• Aucun résultat trouvé

La Théorie de l’Identification de l’Action (Vallacher & Wegner, 1987)

2. Cadre théorique

2.4. Perturbation du contrôle de l’action

2.4.1. La Théorie de l’Identification de l’Action (Vallacher & Wegner, 1987)

une action est représentée selon une structure hiérarchique, d’un bas niveau d’identification vers un haut niveau d’identification. Le bas niveau d’identification de l’action indique que nous voyons l’action en termes de « comment » elle a été accomplie. Ainsi, nous nous focalisons davantage sur les aspects procéduraux de l’action et sur les gestes moteurs pour la traiter. Le haut niveau d’identification de l’action caractérise l’action en termes de

« pourquoi » elle est réalisée. De ce fait, lors du traitement d’une action, nous nous focalisons davantage sur les buts, les effets et les conséquences de cette action. Si nous prenons par exemple l’action d’allumer un four et si nous nous représentons l’action selon un bas niveau d’identification de l’action, alors nous identifions l’action comme « régler le bouton de température ». En revanche, si nous nous représentons l’action selon un haut niveau d’identification de l’action, alors nous reconnaissons l’action comme « préparer un repas ».

D’après Vallacher et Wegner (1987), l’identification d’une action par une personne est sous-tendue par trois principes théoriques.

Premièrement, « une action est toujours maintenue par son identification dominante3 » (Vallacher & Wegner, 1987, p. 4). Ce principe postule que chacun d’entre nous a une certaine idée en tête de ce que nous sommes en train de faire ou de ce que nous voulons faire et nous utilisons cette identité comme cadre de référence pour implémenter une action, contrôler son apparition et pour réfléchir à sa réalisation. Ce postulat suggère ainsi que les personnes arrivent à maintenir une action à un certain niveau d’identification à travers le temps et en

3 Traduction libre de « […] action is maintained with respect to its prepotent identity. »

fonction du contexte. Ce maintien est utile mais il est parfois nécessaire d’opérer des changements et de modifier ses habitudes.

Ainsi, le deuxième principe énoncé par les auteurs indique que lorsqu’un bas et un haut niveau d’identification de l’action sont à disposition en même temps, il y a une tendance à ce que la personne choisisse le haut niveau d’identification de l’action. Ceci est sous-tendu par le fait que les personnes sont sensibles aux significations, aux effets, aux conséquences et aux implications qu’engendrent leurs actions. Ce principe a ses limites. En effet, si lors d’une action, une personne ne se focalise que sur le but de son action, le « pourquoi », elle pourrait en oublier les aspects procéduraux et les gestes moteurs afin d’effectuer l’action. Les auteurs découlent alors de ce raisonnement un troisième principe.

Ce dernier principe postule que lorsque l’identité d’une action ne suffit plus, la personne identifie son action à un plus bas niveau afin de la réaliser. Il est nécessaire de se focaliser sur des aspects de plus bas niveau, des aspects procéduraux et moteurs dans le but de mener à bien une action.

Les trois principes énoncés expliquent la variabilité chez les personnes dans l’identification d’une action. Bien qu’il existe des identifications dominantes, les actions sont à même d’impliquer des changements : soit en favorisant un haut niveau d’identification de l’action, soit en favorisant un bas niveau d’identification de l’action.

Le niveau d’identification de l’action est donc variable suivant les personnes, en fonction de comment elles perçoivent leurs actions et de comment elles réagissent par rapport à celles-ci. Selon Vallacher et Wegner (1987), cette variation dépend de trois facteurs principaux que sont le contexte d’une action, la difficulté d’une action et l’expérience pour accomplir une action.

Premièrement, la représentation d’une action dépend du contexte. En effet, une même action peut être perçue de manière différente selon la TIA, en fonction des indices mis en évidence par le contexte. Par exemple, « résoudre un problème de mathématiques » peut être identifié comme « faire du calcul mental » dans un certain contexte, et comme « montrer mes compétences en mathématiques » dans un autre contexte. Ainsi, le contexte peut amener une personne à identifier une action selon un bas niveau ou selon un haut niveau d’identification de l’action.

Deuxièmement, la difficulté d’une action influence le niveau d’identification de l’action. Assurément, selon si l’action à réaliser est perçue comme difficile ou facile, le niveau variera. Plus une personne perçoit une action comme difficile, plus elle aura tendance à

adopter un bas niveau d’identification de l’action. Dans leur article, Vallacher et Wegner (1987), mettent en évidence cinq sous-facteurs appelés « indicateurs de maintien », qui influencent la difficulté d’une action : la difficulté de réalisation de l’action, la familiarité, la complexité, le temps pour réaliser une action et le temps mis pour apprendre une action. Si action à un haut niveau c’est-à-dire en ayant l’occasion de pouvoir montrer leurs compétences arithmétiques. La difficulté perçue d’une action est donc un facteur notable. Il est important de savoir que la perception de cette difficulté peut varier. Effectivement, une action peut être difficile dans un premier temps, mais peut devenir plus facile dans un second temps.

L’expérience est le troisième facteur influençant le niveau d’identification de l’action.

Avec l’expérience, une action identifiée à un bas niveau précédemment peut être identifiée à un haut niveau. En effet, répéter une action conduit à une automatisation de l’action. Toujours selon le même exemple, « résoudre un problème de mathématiques » avec de l’expérience accumulée au fil du temps peut permettre de passer d’une identification à bas niveau à une identification à haut niveau. Ainsi, une action perçue comme difficile devient progressivement facile après répétition, et est représentée à un plus haut niveau d’identification de l’action.

Vallacher et Wegner (1989) ont développé une échelle de mesure afin d’appréhender le niveau préférentiel d’identification de l’action chez une personne pour différentes situations. Ce questionnaire, appelé Behavior Identification Form (BIF ; Vallacher & Wegner, 1989), présente une série d’items. Chaque item correspond à une action familière (p. ex.,

« Lire »). A la suite duquel découlent deux types de descriptifs : un descriptif définissant un bas niveau d’identification de l’action (p. ex., « Suivre des lignes de caractères ») et un descriptif définissant un haut niveau d’identification de l’action (p. ex., « Acquérir des connaissances »). Pour chaque item, le participant doit choisir le descriptif qu’il pense le mieux décrire l’action énoncée. Le total du questionnaire est calculé suivant les descriptifs définissant un haut niveau d’identification de l’action. Ainsi, plus le score est haut et plus la personne tend à traiter préférentiellement l’action en termes de buts et d’effets attendus. Plus le score est bas et plus la personne tend à identifier l’action davantage en termes d’aspects

procéduraux et moteurs. Dans cet article de 1989, Vallacher et Wegner mettent en évidence que certaines personnes ont un niveau d’identification plus haut que d’autres.

Nous avons vu précédemment selon Vallacher et Wegner (1987), que bien qu’une

« action est toujours maintenue par son identification dominante », il est possible d’observer des changements suivant le contexte et la situation. Ainsi, il est possible d’induire momentanément un niveau d’identification de l’action chez une personne. Ceci est possible en créant un état mental abstrait (bas niveau d’identification de l’action) ou concret (haut niveau d’identification de l’action) chez une personne dans une situation donnée.

Cette idée d’induire momentanément un haut ou un bas niveau chez une personne a été développée plusieurs années auparavant. En effet, en 1987, Smith et Branscombe ont observé qu’un amorçage d’un haut et d’un bas niveau chez des participants était possible. Plus tard, Förster, Friedman et Liberman (2004) ont procédé à six expériences dans le but d’induire un état mental abstrait ou un état mental concret. Les participants devaient soit imaginer résoudre un problème un an plus tard (abstrait) soit imaginer le résoudre le jour suivant (concret). Les résultats indiquent que ceux qui ont été induit à un état abstrait résolvent plus de problèmes que ceux qui ont été induit à un état concret. Les auteurs concluent qu’être induit à haut niveau suscite un processus envers une représentation mentale abstraite qui améliore la créativité, car celle-ci nécessite une pensée abstraite. La même année, Freitas, Gollwitzer et Trope (2004) ont créé deux conditions expérimentales dans lesquelles ils ont répartis aléatoirement les participants. Dans la première condition, les participants lisaient un texte sur le « pourquoi » d’une action (haut niveau) et dans la deuxième condition sur le « comment » d’une action (bas niveau). Cette étape constituait la manipulation du niveau. Ensuite, les auteurs ont présenté aux participants assignés à la première condition la question « Pourquoi dois-je maintenir une bonne santé physique ? » et aux participants assignés à la deuxième condition la question « Comment puis-je maintenir une bonne santé physique ? ». Dans la première condition, les participants ont dû penser à « pourquoi » ils s’engageaient dans une certaine activité et devaient par la suite lister trois objectifs importants dans leur vie qu’ils ne pourraient atteindre qu’en améliorant et en maintenant leur santé physique. Dans la deuxième condition, les participants ont dû penser à « comment » ils s’engageaient dans cette activité et devaient ensuite fournir trois moyens pratiques et concrets afin d’améliorer et maintenir leur santé physique. Enfin, à tous les participants étaient présentées des cases alignées verticalement avec en en-tête de page « améliorer et maintenir sa santé physique ». Les participants assignés à la première condition devaient répondre dans une première case à

« Pourquoi dois-je maintenir une bonne santé physique ? ». Dans une deuxième case, ils devaient répondre au « pourquoi » de leur réponse précédente et ainsi de suite. La procédure était la même pour les participants assignés à la deuxième condition sauf qu’ils devaient répondre au « comment ». Après calcul d’un indice statistique permettant de savoir le niveau d’abstractivité des réponses, les résultats indiquent que les participants dans la première condition ont généré davantage de réponses qui reflètent un haut niveau par rapport aux sujets de la deuxième condition. Les résultats montrent donc qu’induire une représentation des actions centrée soit sur les buts et les implications, soit sur les aspects procéduraux, est possible. Suite à cette étude, Fujita, Trope, Liberman et Levin-Sagi (2006) ont validé une nouvelle procédure d’induction. Ils ont demandé aux participants de soit générer un super-ordonné d’un objet (haut niveau), soit de générer un sous-super-ordonné (bas niveau). A la suite de cela, les participants devaient choisir entre deux descriptions de situations : l’une représentait l’aspect global de la situation et l’autre son aspect procédural. Les auteurs ont confirmé leur hypothèse qui suggérait qu’un participant ayant été induit à haut niveau préférerait davantage l’aspect global de la situation qu’un participant ayant été induit à bas niveau. Toutes ces études susmentionnées montrent que nous sommes capables de modifier le niveau d’identification des individus dans un certain contexte, à un moment spécifique.

2.4.2. Lien entre niveau d’identification de l’action et symptômes de vérification