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Dynamique sociopolitique globale influençant l’insertion des populations marginalisées

5. Interprétation des résultats

5.1. Dynamique sociopolitique globale influençant l’insertion des populations marginalisées

Cela a permis de notamment de comprendre à quel point les espaces ruraux étaient affectés par le conflit, et a également permis de rendre compte de toutes les répercussions sociales, économiques, politiques et territoriales qui en découlent.

Pour Magnaghi, urbaniste et l’un des précurseurs de l’école territoriale italienne qui critique et repense le concept du développement durable à l’aube d’un ancrage culturel, local et économique, le développement économique s’est déterritorialisé avec la mondialisation, c’est-à-dire que les lieux où les lois économiques et politiques sont définies ne sont pas là où

les habitants sont, ni là où les territoires sont (2003). Dans ce cas, il est nécessaire de lutter contre cette uniformisation des modes économiques et de développer une économie locale où les règles sont fondées sur l’intérêt commun des communautés. Ainsi, le patrimoine sera valorisé et l’environnement préservé. Cela permet le renouvellement des caractéristiques territoriales et la reconstruction d’une identité commune pour enfin promouvoir et consolider la paix déjà établie. Même si comme vu précédemment, le gouvernement colombien a adopté plusieurs lois visant à décentraliser le système juridico-administratif du pays, et ainsi donner l’opportunité aux collectivités locales de prendre pleine possession de leurs gestions, il est évident que des failles continuent d’exister. Les populations locales ne font plus réellement confiance aux politiques, à cause de la corruption notamment, des années de violences qui ont été ancrées dans les mémoires et à cause du manque d’intérêt de la part de l’État pour les collectivités rurales et éloignées des grands centres urbains. Ainsi, une grande partie des habitants colombiens ne s’impliquent pas dans la vie politique et collective de leurs milieux de vie de la manière espérée. En effet, ces derniers sont conscients de l'effort à fournir quant à au maintien de la paix au sein de leur communauté, et c'est pourquoi la manière dont ils appréhendent leur espace de vie et donc l'espace vécu est des plus importantes. Souvent, quand ils se sentent délaissés par l'État, en qui ils n'ont majoritairement plus confiance, les individus ont tendance à s'en remettre à leur communauté, qui leur est proche. Dans cette perspective, des systèmes de gouvernance locale qui ne sont pas réellement institutionnalisés se démarquent. Il est possible de le constater quand l'on se rend dans des territoires plus éloignés des centres urbains, comme il en a été question dans la commune de Minca, où les villageois se spécialisent dans la production d'un bien de consommation et/ou un service afin de limiter au mieux la concurrence. Cela fonctionne dans certains endroits, et pas d'en d'autres, et ces échecs peuvent être le résultat de plusieurs facteurs : la corruption, la violence, le désintérêt, etc. Cependant, c'est là où le rôle de l'État se présenterait comme un réel outil. En effet, suivant la pensée de Magnaghi, la décentralisation de la gestion territoriale vers les milieux ruraux pourrait permettre une gouvernance locale adéquate et institutionnellement acceptable et pourrait également garder un œil sur les dérives illégales dont ces territoires en sont les terrains idéaux.. Aussi, une gouvernance locale appropriée et bien gérer permettrait de mettre en application, du mieux possible, les différents programmes nationaux financés

territoriale, il serait possible d'apercevoir un futur environnement sain et préserver et donc durable. Il convient ici de fournir un réel effort des deux bords en question c'est-à-dire, des communautés rurales, et du gouvernement colombien.

De plus, par le biais des Accords de paix de 2016, l’État était supposé accompagner les locaux, vétérans des FARC et victimes du conflit dans un processus de réinsertion en leur garantissant des terres à cultiver, la substitution des cultures illicites en cultures légales, et surtout en leur garantissant la sécurité. Cependant, le Gouvernement Duque, ouvertement opposé aux accords de paix avec les FARC a fait preuve d’une absence générale dans les territoires anciennement contrôlés par la guérilla. Ainsi, d’autres groupes armés illégaux se sont emparés de ces régions-là, par la force ou par la corruption des leaders locaux, et cela a conduit à une contre-productivité des accords, non seulement parce que la violence est toujours présente, mais aussi parce que les communautés sont toujours sous l’emprise de groupes illégaux et ne bénéficient donc pas de ce que les accords auraient pu leur apporter de positif. De plus, les habitants de ces territoires ont encore trop souvent recours à l'exode rural, en s'éloignant des régions dangereuses, où la violence règne. C'est pourquoi la question de la durabilité de l'habitat est à nuancer. Si le gouvernement prenait davantage à cœur son rôle de protecteur de la Nation, les individus auraient la possibilité de s'établir, durablement, et n'importe où. Or, les trafics de drogues se maintiennent, et la violence persiste. Pourtant, l’État s’était engagé à faire disparaître ou du moins réduire drastiquement les cultures illicites et réduire ainsi les conséquences plus que néfastes du narcotrafic sur les populations locales, sauf que nous avons pu constater que c’est le contraire qui arrive. Les productions de coca sont en constante augmentation, les cartels mexicains s’allient aux groupes illégaux encore présents en Colombie (ELN, BACRIM, dissidents des FARC), tout comme les assassinats de leaders sociaux et politiques, de vétérans des FARC ou d’agriculteurs qui ont pu récupérer leurs terres. Ce qui porte à réfléchir sur la gouvernabilité de l’État colombien qui démontre ses défaillances. De plus, les migrations vénézuéliennes récentes, et de plus en plus importantes ne font que renforcer la difficulté d'intégrer équitablement l'ensemble des résidents de la Colombie. Il s'agit ici de réfléchir à la meilleure manière de gérer cet immense flux de population (immigration, migrations internes, exode rural...). Il est évident que le défi reste difficile pour un pays qui a connu de nombreux épisodes de violence, cependant il est

possible de constater que l'éducation reste un des outils des plus adéquats quant à l'intégration des populations les plus vulnérables, ainsi qu'au maintien de la paix. En effet, l'exemple de l'EIT de Santa Marta est remarquable de par sa volonté de contribuer à l'établissement durable des populations marginalisées autant du point de vue de leur habitat, que de leur emploi ou que de leur identité. Même si le climat en Colombie reste mitigé quant à la sécurité des populations déjà marginalisées pour des raisons ethniques, politiques, sociales ou de genre, certains des plus courageux continuent de se battre pour les droits de l’Homme et pour le maintien de la paix en Colombie.

De ce fait, la dynamique sociopolitique colombienne pourrait faciliter l’insertion des populations marginales sur le papier, cependant, un manque de réelle volonté étatique freine le bon déroulement des accords et donc le développement économique et politique des petites et moyennes collectivités. Malgré un grand potentiel quant à la pérennité des accords de paix, la Colombie fait progressivement face à un retour de la violence, de par la violence, le narcotrafic, la corruption, etc. Les tentatives du gouvernement pour développer économiquement les milieux ruraux, les populations ont encore tendance à migrer vers les grands centres urbains, du fait de la persistance de la violence (Figure 28).

Figure 28 Migrations internes récentes : interdépartementale

Source : Gouvernement de Colombie, 2018

Ajoutons à cela, l’appel à reprendre les armes d’Ivan Marquez, « numéro deux » de la guérilla des FARC, et négociateur de l’accord de paix signé en 2016 à La Havane (Delcas, 2019). En effet, celui-ci accuse le Gouvernement Duque d’avoir trahi les accords, en ne les respectant pas (lien internet en annexe). Il a appelé les vétérans des FARC à reprendre les armes, dans une vidéo postée sur le site internet YouTube le 29 août 2019, affirmant que les Forces n’ont « jamais été vaincues militairement ni idéologiquement » (Delcas, 2019).

Ainsi, l’insertion des populations marginalisées reste incertaine, malgré une certaine volonté de s’intégrer.

5.2. Le tourisme durable comme outil de préservation de la paix et