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Le concept de représentation : éléments de définition

2. La théorie de la dissonance cognitive

La théorie de la dissonance cognitive porte sur les comportements cognitifs généraux. Les cognitions114 peuvent être cohérentes ou incompatibles entre elles ; on dit qu’elles sont respectivement consistantes (consonantes) ou inconsistantes (dissonantes).

La dissonance s’inscrit pour Festonner dans la logique de la « cognition la plus résistante

au changement ». Elle provoque l’état de dissonance : le comportement et les activités

cognitives s’influençant réciproquement, elles sont dans ce cas en contradiction115.

La dissonance survient lorsqu’entre deux éléments isolés l’inverse de l’un découle de l’autre, soit [(x,y) / {y Î non x}]116. Elle provoque une sensation de gêne et donc l’envie de

112 VIGNAUX G., op. cit., 1992, p. 242

113 VIGNAUX G., op. cit., 1992, pp. 239-240

114 Dans lesquelles on inclut généralement idées, valeurs, croyances, attitudes, représentations, comportements et émotions

115 VIGNAUX G., op. cit., 1992, p. 241

réduire la dissonance, en évitant ou en fuyant la situation subie, en niant sa représentation, ou encore en niant la façon dont on l’a élaborée.

Par exemple, si l’on fait le choix A au lieu de B (décision), on doit agir conformément à ce choix (soumission forcée) pour obtenir le résultat attendu de A (attentes confirmées). Ainsi, conserver une ancienne méthode de travail plutôt que d’en adopter une nouvelle oblige à valoriser cette méthode et à prouver que l’on a raison de la garder, en atteignant ses objectifs par exemple, quitte à travailler beaucoup plus et à être finalement moins productif. Autre exemple, fumer est une cause du cancer du poumon. C’est une dissonance : aimer fumer n’empêche pas que ce soit un acte mortel à terme. Si arrêter de fumer est un trop gros effort, il faut alors nier le mode d’élaboration de la dissonance, car on ne peut vivre constamment avec elle. Il est alors possible de se convaincre que les théories sur le cancer dû à la cigarette sont sûrement fausses.

Dans les faits, il est plus aisé de porter son attention sur l’information qui renforce ses représentations que sur celle qui les infirme. Il s’agit d’une perception sélective destinée à réduire les dissonances. Regretter une décision a posteriori pousse à éliminer la dissonance, faute de pouvoir revenir en arrière. C’est ce que soutient la théorie de la dissonance

post-décisionnelle, qui explique comment justifier ses efforts. Celui qui a beaucoup travaillé

valorise ses résultats plus qu’ils ne le méritent, ou bien tend à montrer que l’effort qu’il a produit était relativement banal. A contrario, une justification insuffisante peut faire changer d’attitude par un effet inverse de renforcement. Dans ce sens, les vendeurs les plus sympathiques seraient considérés comme moins persuasifs en raison du moindre effort qu’on leur suppose devoir faire grâce à leur capital sympathie.117

Qu’elles soient assimilées à l’un ou l’autre courant, ces approches théoriques établissent plusieurs fondements sur lesquels nous pouvons bâtir une analyse des représentations construites par les individus et par les groupes. Nous savons que toute situation ou information peut être à l’origine de l’évolution des représentations sociales élaborées sur un sujet donné. La proximité relationnelle, intellectuelle, affective ou physique est un moyen important de développer ses représentations sociales. Celles-ci sont par conséquent communes à un groupe, le plus souvent formel, réuni autour d’un même parcours de formation, d’une même activité, d’un même métier par exemple.

Les représentations permettent en définitive de rationaliser les conséquences de l’existence : s’appuyer sur elles permet de s’assurer du bon choix et de justifier ce choix, si possible à moindre coût et au meilleur profit. Elles sont le support indispensable à un certain

équilibre personnel et à la conformité recherchée par rapport à ceux qui font office de référents sociaux. La représentation sociale est en ce sens un processus identitaire par lequel on s’intègre dans une catégorie sociale et l’on se distingue des autres.

Notre objectif n’est pas de décrire plus en détail les courants de pensée cognitivistes mais d’en tirer les notions primordiales qui nous permettront d’utiliser ensuite le concept de représentation sociale de manière convenable. On s’aperçoit effectivement qu’il comporte un certain nombre de zone d’incertitude, tant dans sa définition que dans ses caractéristiques. C’est pourquoi nous en dégageons à présent les éléments les plus importants.

C. Les notions essentielles de la représentation sociale118.

Pour appréhender tout l’intérêt du concept de représentation sociale pour nos travaux, il importe, d’une part, d’en connaître le contenu, d’autre part de savoir par quels processus un individu peut transformer en comportements ses représentations sociales.

Une tendance marquée dans la société moderne pousse à mieux se connaître et à se développer personnellement. Conjointement, l’environnement a façonné de tous temps des modèles de comportement social, accompagnés d’injonctions plus ou moins impératives, voire coercitives, à se conformer à de tels modèles. Ils sont autant de représentations sociales que chacun contribue à élaborer, à diffuser, ou à détruire selon les cas.

Prenons le modèle de l’entrepreneur à titre d’illustration. De quoi cette représentation sociale est-elle constituée ? Comment s’est-elle construite ? Le modèle que nous pouvons nommer « l’entrepreneur moderne » est largement décrit dans la presse depuis les années 80. Le langage populaire se révèle à ce titre un média important pour la diffusion des représentations sociales qui lui sont associées. Il s’agit de la représentation d’un homme de 30 à 45 ans, dynamique, créateur et/ou dirigeant d’entreprise, ou encore cadre supérieur dans une grande organisation. Il est doté de toutes les compétences nécessaires pour emmener ses équipes au succès, du fait de sa formation de haut niveau, de son expérience et de ses qualités humaines. Nous décrivons ici la représentation sociale à laquelle un individu professionnellement impliqué peut s’identifier, en modelant l’image qu’il a de lui-même, c’est à dire la représentation de son corps, de sa personnalité, de son intelligence, de ses capacités, etc. Cette image évolue au gré de l’environnement bien que l’on puisse la croire stable et désirer qu’elle le reste. C’est sous la pression de l’environnement ou en raison des désirs

118 L’essentiel de ce passage est tiré de VIGNAUX G., op. cit., 1992 ; MUCCHIELLI A., op. cit., 1994 ; JODELET D., op. cit., 1997 ; VALLERAND R.J. et alii, op. cit., 1998

personnels que l’on peut souhaiter ressembler à l’image moderne d’un entrepreneur. Cela implique de se conformer alors aux caractéristiques qu’elle peut contenir : on cherche à adapter sa manière d’être en fonction de critères qui permettent d’apprécier un entrepreneur, tels que sa polyvalence, sa réactivité, ses idées, etc.

Si l’on détaille le contenu d’une représentation, on y trouve plusieurs composantes.

I. Le contenu d’une représentation sociale.

Les psychosociologues considèrent qu’une représentation sociale contient trois éléments fondamentaux, le concept de soi, l’estime de soi et l’identité.