• Aucun résultat trouvé

5. Discussion

5.2. Limites et perspectives futures

Nous avons relevé plusieurs limites à notre étude. Avant tout, nos échantillons de participants auraient pu être plus grands. En effet, nous n’avions que 30 participants dans nos deux expériences, ce qui fait seulement 10 participants dans chaque condition d’induction de focalisation de l’attention (« haut » vs « bas » niveau d’identification de l’action vs contrôle).

De plus, dans l’expérience 2, l’ordinateur n’a pas enregistré les données de deux participants.

Ces participants se trouvaient être tous deux dans la condition « haut » niveau d’identification de l’action. Ainsi, les analyses se sont faites sur 28 participants, mais surtout sur huit sujets dans la condition « haut ». Ce fait, combiné à la taille de l’échantillon en général, a pu contribuer à la non significativité de certains résultats. Ainsi, pour de futures recherches, il sera nécessaire d’élargir l’échantillon dans le but d’augmenter la puissance statistique des résultats.

Au vu des données descriptives, notre tâche sur ordinateur semble trop facile. En effet, nous avons observé dans les deux expériences un pourcentage de réussite très élevé indiquant un effet plafond, et un pourcentage de vérifications très faible indiquant un effet plancher.

Ainsi, les participants n’ont fait que très peu d’erreurs et n’ont que très peu vérifié leurs productions. Ce dernier résultat a eu des répercussions sur les postulats de l’analyse de variance dans l’expérience 1 et dans l’expérience 2. Effectivement, le postulat d’homoscédasticité (homogénéité de la variance des résidus) n’était pas respecté lors des analyses de l’effet de l’induction sur le pourcentage de vérifications (expérience 1 et 2) et de l’effet de l’induction sur le pourcentage de réponses correctes avec une évaluation de la réponse comme incorrecte (expérience 2). Ainsi, nous avons dû transformer les données à l’aide de la transformation « Arcsin racine carré », recommandée lorsque les données sont exprimées en pourcentages. Pour les recherches ultérieures, nous suggérons de rendre la tâche plus difficile. Non seulement nous proposons de s’inspirer de la tâche créée par van den Hout et Kindt’s (2003) et reprise par Linkovski et al. en 2013, comme mentionné plus haut dans cette discussion, mais nous suggérons aussi d’utiliser cette tâche dans un contexte de multitâche. En effet, dans le but d’évaluer de manière plus sensible les comportements de vérifications, la tâche se doit de se rapprocher le plus possible de la réalité. Dans la vie quotidienne, lorsque nous allumons ou éteignons un four ou les plaques de la gazinière, nous le faisons dans un contexte de multitâche. Assurément, en même temps que d’allumer ou d’éteindre la gazinière, nous préparons notre recette, nous nettoyons les légumes, nous les coupons, nous surveillons une autre préparation déjà en cuisson sur une autre plaque etc.

Même si une multitâche est multi déterminée, elle permettra de se rapprocher au plus près de la vie quotidienne.

Aussi, pour les recherches futures, nous proposons de développer une tâche de vérification, non seulement mise dans un contexte de multitâche, mais surtout mise en place à l’aide d’un écran tactile, si composée sur ordinateur ou interface informatique. Ce type d’écran permettrait de ne plus avoir l’intermédiaire « souris » lorsqu’on réalise la tâche. Ceci est important notamment lorsqu’on veut étudier l’induction d’un bas niveau d’identification de l’action pendant la réalisation de l’action. Cette induction d’une focalisation sur les aspects procéduraux et moteurs de l’action devrait avoir un plus large effet si la personne peut

« ressentir » les mouvements de son action, sans passer par un intermédiaire qu’est la souris.

Ainsi, elle pourrait se focaliser sur « avec ma main je tourne le bouton dans ce sens, cran après cran ». Ce type de périphérique informatique rendra la tâche de vérification d’autant plus écologique qu’elle se rapprochera de la vie de tous les jours.

Cependant, l’idéal pour un rapprochement au plus près de la vie quotidienne est d’utiliser un contexte de multitâche dans un laboratoire reproduisant une cuisine réelle et fonctionnelle. Deux études ont déjà utilisé une cuisine fonctionnelle en laboratoire pour étudier les comportements de vérifications (Radomsky & Alcolado, 2010 ; Radomsky, Dugas, Alcolado, & Lavoie, 2014).

De plus, nous suggérons une possibilité « illimitée » de vérifier afin de rendre la tâche encore plus sensible aux comportements de vérification. Effectivement, les personnes ayant tendance à vérifier leurs actions s’engagent dans un mécanisme d’autoperpétuation, qui les amène à vérifier répétitivement (Rachman, 2002).

Pour les études futures, il serait judicieux de développer une question sur l’évitement du danger à la fin de chaque essai. Bien que notre étude se focalise spécifiquement sur le sentiment d’incomplétude, nous avons mis en évidence un lien positif significatif entre le sentiment d’incomplétude et l’évitement du danger, et un lien positif significatif entre l’évitement du danger et les symptômes de vérification mesurés par l’OCI-R. De plus, Ecker et Gönner (2008) démontrent que les comportements de vérifications sont hétérogènes. Il s’agit de l’unique dimension qui est à la fois associée au sentiment d’incomplétude et à la fois à l’évitement du danger. Ainsi, si une question sur l’évitement du danger était créée à la fin de chaque essai, il serait possible d’analyser les résultats obtenus par les participants à cette dimension en regard de nos variables mesurées par la tâche de vérification. De ce fait, avoir une question sur l’évitement du danger et sur le sentiment d’incomplétude concernant les

actions réalisées, permettrait donc d’examiner leur lien de prédiction avec les comportements de vérifications, mais aussi l’effet conjoint de l’évitement du danger et du sentiment d’incomplétude (interaction) sur les comportements de vérifications.

Nous avons vu qu’une focalisation de l’attention sur un bas niveau d’identification de l’action mène à un doute, à un sentiment d’incomplétude (effet tendanciel dans les deux expériences) et nous avons vu que cette focalisation mène aussi à la vérification (expérience 1). Il serait intéressant de voir pour les prochaines études si c’est ce doute qui mène à la vérification. En effet, nous avons observé une corrélation entre le doute et les comportements de vérification, mais ceci ne nous renseigne pas sur une prédiction. Autrement dit, il faudrait étudier si une focalisation de l’attention sur un bas niveau d’identification de l’action prédit les comportements de vérification et si cette prédiction est médiée par le sentiment d’incomplétude ou le doute, et également par l’évitement du danger.

Il est important de savoir que les comportements de vérifications peuvent prendre plusieurs formes (Radomsky & Alcolado, 2010). Les deux plus connues sont la vérification physique, c’est-à-dire que l’objet est manipulé physiquement (p. ex. le bouton de la gazinière est touché dans le but de déterminer s’il est sur sa position « off » afin de s’assurer qu’il n’y a aucun danger) ; et la vérification visuelle, c’est-à-dire que la personne va voir si l’objet ou la situation sont tels qu’elle les a voulus (p. ex. aller voir si la lumière est bien éteinte). S’ajoute à ces deux formes de vérification deux autres : la recherche de l’assurance qui implique une tierce personne (p. ex. « Tu m’as vu éteindre la gazinière n’est-ce pas ? ») ; et la vérification mentale dans laquelle la personne revoit mentalement son action et évalue si celle-ci a été correctement menée à bien ou non (p. ex. « Je me revois fermer la porte de ma maison »).

C’est sur cette dernière forme de vérification que nous allons nous attarder.

Dans notre étude, nous avons donné la possibilité aux individus de vérifier visuellement leurs productions. Or, comme nous venons de le voir, il est possible de vérifier mentalement ses actions. Ainsi, le fait que les participants ayant été invités à focaliser leur attention sur un bas niveau d’identification de l’action n’ont pas plus vérifié visuellement leur production que les autres participants dans l’expérience 2, malgré leur doute, peut amener à penser qu’ils ont pu vérifier mentalement leur production. Pour les prochaines recherches, il serait envisageable de développer une question à la fin de chaque production, telle que :

« Avez-vous vérifié votre production dans votre tête ? » ou « Vous êtes-vous revu mentalement faire l’action ? », afin de prendre en compte les vérifications mentales.

Une autre limite que nous pouvons relever dans notre étude concerne le moment de complétion du BIF. Même si ce dernier mesure le niveau d’identification de l’action « en général », c’est-à-dire le niveau d’identification personnel, le fait de l’administrer après l’induction d’une focalisation de l’action sur un certain niveau d’identification de l’action pendant la tâche de vérification peut avoir une influence sur les réponses des participants. En effet, une personne ayant été invitée à focaliser son attention sur un bas niveau pendant la tâche de vérification peut avoir tendance à répondre aux items du questionnaire à un bas niveau d’identification de l’action. Une proposition pour les prochaines études est d’administrer le BIF avant la tâche de vérification.

Nous avons employé un eye-tracker pour nos deux expériences afin de contrôler l’induction du niveau d’identification de l’action. Cependant, nous n’avons pas procédé à l’analyse des données compte tenu de la grande complexité du traitement de ces données.

Dans les recherches futures, il serait intéressant d’analyser ces données dans le but de vérifier la procédure d’induction.

Enfin, les prochaines études qui utiliseront une tâche de vérification devront s’assurer de sa validité, de sa fidélité et de sa sensibilité. Pour cela, il sera nécessaire notamment de procéder à une analyse corrélationnelle entre les comportements de vérification mesurés par la tâche et les symptômes de vérification mesurés par l’OCI-R dans le but d’observer un lien positif significatif. Ceci permettra non seulement de s’assurer de la sensibilité de la tâche mais aussi de corroborer les résultats trouvés par Rotge et al. (2008). Il est à noter que dans notre étude nous avons pratiqué cette corrélation mais nous n’avons pas observé ce lien. Ceci peut être dû à la population employée dans notre étude. Ainsi, pour les études futures, ces analyses pourront être réalisées dans un échantillon d’individus ayant reçu un diagnostic de TOC. Il faudra aussi réaliser des analyses afin d’évaluer la validité, ainsi qu’effectuer un test-retest afin de contrôler la fidélité de la tâche de vérification.

Le contrôle de l’action perturbé par le niveau d’identification de l’action n’est qu’un des nombreux mécanismes impliqués dans les symptômes de vérification. Assurément, un défaut de « reality monitoring » a été mis en évidence chez les personnes ayant une tendance à la vérification (Zermatten & Van der Linden, 2008b). Ces auteurs ont montré que les participants ayant un haut score à la dimension de vérification, mesuré par l’OCI-R, rapportent plus de souvenirs en tant qu’observateur qu’en tant qu’acteur. Zermatten et al.

(2006) avaient auparavant aussi montré que les personnes à tendance vérificatrice ont des difficultés à déterminer ce qui a été réalisé par soi-même de ce qui a été réalisé par autrui.

Ainsi, elles adoptent davantage un point de vue d’observateur.

Outre un défaut de « reality monitoring », les personnes vérifiant à répétition présentent une moindre confiance en leurs souvenirs des évènements. En effet, très récemment Radomsky et al. (2014) ainsi que Linkovski, Kalanthroff, Henik et Anholt (2015) ont montré que vérifier plusieurs fois détériore la confiance, la vivacité et les détails des souvenirs. Ces auteurs ont confirmé les résultats trouvés par Radomsky, Gilchrist et Dussault en 2006. De plus, cette dimension impliquée dans la symptomatologie de la vérification a été associée à l’inhibition (Linkovski et al., 2013). Ces auteurs ont mis en évidence que l’inhibition explique une proportion significative de la variance du questionnaire évaluant la réduction de la confiance, de la vivacité et des détails des souvenirs. Ainsi, avoir une bonne inhibition « protège » contre l’effet négatif de vérifications excessives sur la confiance, la vivacité et sur les détails des souvenirs. L’ensemble de ces mécanismes nécessitent d’être pris en compte dans la mesure du possible pour les prochaines études, pour une meilleure compréhension des symptômes de vérification. En effet, tenir compte de tous les mécanismes impliqués, des facteurs environnementaux, génétiques, ainsi que de la personnalité et des aspects physiologiques, permettrait de mieux appréhender les symptômes de vérification, leur maintien et leur évolution. Ceci mènera à de meilleurs traitements, taillés sur mesure en fonction de la personne.