défense ou à la promotion d’un projet commun ainsi qu’au maintien d’une vie sociale attrayante (idem). Le caractère intergénérationnel est aussi à prendre en considération, du fait que les aînés pourront à travers leurs vécus, éduquer ou du moins informer les plus jeunes et que les plus jeunes pourront également apporter de nouveaux faits aux aînés (Muller, 2008). Cela conduirait ainsi les communautés vers une paix certainement durable grâce à cette éducation mutuelle, ou du moins, une meilleure compréhension de celle-ci ainsi que d’une diminution de l’isolement.

Selon le Conseil national des luttes contre la pauvreté et l’exclusion sociale, l’intégration se réfère à celle d’un groupe ou d’une société quand ces derniers se sentent liés les uns aux autres par des valeurs, objectifs communs, ou encore le sentiment de participer à un ensemble renforcé par des interactions régulières (CNLE, 2014). L’insertion, quant à elle, se réfère à la participation à un système social au niveau individuel. C’est une action ou un programme qui vise à faire évoluer un individu isolé ou marginal vers une situation où les échanges avec l’environnement sont satisfaisants (idem). Dans cette configuration, il est important que les individus qui font l’objet de plans d’intégration dans la société rurale colombienne le soient de manière convaincante. Dans le cas des FARC-ep, il s’agirait donc

plus d’intégration, puisqu’au-delà des individus, ils pensent et agissent en groupe, selon leur idéologie.

C’est pourquoi le principe de proximité est l’un des concepts des plus adéquats pour faire parvenir une intégration sociale et spatiale des individus à l’étude de par son système d’entraide entre différents acteurs que l’on peut appliquer à l’échelle des communautés voisines (idem). En effet, au sens large, le principe de proximité est un concept venant du droit, théorisé par Paul Lagarde dans les années 1980. Ce principe est l’une des bases en droit international où la loi la plus juste est la loi la plus proche. Les solutions aux problèmes d’un pays sont envisagées sous la tangente des lois du pays qui présentent les liens les plus étroits avec le premier (Ballarino et Romano, 2005). Aussi, le principe de subsidiarité va en ce sens : les lieux de décisions désignés pour faire face à des problèmes doivent être désignés de manière à se rapprocher le plus proche possible de ceux-ci, des citoyens et des communautés concernées (gouvernement du Québec, 2006). Dans le cadre de ce mémoire, il serait important de s’inspirer de ce principe-là et de l’appliquer au sein des communautés concernant les différents conflits qui peuvent avoir eu lieu ou qui pourraient avoir lieu, avec néanmoins quelques modifications. Dans ce cas, l’égalité de la parole est à promouvoir, pour que chaque individu puisse donner son avis sur la meilleure solution à envisager. Cette égalité s’envisage sous la tangente de la gouvernance participative où les communautés se construisent par rapport à la territorialité via des décisions coconstruites (Bourcier, 2007 ; Muis, 2014).

Ce principe d’équité, qui découle socialement et territorialement du principe de proximité, permet d’entrevoir une communauté où n’importe quel individu est égal à un autre, peu importe son genre, son âge, sa couleur de peau, et où les menaces d’exclusion sociale et spatiale sont rédhibitoires (Verdeil, 1998). Selon le Centre National de Ressources textuelles et lexicales (CNRTL), le principe d’équité implique l’appréciation juste ainsi que le respect absolu de ce qui est dû à chacun (n.d.). Ce principe assure à tous les individus les mêmes conditions d’accès aux biens et aux services d’intérêt général. Il permet de corriger des situations d’injustice sociale et spatiale (Bret, 2015). John Rawls est l’un des précurseurs de la théorie de la justice sociale. En étant complétée par la notion d’équité d’Amartya Sen, cette théorie se base sur les principes d’une justice redistributive, où les inégalités sont

réduites au possible grâce à l’obtention de libertés et de droits fondamentaux acquis de manières équitables (capacité à jouir de ces biens (ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, France, n.d). Alors, l’équité tente de satisfaire toutes les parties d’un territoire grâce à la discrimination positive, où les plus démunis seront ceux qui bénéficieront de plus d’aide (Verdeil, 1998 ; Bret, 2015 ; ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, France, n.d.). Dans le contexte à l’étude, il est question d’aménager le territoire durablement et équitablement afin de donner à tous les acteurs les mêmes chances et les mêmes caractéristiques en matière d’accès aux habitats et aux services. Et ce, grâce à une planification cohérente et adéquate aux besoins des communautés (Verdeil,1998). C’est ici que la question du rapport entre l’espace et la justice, de la justice spatiale, théorisée en partie par Jacques Lévy, entre en ligne. En effet, ce dernier tente de donner naissance au domaine de la géographie, de la justice qui avait déjà été évoquée plus haut via la pensée de John Rawls. Par « justice », il entend principalement la « dimension du politique portant sur les relations souhaitables, légitimes et mutuellement compatibles entre les différentes composantes d’une société (individus, collectifs, organisations) » (Lévy et al., 2018 : 316). Par « espace », il entend des « environnements ou agencements spatiaux (lieux, territoires, réseaux, à différentes échelles) qui conditionnent l’action humaine tandis que les « spatialités » sont des ensembles d’actions mises en œuvre par toutes espèces d’acteurs, et d’autres opérateurs, qui interagissent dans une société » (Lévy et al., 2018 : 312). Ainsi, Jacques Lévy introduit une dimension spatiale à la théorie de la justice, qui met en perspective une nouvelle possibilité de résoudre les problèmes liés à la marginalité, par la prise en compte des biens premiers spécifiques à chaque groupe et à chaque individu de manière à les inclure dans la société.

Figure 6 Intégration, insertion, inclusion

Crédit : Irina Dziura, 2019