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Le Trouble Obsessionnel-Compulsif : la vision contemporaine

2. Cadre théorique

2.2. Le Trouble Obsessionnel-Compulsif : la vision contemporaine

Du TOC résulte un grave handicap. Certes, les psychothérapies et les médicaments peuvent réduire, voire éliminer, les pensées obsessionnelles, mais les patients guérissent rarement de leur trouble. Foa (2010) montre que seule une minorité (20%) de personnes profitent pleinement des thérapies cognitivo-comportementales (TCC). Environ 40% en profite partiellement et un grand nombre de personnes présentant un TOC (40%) ne sont pas aidées par les traitements TCC. Toujours selon Foa (2010, cité par Van der Linden & Ceschi, 2013) : « davantage de recherche, de travail est nécessaire pour déterminer comment tailler sur mesure des traitements, en fonction des besoins individuels. Davantage d’études n’ont pas

suffisamment proposé un traitement en fonction du sous-type de TOC ». Ainsi, voir le TOC comme une entité homogène explique la faible efficacité de la thérapie cognitivo-comportementale.

La vision selon laquelle le TOC est un trouble unitaire est dépassée. En effet, le TOC, dans une vision plus récente, est un trouble hétérogène. De ce fait, il existe différents types d’obsessions et de compulsions que certains auteurs ont tenté d’appréhender. Summerfeldt, Richter, Antony et Swinson (1999) ont fait passer la Yale-Brown Obsessive Compulsive Scale (Y-BOCS ; Goodman et al., 1989) à 203 patients présentant un TOC. A l’aide d’une analyse factorielle confirmatoire, les auteurs ont montré que le modèle à quatre facteurs, qui distingue les obsessions (la vérification), la symétrie (le rangement), la contamination (le lavage) et le collectionnisme (l’accumulation), expliquait le mieux les données. Des études en imagerie renforcent le caractère dimensionnel du TOC. En effet, nombreux sont les auteurs qui ont mis en évidence des activations cérébrales distinctes selon si l’individu vérifie, se lave ou amasse des choses (Mataix-Cols et al., 2004 ; Murayama et al., 2013 ; Rauch et al., 1998).

De plus, la frontière claire établie entre le normal et le pathologique par le DSM-5 ne semble plus d’actualité. En effet, le TOC peut s’observer dans la population générale (Stein, Forde, Anderson, & Walker, 1997 ; Summerfeldt, Huta, & Swinson, 1998). Vous et moi pouvons douter de la réalisation adéquate d’une action, alors que celle-ci a bel et bien été réalisée. Dans la littérature, les auteurs rapportent que les processus impliqués dans les symptômes du TOC sont les mêmes que ce soit dans la population clinique ou que ce soit dans la population normale (Fullana et al., 2004). Ainsi, la frontière entre le normal et le pathologique ne serait pas si claire que celle décrite dans le DSM-5, et les différences observées entre la population clinique et la population tout-venant seraient davantage quantitatives que qualitatives. De ce fait, les patients expérimentent plus fréquemment des comportements visant à diminuer leur anxiété.

Le caractère hétérogène du TOC susmentionné amène à penser que chaque symptôme possède des processus qui lui sont propres. Malgré cela, tous les symptômes du TOC partagent des processus en commun. Nous allons voir dans un premier temps un exemple de processus partagé par les « laveurs » et les « vérificateurs », puis dans un deuxième temps nous allons nous attarder sur un exemple de processus caractéristique des « laveurs », qui prouve que chaque symptôme peut se distinguer des autres.

2.2.2. Processus communs à tous les symptômes

Certains dysfonctionnements cognitifs sont communs à plusieurs dimensions symptomatiques du TOC. Il a notamment été mis en évidence qu’un déficit d’inhibition d’une réponse dominante se trouve être un mécanisme commun à différentes symptomatologies du TOC. Assurément, une étude de Van der Linden, Ceschi, Zermatten, Dunker et Perroud (2005) montre un déficit général d’inhibition d’une réponse automatique chez des personnes avec un TOC. Les auteurs ont recruté seize « laveurs », seize « vérificateurs », seize patients présentant une phobie sociale et seize contrôles (sans anxiété). Ils leur ont fait passer le test de Hayling. Ce test consiste dans une première partie à compléter des phrases avec le mot qui convient comme par exemple : « à l’automne, les arbres perdent leurs [feuilles] ». Cette première partie est appelée initiation. Dans une deuxième partie, appelée inhibition, les participants sont invités à compléter les phrases avec un mot qui n’est pas relié à celles-ci comme par exemple « il a posté une enveloppe en oubliant de mettre un [téléphone] ». Les auteurs ont montré que les « laveurs » et les « vérificateurs » font plus d’erreurs dans la deuxième partie que les participants contrôles et que les participants présentant une phobie sociale. C’est-à-dire que ces personnes complètent l’exemple mentionné ci-dessus par

« [timbre] », le mot relié à la phrase. De plus, les auteurs ont trouvé une corrélation positive chez les patients avec un TOC entre la fréquence de ces erreurs et le score de sévérité obtenu à la Y-BOCS et entre la fréquence de ces erreurs et le sous-score des compulsions.

De plus, Abramovitch, Abramovitch et Mittelman (2013) mettent en évidence dans une méta-analyse des temps de réaction, dans une tâche de stop-signal, plus élevés chez les patients présentant un TOC indiquant un déficit d’inhibition d’une réponse dominante chez ces patients.

Ces études prouvent donc que différentes dimensions du TOC partagent des processus en commun tel qu’un déficit général d’inhibition. Ce déficit n’est pas le seul et il existe d’autres processus partagés par certains sous-types du TOC comme les différentes facettes de l’impulsivité (Zermatten & Van der Linden, 2008a). Toutefois, malgré le partage de processus cognitifs, des spécificités à certaines dimensions symptomatiques sont à prendre en considération. Ainsi, nous allons dès à présent nous pencher sur une étude qui appuie l’idée que chaque symptôme du TOC possède des dysfonctionnements cognitifs qui lui sont propres.

2.2.3. Processus spécifiques à chaque symptôme

Ceschi, Van der Linden, Dunker, Perroud et Brédart (2003) ont montré qu’il pouvait y avoir des processus spécifiques à chaque sous dimensions du TOC. Afin de mener cette étude, les auteurs ont recruté seize « laveurs », seize « vérificateurs », seize personnes présentant une phobie sociale et seize personnes contrôles (sans anxiété). Après que 50 objets propres ou sales leur aient été présentés, les participants devaient rappeler les objets (rappel libre), évaluer leur anxiété au toucher des objets et aussi attribuer chaque objet à leur catégorie c’est-à-dire s’ils pensaient que c’était un objet propre ou sale. Les auteurs rapportent que bien que les « laveurs » ne diffèrent pas des autres participants sur le plan de la mémoire des objets (rappel libre), ils rappellent plus correctement la source de contamination sale que propre. Ce résultat n’est pas observé chez les « vérificateurs ». Ainsi, les auteurs ont mis en évidence un biais mnésique seulement chez les « laveurs » qui montre qu’il semble bien y avoir un mécanisme spécifique chez les « laveurs » qu’il n’y a pas chez les « vérificateurs ».

Il a également été démontré qu’il existe des mécanismes propres à la vérification.

C’est à la vérification que nous nous intéressons particulièrement pour ce travail. Nous allons par la suite définir les symptômes de vérification, avant de voir la manière de les évaluer.

Puis, nous aborderons une des caractéristiques des symptômes de vérifications ainsi qu’un des mécanismes qui semble être impliqué.

2.3. Les symptômes de vérification