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1) L'esthétisme des pratiques

Nous avons demandé aux agents de classer par ordre décroissant les pratiques suivant "la beauté".

Nous avons pu constater que:

- Aucun enseignant n'a placé sa discipline en dernière position, les agents craignant probablement qu'une telle attitude (s'investir dans une pratique que l'on considère comme étant la moins esthétique) soit interprétée comme "un manque de goût".

- Tous les agents à l'exception des entraîneurs de hockey (et de M E.L. ne s'étant pas prononcé à ce sujet) estiment que le hockey est la discipline la moins esthétique.

Mme B. et M. M.L. fournissent un classement identique bien que n'ayant pas adopté les mêmes critères. Si pour Mme B. "le geste est beau quand il est fait

àfond" (ce qui peut s'expliquer par la formation qu'elle a reçue en danse moderne ou fréquemment la consigne pour la réalisation d'un mouvement est "va jusqu'au bout"), M. M.L.(Mixte) quant à lui, pense que la beauté du mouvement s'explique par un équilibre entre technique et expression, ce que M. E.L.(Danse) appelle "l'aisance".

M. C.L.(Vitesse) base exclusivement sa classification sur le critère "glisse". Ainsi, à ses yeux, la vitesse "c'est ce qu'il y a de plus pur", c'est "félin". Le patinage artistique n'est placé qu'en troisième position de par la transformation de

cirque" (1).

M. A. adoptant comme critère la technique, met-_en première position le

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hockey sur glace. Ceci està rapprocher de son opinion quant à l'importance de la technique (2). Il déclasse la danse en comparaison des autres agents (3).

2) Les choix de pratiques (4)

Nous avons demandé aux agents si, ayant la possibilité de le faire, ils désireraient ou non pratiquer: le rugby, le basket, le judo, l'aïkido, la danse (classique, moderne), le patinage de vitesse, le patinage artistique, la danse sur glace, le hockey sur glace.

On peut constater un rejet du rugby de la part des enseignants d'artistique et de danse, ce qui n'est pas le cas des autres éducateurs sportifs interrogés. Cette position peut renvoyer au "sentiment de haute dignité de leur personne" qu'ont ces agents "excluant qu'ils puissent jeter leur corps dans des combats obscurs" (5). Dans leurs pratiques, le corps est expressif, il n'est pas instrument mais signe.

Si Mme B. rejette également la pratique du hockey, en précisant: "Je comprends qu'il y ait des femmes attirées par ça. Si elles le veulent, il faut les

(1) Annexe 4 G 1: En avançant cet argument il s'oppose à Christian Pociello qui affirme que le patinage artistique est le paradigme des sports de gOsse. Pociello, C.; op. cil., p.193.

(2) Annexe 4 C 2: "En hockey (...) le problème c'est d'allier le patinage avec quelque chose de technique: le maniement de crosse. Ily a de bons patineurs qui ne sont pas de bons joueurs." (3) M. A.(Hockey), en tant que spécialiste des 'echniques du CX:>Ips", semble apprécier davantage les domaines où il peut de lui-même repérer le niveau des savoir-faire, reprochant àla danse de ne pas permettre d'établir des classement entre concurrents: "ça se ressemble tellement".

(4) Annexe 4 G 2.

(5) Bourdieu, P., La distinction, critique sociale du jugement, Paris, éd. de Minuit, 1979, p.240 et

laisser faire!" (marquant ainsi son goût comme étant le "dégoût du goût des autres" (6)), ce n'est pas le cas de Messieurs M.L. et E.L, ces derniers étant beaucoup plus modérés. Tout se passe comme si, dans I~ cas présent, l'utilisation de patins conférait un statut particulier à cette discipline--(pourtant fréquemment comparée au rugby).

Les entraîneurs de hockey, de leur côté, n'ont pas la même vision des choses. Au-delà des explications avancées, il semblerait que ce soit le caractère "esthétique" du patinage artistique et de la danse sur glace renvoyant à des valeurs "féminines" qui détournent les hockeyeurs de ces pratiques En effet, M. B.L. rejette l'artistique car "ce n'est pas un jeu" mais un peu plus loin choisit le patinage de vitesse.

M. B.L. paraît être un "véritable sportif rugueux" (7) quoique doté d'un capital économique et culturel assez élevé: il a pratiqué le rugby, rejette le basket car les contacts y sont interdits, etc. En fait, il subit le poids de la tradition familiale (son père a pratiqué la boxe).

M. A.(Hockey), joueur de tennis classé, ne semble pas véhiculer les valeurs exigées par la pratique "des sports collectifs de combat" (entre autre la disposition à la violence). Contrairement à M. B.L., il n'est pas attiré par le rugby et ne désire pas pratiquer le judo, estimant "faire déjà un sport de contact". Les opinions qu'il émet nous permettent de saisir la façon dont il conçoit sa fonction: "rendre le jeu moins violent."

Pour comprendre les propos de M. C.L., il est nécessaire de prendre en compte son capital corporel dont la dimension technique reflète sa trajectoire

(6) Bourdieu, P., op. eit.

(7) Podello, C., "Les éléments contre la matière, Sportifs "glisseurs" et sportifs "rugueux"", Esprit, février 1982, p.19-32.

aversion pour tous les sports de cotation ("sports appréciés"). Il estime en effet avoir "subi des injustices". S'il est attiré par l'aspect Gollectif, il juge le rugby décevant à un certain niveau (il remet en cause les processus de sélections). Enfin, il estime que le basket et la danse moderne constituent des activités utiles pour le patineur de vitesse.

Le goût de Mme 8.(artistique) pour les activités physiques semble s'expliquer par son appartenance à une famille sportive. En effet, ses parents, d'un milieu aisé, pratiquaient des activités en rapport avec leur condition : son père l'équitation, sa mère la danse classique.

Mme P. nous avoue avoir été attirée étant plus jeune par des pratiques telles que le rugby ou le hockey. Elle ne rejette pas pour autant le danse "ça m'a tenté, mais j'ai pas le style". En fait, sa morphologie l'a détournée des pratiques "artistiques" pour l'orienter vers des sports athlétiques: "En A.S.S.U. (Association du Sport Scolaire et Universitaire), on me faisait toujours faire du lancer de poids. J'étais aussi dans l'équipe de hand".