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Adéquation des provisions de l'État avec les besoins des populations marginalisées

4. Présentation des résultats

4.1. Mécanismes gouvernementaux en faveur de l'établissement durable des populations

4.1.1. Adéquation des provisions de l'État avec les besoins des populations marginalisées

Dans le but de clarifier en partie les prévisions principales de l’État colombien en lien avec le travail de recherche et de vérifier si celles-ci ont été mises en application, un tableau

comparatif a été réalisé à partir des concepts clés, grâce notamment aux médias locaux ainsi qu’aux entrevues réalisées sur place.

Tableau 4 Tableau comparatif entre les prévisions en adéquation avec les Accords de paix et les faits

Concepts clés Provisions Conséquences dans les faits

Gouvernance territoriale (locale)

- Autonomie de gestion des intérêts des communautés (Droits des collectivités territoriales) - Constitution de 1991 + PND de 2015 et 2019 + Réforme agraire - Encourager la compétitivité, le développement humain et l'intégration ainsi que la connectivité du territoire - Diminuer les écarts socio- économiques et politiques entre les villes et les campagnes (pauvreté, éducation, violence...)

- Pouvoir dont les groupes armés illégaux se sont emparés par force ou par la corruption (alliances entre leaders politiques et /ou économiques avec ces groupes) (Blanquer, 2017 ; Grajales, 2016)

- Déplacements forcés dus à la violence : amplification de la pauvreté dans les milieux ruraux et en périphérie urbaine (Grajales, 2016 ; Gandilhon, 2011)

Établissement humain des populations marginalisées

- Mise en place des ZVTN / PTN pour le dépôt des armes et la réinsertion des anciens combattants des FARC - Mise en place de

programmes d'aide pour les déplacés du conflit

- Certaines zones ou points n'étaient pas efficaces = désertification de ces lieux (Dos Santos, 2017; Entretien avec Angel Tuiran, 2018). - Inefficacité des programmes mis en place, car peu connus du public, et manque d'accès équitable dans toutes les régions (Entretien avec Fernando Giraldo, 2018)

Durabilité (maintien de la paix et développement durable)

- 10% du PIB national consacré au maintien de la paix (accords de 2016)

- Atteinte des objectifs sociaux du PND (Santé, éducation, équité, emploi...)

- Promotion de

l'environnement et des aires protégées

- Seulement 0,8% avec le nouveau gouvernement pour 2020 (Nabli, 2019)

- Diminution des aides sociales, recul de l'âge de départ à la retraite, diminution du salaire minimum

- Corruption dans le domaine de l'éducation

- Manque d'investissement dans le domaine de la santé - Manque de sécurité dans plusieurs territoires (nombre d'assassinats de leaders sociaux en augmentation, dissidence, BACRIM, ELN...) - Implications citoyennes et entrepreneuriat en faveur des OMD - Conscientisation citoyenne de la nécessité de protéger l'environnement (Entretiens 2018-2019 ; Indepaz, 2020)

Grâce à ce tableau comparatif, nous pouvons constater que, du point de vue de l’habitat et de l’établissement durable des populations marginalisées en raison du conflit armé, les provisions du gouvernement Santos n’ont pas réellement été mises en œuvre. Les accords de paix impliquaient notamment un arrêt de la violence, une diminution des écarts socio-économiques et encourageaient l’intégration des populations marginales. Cependant, nous avons pu remarquer que les groupes armés illégaux se sont emparés des territoires anciennement contrôlés par les FARC par force ou corruption. Le narcotrafic et la quête de pouvoir via le contrôle des terres restent deux des principaux facteurs maintenant les épisodes de violences, visant notamment les plus marginaux (autochtones et anciens combattants des FARC) et les leaders sociaux.

Aussi, la mise en place des ZVTN et des PTN21 pour faciliter la réinsertion des

anciens combattants des FARC n’a pas été efficace et a engendré la désertion de ces lieux ou n’a fait qu’accentuer le sentiment de marginalité des populations cibles déjà vulnérables. D’ailleurs, lors d’une rencontre à Minca, un petit village dans les montagnes de la sierra Nevada de Santa Marta, la fille d’un propriétaire terrien évoquait le fait que de nombreuses familles avaient dû quitter leurs terres, de manière volontaire pour être en sécurité ou éviter

que les jeunes hommes ne soient recrutés, ou encore de manière forcée. Malgré cela, plusieurs chercheurs spécialistes du conflit et des déplacés locaux étaient d’accord pour dire, en reprenant les mots de cette dernière, « que c’est plus des paras qu’il fallait avoir peur ». Les membres des FARC eux s’en prenaient surtout aux autorités locales, représentants de l’État ou des forces de l’ordre, aux personnes à hauts revenus et grands propriétaires terriens.

Quant à la durabilité (objectifs sociaux, environnementaux et politiques), le Gouvernement Duque n’a alloué que 0,8% du PIB national pour le maintien de la paix (contre une provision de 10% du gouvernement précédent), les aides sociales ont régressé (recul de l’âge du départ à la retraite, diminution du salaire minimum, corruption dans le domaine de l’éducation, manque d’investissement dans le domaine de la santé, manque de sécurité dans certains territoires...) (Nabli, 2019). Ce n'est certes pas un indicateur suffisant pour établir le fait que le gouvernement n'est pas suffisamment investi dans la mise en application des accords de paix, cependant, cela met en perspective l'idée d'un réel manque de volonté. Malgré le grand potentiel de développement dont la Colombie fait preuve d'un point de vue économique globale, le bien-être des populations déjà marginales avant le conflit, ainsi que nouvellement laissées de côté, ainsi que la consolidation de l'effort de paix restent discutable. Il existe cependant des programmes de développement (PND 2018-2022) qui sont en cours d'application, et il serait donc intéressant d'attendre la fin de ce mandat pour faire un retour sur les propos énoncés précédemment. Toutefois, plusieurs auteurs locaux dont Angel Tuiran Sarmiento sont d’accord pour affirmer que le maintien de la paix et la fin de la violence en Colombie ne dépendent pas la mise en œuvre centralisée de l’Accord de paix, ni d’une totale décentralisation du pouvoir, mais bien du renforcement de la démocratie locale, de la participation citoyenne et des capacités administratives locales qui conduirait à la construction d’un état de droit fiable (Sarmiento, 2017 : 99).