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Lien entre niveau d’identification de l’action et symptômes de vérification

2. Cadre théorique

2.4. Perturbation du contrôle de l’action

2.4.2. Lien entre niveau d’identification de l’action et symptômes de vérification

semblent avoir un défaut du contrôle de l’action qui mène à un sentiment d’incomplétude d’avoir effectivement réalisé l’action. Ce défaut de contrôle de l’action peut être causé par un problème de représentation de l’action. Cette idée a déjà été développée par Boyer et Liénard en 2006. Les auteurs postulent que les personnes présentant des symptômes obsessionnels-compulsifs se focaliseraient davantage sur les détails d’une action donc sur les aspects procéduraux et non pas sur les buts et effets engendrés par l’action. Ainsi, les personnes n’arriveraient pas à détecter les indices signalant que l’action a atteint son but. Le but n’étant pas accessible, la personne ne sait pas si l’action a été réussie et mènerait alors un signal d’erreur indiquant que l’état réel ne correspond pas à l’état voulu.

Le fait que les personnes présentant des symptômes obsessionnels-compulsifs focalisent leur attention sur les détails fait l’objet d’un débat. En effet, Cabrera, McNally et Savage (2001) démontrent que les patients avec un TOC focalisent leur attention sur les détails ou sur les plus petits éléments plutôt que sur la sémantique dans une tâche linguistique.

Plus familièrement ces patients ont tendance à « manquer la forêt pour les arbres4 ».

Auparavant, Savage et al. (1999) ont administré la figure complexe de Rey à des patients avec un TOC et ont montré que ces derniers focalisent leur attention davantage sur les petits détails, tandis que les participants contrôles focalisent leur attention sur la forme globale. Les auteurs parlent de « biais local » de l’attention. Au contraire, Moritz et Wendt (2006) ne mettent pas en évidence ce biais envers les aspects plus petits. Les auteurs ont fait passer une tâche de traitement local versus global aux participants. Ainsi, ceux-ci devaient appuyer sur une touche lorsqu’ils détectaient une lettre cible (E ou T) ou sur une autre touche lorsqu’ils détectaient une autre lettre cible (F ou H). Les lettres apparaissaient des fois sous forme globale (p. ex. un grand E formé de lettres neutres), et des fois sous forme locale (p. ex. une grande lettre neutre formée de petits E). Les patients avec un TOC performent de la même manière que les participants contrôles. De ce fait, aucun biais envers un aspect local n’a été mis en évidence. Moritz, Wendt, Jelinek, Ruhe et Arzola en 2008 confirment cette non-préférence envers l’aspect local.

Cependant, deux articles appuient cette idée de biais de l’attention envers l’aspect local. Premièrement, Yovel, Revelle et Mineka (2005) montrent que les patients qui ont un score élevé obtenu à une mesure du trouble de la personnalité obsessionnel-compulsive présentent une focalisation excessive de l’attention sur les détails et l’aspect local des stimuli.

Plus spécifiquement, ils se focalisent davantage sur les petites lettres (les arbres) que sur leur aspect global (la forêt). Cette étude a l’inconvénient de ne pas avoir pris une population clinique de TOC mais une population qui présente un trait de personnalité obsessif-compulsif, ce qui est complètement différent. Ainsi, deuxièmement, Rankins, Bradshaw et Georgiou-Karistianis (2005) se sont intéressés à une population clinique présentant un TOC. Les auteurs leur ont fait passer une tâche locale versus globale et montrent que les patients avec un TOC ont des performances plus faibles dans la tâche globale mais pas dans la tâche locale. De plus, les patients sont plus lents dans la tâche globale. Les auteurs concluent que les patients avec TOC ont des difficultés à voir la forme globale dû à une préoccupation sur l’aspect local. Ces conclusions vont dans le sens des études de neuroimagerie. En effet, le traitement de l’aspect global a été relié à l’hémisphère droit (Fink et al., 1996), et les patients avec un TOC présentent un dysfonctionnement de l’hémisphère droit (Aronowitz et al., 1994). Finalement, dans la littérature, nombreuses sont les études qui vont dans le sens d’un biais de l’attention envers les aspects plus petits ou envers les détails chez les patients avec un TOC. Savage

4 Traduction libre de l’anglais « missing the forest for the trees ».

(1998) mentionne que la peur d’oublier si la gazinière a été éteinte peut être liée à un échec d’apprécier l’environnement dans son ensemble ; de ce fait, l’attention se focalise sur la gazinière, lui donnant plus d’importance qu’elle n’en mérite.

Boyer et Liénard (2006) confirment ce biais dans leur article. Les auteurs mentionnent que les personnes focalisent leur attention de manière spontanée sur le niveau moyen des unités d’action à savoir le niveau connecté aux buts. En revanche, les personnes présentant des comportements de rituels focalisent leur attention sur un bas niveau, c’est-à-dire sur les détails ou les aspects procéduraux d’une action.

Ces observations énoncées par Boyer et Liénard (2006) ainsi que toutes les études démontrant un biais de l’attention envers les détails, les aspects plus petits ou procéduraux d’une action chez les personnes avec un TOC, peuvent s’inscrire dans la TIA décrite plus haut. Selon Vallacher et Wegner (1989), les personnes ayant un bas niveau d’identification de l’action auraient une plus grande difficulté à intégrer le fait qu’elles ont réellement réalisé l’action. Ceci les conduirait à davantage de doute.

Nous pouvons donc avancer l’idée que l’adoption de cette représentation de l’action est liée à des comportements excessifs de vérification. Les personnes vérifient alors que l’action a bel et bien été réalisée et que le but a bien été atteint car cette focalisation sur les aspects procéduraux ou sur les détails de l’action les éloigne du but recherché. Belayachi et Van der Linden (2009) se sont intéressés à ce lien entre le niveau d’identification de l’action personnel et les comportements obsessionnels et compulsifs. Les auteurs ont fait passer à 123 personnes issues de la population générale l’OCI-R, évaluant les symptômes obsessionnels-compulsifs, et le BIF afin de déterminer le niveau d’identification préférentiel personnel des participants. Les résultats indiquent une corrélation négative significative entre les symptômes de vérification et un haut niveau d’identification de l’action. Ainsi, plus les participants identifient les actions du BIF avec un haut niveau, c’est-à-dire en termes de buts et d’effets générés par l’action, moins ils présentent et rapportent des comportements de vérification. La vérification serait donc liée à la tendance à identifier ses actions à un bas niveau (en termes de détails). Aucune autre corrélation n’ayant été trouvée, cette étude appuie donc l’idée d’une relation spécifique entre les comportements de vérification et un bas niveau d’identification de l’action.

Certains auteurs ont établi un lien entre un bas niveau d’identification de l’action et un sentiment faible d’avoir fait l’action. En effet, Van der Weiden et al. (2010) ont utilisé le paradigme employé par Aarts et al. (2005) dans lequel ils présentaient de manière subliminale les résultats de leur propre action avant que la personne n’ait réalisé cette action. Van der

Weiden et al. (2010) montrent que les participants qui se représentent l’action à un haut niveau d’identification ont davantage un sentiment d’avoir réellement réalisé l’action, c’est-à-dire que l’amorçage avait plus d’effet. En revanche, les participants avec un bas niveau d’identification de l’action présentent un plus faible sentiment d’avoir réalisé l’action. Ainsi, pourrait découler alors un signal d’erreur entre l’état réel et l’état désiré. Et, c’est ce signal d’erreur qui conduirait aux doutes de la réalisation adéquate d’une action et donc aux comportements de vérification.

Enfin, Belayachi et Van der Linden (2015) se sont très récemment intéressés à la capacité à décomposer des mouvements en segments plus petits d’action chez les personnes qui ont tendance à vérifier. Les auteurs ont utilisé la tâche développée par Zacks, Speer, Vettel et Jacoby (2006) dans laquelle les participants regardent des vidéos qui montrent le déroulement d’activités familières et doivent appuyer sur un bouton quand ils pensent qu’un évènement est terminé et qu’un autre commence. Les auteurs ont mis en évidence une corrélation négative entre la tendance à vérifier et la longueur des unités d’action identifiées.

En d’autres mots, les personnes ayant tendance à vérifier leurs actions décomposent les actions en actions beaucoup plus petites telles que des changements moteurs plutôt qu’en changements de buts. Cette étude confirme la tendance des personnes vérificatrices à identifier les actions en termes de bas niveau.