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Notre démarche consiste à élaborer, à partir d'un questionnement préalable, des hypothèses de recherche s'inscrivant dans un cadre théorique et d'en éprouver la validité au travers d'une confrontation avec des données collectées sur le terrain.

Nous avons conscience qu'une telle démarche n'est pas approuvée par tous les agents dans le champ de production des sciences sociales, certains sociologues refusant de formuler des hypothèses de recherche invoquant les risques de biais (les hypothèses induiraient les résultats). Nous pensons qu'une recherche dépourvue de toute hypothèse n'existe pas et qu'il vaut mieux que celles-ci soient clairement formulées au lieu de rester à l'état implicite. Nous souscrivons totalement aux propos de P.Bourdieu, J.C.Chamboredon et J.C.Passeron lorsqu'ils affirment: "Refuser la formulation explicite d'un corps d'hypothèses fondé sur une théorie, c'est se condamner à engager des présupposés qui ne sont autres que les prénotions de la sociologie spontanée et de l'idéologie, c'est-à-dire les questions et les concepts que l'on a en tant que sujet social lorsqu'on veut ne pas en avoir en tant que sociologue" (1).

(1) Bourdieu, P., Chamboredon, J.C., Passeron, J.C., Le métier de sociologue, 2e édition, Paris, éd. Mouton, 1973, p.S8.

"Avant tout, il faut savoir se poser des problèmes. Et quoi qu~n en dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes. C'èst précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse àune question. S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne ya de soi. Rien n'est donné. Tout est construit."

(Gaston Bachelard) (2)

Ainsi, les hypothèses de recherche sont des réponses aux questions que s'est posées le chercheur. La qualité d'une recherche est donc liée à la qualité des questions posées. La nature de celles-ci varie en fonction de la perspective théorique adoptée et des conditions de production.

Dans le processus d'élaboration des questions, le chercheur se trouve confronté à une menace permanente: ne pas réussir à se dégager des "notiones vulgares". Ces "praenotiones" sont des "idola, sortes de fantômes qui nous défigurent le véritables aspect des choses et que nous prenons pourtant pour les choses elles-mêmes" (3). Durkheim constate que ces pré-notions se retrouvent à

chaque instant dans la trame des raisonnements. Ceci ne peut qu'inciter le chercheur à adopter une vigilance épistémologique tout au long de sa démarche: "L'épistémologie ne se situe pas

avant

la science (refus de toute procédure de fondation), ni au-dessus de la science (refus de tout jugement a priori de vérité), elle se doit de suivre et d'accompagner la démarche du savant" (4). Dans les

(2) Bachelard, G., La formation de l'esprit scientifique, Paris, Vrin, 7e édition, 1970, p.14.

(3) Durkheim, E., Les règles de la méthode sociologique, Paris, éd. Alean, 1927, cité par Bourdieu, P., Chamboredon, J.C., Passeron, J.C., op.cit., p.126-127.

(4) Péquignot, B., Pour une critique de la raison anthropologique, éléments d'épistémologie des sciences humaines, Paris, éd. L'Harmattan, 1990, p.109.

sciences sociales, ceci est d'autant plus vrai que le risque est grand de se laisser séduire par "les évidences aveuglantes qui procurent à trop bon compte l'illusion du savoir immédiat et de sa richesse indépassable" (5kLe questionnement doit

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s'inscrire en rupture avec les opinions communes que- véhicule la sociologie spontanée. Comme le soulignait G.Bachelard, "la science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolumentà l'opinion" (6).

Nous tenons à souligner que, si les questions que nous nous sommes posées peuvent refléter notre trajectoire dans le champ (nous avons néanmoins essayé de mettre à distance nos opinions et croyances) ainsi que la perspective théorique retenue (le choix d'une approche socio-économique induisant une certaine vision des organisations) (7), elles n'ont en aucun cas été dictées par une demande externe. Si la demande sociale peut faciliter la réalisation matérielle d'une étude en procurant des ressources financières, elle a dans bien des cas une influence négative d'un point de vue épistémologique. Il existe en effet un risque de voir le chercheur se transformer en ingénieur social fournissant des recettes aux dirigeants (8). C'est ce que dénonce Pierre Bourdieu lorsqu'il écrit: "Une bonne partie de ceux qui se désignent comme sociologues ou économistes sont des ingénieurs sociaux qui ont pour fonction de fournir des recettes aux dirigeants des entreprises privées et des administrations. Ils offrent une rationalisation de la connaissance pratique ou demi-savante que les membres de la classe dominante ont du monde social" (9).

(5) Bourdieu, P., Chamboredon, J.C., Passeron, J.C., op.cit., p.27. (6) Bachelard, G., op. cit., p.14.

(7) "Le point de vue crée l'objet" selon Saussure.

(8) les travaux de recherche en sodo-économie des organisations ne sauraient se confondre avec des missions confiées àdes consultants en organisation.

servant de cadre de référence à cette recherche. Notre approche socio- économique des organisations nous conduit à nous interroger sur les propriétés

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sociales des différents agents qui y occupent une position;-sur la manière dont ces organisations sont gérées, sur l'influence des habitus des décideurs sur la stratégie adoptée, etc.

Ainsi, une première série de questions concernent les agents présents dans l'univers associatif étudié :

Existe-t-i1des différences au niveau des propriétés sociales possédées par les clients-membres de l'organisation fédérale en fonction de la discipline sportive pratiquée?

A l'intérieur d'une même pratique, les différentes modalités renvoient-elles à

des différences sociales?

Les producteurs de pratique que sont les enseignants de patinage constituent-t-ils un corps homogène?

Qui sont les dirigeants nationaux de la Fédération Française des Sports de Glace? Observe-t-on des variations au niveau des propriétés sociales possédées par ces agents en fonction des disciplines?

Existe-t-il un rapport d'homologie entre l'espace des positions sociales et le sous-espace du patinage sur glace?

Peut-on parler de "patinage sur glace", "d'enseignants de patinage", "de dirigeants de patinage", "d'identité fédérale"?

Ces dénominations ne font-elles pas qu'entretenir l'illusion de l'unité d'un univers associatif regroupant des pratiques fort différentes fonctionnant comme des champs distincts?

Dans la perspective socio-économique retenue, nous sommes également amenésà envisager le fonctionnement des organisations étudiées:

Comment s'effectue la sélection des dirigeants nationaux? Comment ceux-ci gèrent-ils les comités dont ils ont la charge?

Est-il possible de mettre en évidence des différ~nces au niveau des stratégie, structure, mécanisme de prise de décision et identité en fonction des comités sportifs nationaux?

Si des différences existent, comment peut-on les expliquer? La prise en compte des habitus des dirigeants et de la logique des champs permet-elle d'en rendre compte?

B -

Hypothèse principale

Cette hypothèse constitue une réponse provisoire aux questions posées.

En référence à la théorie systématique de l'habitus et du champ de Pierre Bourdieu et en nous appuyant sur les travaux réalisés par Christian Pociello concernant l'Espace des sports, nous nous proposons de montrer qu'il existe un rapport d'homologie entre les différentes disciplines et les propriétés socio- culturelles des pratiquants, des enseignants et des dirigeants dans l'espace du patinage sur glace.

En utilisant le grille d'analyse de Politique générale d'entreprise élaborée par l'équipe des professeurs du Département Stratégie et Politique d'Entreprise du

processus de prise de décision et identité des instances fédérales gérant le patinage sur glace. La prise en compte des propriét~s socio-culturelles des

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dirigeants, de leur habitus, contribue àexpliquer les différences observées.