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4. Présentation des résultats

4.1. Mécanismes gouvernementaux en faveur de l'établissement durable des populations

4.1.2. Réforme rurale intégrale (RRI)

Avec la mondialisation et l’augmentation démographique, la malnutrition ou la sous- nutrition ont eu tendance à s’inscrire dans le quotidien de nombreuses personnes sur la planète, notamment dans les pays du Sud, et c’est pourquoi l’Organisation des Nations unies,

ainsi que plusieurs organisations internationales, a le désir de procéder à un développement des communautés rurales pour favoriser un accès aux services de base ainsi que l’économie locale. De ce fait, il est espéré de lutter contre la faim, l’extrême pauvreté et de renforcer le partage (Banque mondiale, 2017).

En comparaison à d’autres secteurs, le développement rural et agricole permet d’augmenter les revenus des plus démunis, ou du moins de subvenir à leurs besoins. Liisa L. North et John D. Cameron, dans leur ouvrage Rural progress, Rural decay datant de 2003 et portant sur l’Amérique latine, définissent le développement comme étant, entre autres, un progrès vers l’équité et le respect des droits de la personne tout en facilitant un développement économique rural ainsi que d’autres activités économiques pour diversifier les sources de revenus et permettre un développement rural et local. Cela contribuerait à la diminution des migrations illégales, de la violence et de la propagation du narcotrafic (North et Cameron, 2003). Ainsi, les régions menacées par l’exode rural se verraient revitalisées et la pauvreté se verrait diminuée (Côté, 2000). En plus de la nécessité de nourrir les populations, le développement rural s’inscrit de plus en plus dans une démarche de développement durable, par le biais de processus d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (Banque mondiale, 2017). Grâce au développement rural durable, des mesures d’utilisation des sols écoresponsables et l’amélioration des moyens de subsistance pourront également créer des emplois de meilleure qualité, accessibles à tous (aînés, jeunes, femmes, hommes...), stimuler le développement de l’agriculture en constituant des chaînes de valeurs inclusives et productives, renforcer la sécurité alimentaire ainsi que la production d’aliments sains, nutritifs, et en quantité suffisante (Idem).

Dans cette configuration, les programmes de développement rural sont fondés sur les besoins de leurs territoires et des populations qui les habitent pour favoriser la viabilité et la compétitivité de tous les types d’agriculture, pour promouvoir l’organisation de la chaîne alimentaire ainsi que le bien-être des écosystèmes et pour promouvoir l’inclusion sociale, la diminution de la précarité et le développement économique (Commission européenne, 2016). De par l’assemblage des savoirs collectifs, la création ou le maintien d’un sentiment

territoires, le développement rural et local devient durable et viable (Côté, 2000 ; Campredon, 2007 ; Brassard et Gagnon : 2000).

Le développement local quant à lui est un processus qui utilise des initiatives locales pour le développement économique. C’est un processus de « diversification et d’enrichissement des activités économiques et sociales sur un territoire d’échelle locale réalisé à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources matérielles et immatérielles » (Santamarina, n.d).

Dans le cas d’un territoire rural, ainsi que de l’attraction qui peut s’en dégager, les communautés locales sont les éléments factuels d’un développement ascendant. Le développement local cherche à se nourrir le plus possible de l’implication et de la participation des habitants, et « conçois le développement comme le résultat de transformations intérieures de l’Homme » (Denieuil, 2008 : 114-115). On entend par là le fait que si les êtres humains n’évoluaient pas dans leur manière d’appréhender leur environnement, on ne pourrait pas parler de développement, étant donné qu’un développement nécessite un changement. Ce procédé permet l’agrégation des ressources humaines aux prises de décision qui sont, à la base, gouvernementales et qui deviennent ici locales. Cela permet ainsi de gérer leur propre développement économique sur leur territoire. Le Père Labret (1945) parlait de « négociations locales » entre l’ordre politique et économique et les citoyens, acteurs de ce développement (Denieuil, 2008). La communauté locale se voit octroyer le droit de définir ou de négocier ses objectifs de développement et se voit développer entre citoyens la même croyance en la possibilité d’un « développement localisé harmonieux et réconciliateur de l’homme et de ses conflits » (Denieuil, 2008). La promotion et l’application d’un développement local facilitent l’inclusion, la création de liens et ainsi le maintien de la paix.

En ce sens, le gouvernement colombien a souhaité mettre en place par le biais de la réforme rurale, en 2016 lors des accords de paix avec les FARC (Agence de rénovation du territoire, 2017) :

- Une approche genrée, où les femmes sont considérées comme citoyennes à part entière et ont de ce fait accès, au même titre que les hommes, à toutes les activités de formation, infrastructures, services, financements, etc. pour cultiver des terres ;

- L’éradication de la pauvreté ainsi que la pleine satisfaction des besoins nécessaires au bien-être et aux bonnes conditions de vie ;

- La priorisation aux populations et territoires vulnérables dans l’application de la politique de développement agraire ;

- L’assurance de la productivité moyennant des programmes d’accompagnement à l’accès à la terre avec innovation, science et technologie et autres moyens de production qui permettent d’y ajouter de la valeur, ainsi que l’assurance d’opportunité de bien-être par l’accès aux biens publics (santé, éducation, habitat, infrastructures et connectivité) ; - Le rétablissement des droits des victimes déplacées ;

- Le droit à l’alimentation, c’est-à-dire que la politique de développement agraire intégrale doit être orientée vers l’assurance que tout le monde a accès progressivement à une alimentation saine et adéquate ;

- La participation des communautés pour une transparence institutionnelle ;

- Être bénéfique pour la majeure partie des populations, et maintenir ses effets dans chaque projet et région ;

- Que la RRI22 soit socialement et environnementalement durable et requiert la protection

et la promotion de l’accès à l’eau dans une conception ordonnée du territoire ;

- La présence de l’État efficace et complète pour la construction d’une paix stable et durable ;

- La démocratisation de l’accès et l’utilisation adéquate de la terre, c’est-à-dire la mise en place de mécanismes qui garantissent et permettent que la majeure partie des citoyens des milieux ruraux sans terres ou avec terres insuffisantes peuvent avoir y avoir mieux accès.

Dans le cadre de la RRI, des Programmes de Développement avec Approche territoriale23 ont été mis en place pour miser sur le développement et la transformation des

milieux ruraux qui ont été les plus affectés par le conflit armé, par l’absence partielle ou totale d’implication étatique, par la pauvreté et par l’économie illicite. Les PDET concernent 170 municipalités (et leurs 11 000 « veredas »), groupées en 16 sous-régions. Cela représente environ 36% du pays et concerne près d’un quart de la population rurale, soit 6,6 millions de personnes.

D’après l’Agencia de renovacion del territorio24 (2017), ), ils se construisent, à partir de la

RRI, selon huit piliers :

- Ordre social de la propriété rurale e de l’utilisation des terres ; - Infrastructures et adaptation des terres ;

- Santé rurale ;

- Éducation rurale et de la petite enfance ;

- Logement, eau potable et assainissement de base ; - Relance économique et productivité agricole ; - Garantie progressive du droit à l’alimentation et - Réconciliation, coexistence et consolidation de la paix.

Plus clairement, il s’agit d’apporter des interventions cohérentes avec la réalité sociale, politique et économique des territoires, qui seront flexibles et intégrales et qui incluront l’ensemble des populations ciblées.

On remarque ici, une nouvelle fois, que le Gouvernement Santos a mis en place de nombreux moyens de venir en aide aux populations les plus vulnérables en milieux ruraux, et ainsi prévenir le conflit et stabiliser la paix. Cependant, depuis l’élection d’Ivan Duque en 2018, les programmes de ce genre-là sont de moins en moins mis de l’avant ou obtiennent moins de financement (Le Monde, 2018). Durant sa campagne présidentielle pour les élections de 2018, Ivan Duque, fervent associé d'Alvaro Uribe, a témoigné sa volonté de rediscuter les accords de paix à travers de nombreuses promesses notamment concernant l'impunité des complices de la violence par le biais du trafic de drogues principalement actif dans les milieux ruraux (idem). Comme nous pouvons le constater (Figure 16), les principales 24 Agence de renouvellement du territoire.

zones d'exploitation de la coca se trouvaient en 2006 dans les milieux ruraux contrôlés par les groupes armés illégaux (majoritairement les FARC-ep, paramilitaires et ELN). Depuis le dépôt des armes des FARC, les territoires qu'ils contrôlaient ont été la proie des autres groupes illégaux et renforcent le sentiment d'insécurité dans ces régions. C'est sur ce que s'appuie le Gouvernement Duque pour faire valoir son désir de rediscuter les accords.

Figure 16 Logique d'implantation des groupes armés illégaux