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Quelle représentation du rôle des cadres commerciaux intermédiaires les entreprises mettent-elles en œuvre ?

315 HILTROP J.-M., 1998, pp. 39-46

– CONCLUSION DE LA SECTION 1 –

Quelle représentation du rôle des cadres commerciaux

intermédiaires les entreprises mettent-elles en œuvre ?

(hiérarchique). Ils évitent à l’entreprise de se retrouver submergée par l’ambiguïté, la complexité et les conflits potentiels316. » Bartlett et Goshal, en prenant cette position, voient le

management évoluer radicalement dans la période de changement généralisée des années 90. On peut synthétiser ainsi leur approche :

Tableau 2.16. Les changements du rôle du management commercial. (Bartlett C.A. et Goshal S., 1998)

Les qualités modernes de tout manager sont alors :

‰ La simultanéité et l’omniprésence, caractéristiques d’un réseau,

‰ Le transfert de savoir-faire et le soutien inter-unités,

‰ Le développement et la diffusion des approches particulières efficaces,

‰ Le rôle de pivot entre la politique générale de l’entreprise et l’activité spécifique des équipes commerciales,

‰ La mise en lumière des différences pour résoudre les conflits qui en découlent317.

La représentation du rôle de l’encadrement commercial intermédiaire que souhaite mettre en pratique l’entreprise peut par conséquent s’analyser en fonction de l’activité dominante qu’elle lui assigne. Racine propose une telle réflexion, dans laquelle elle positionne les différents rôles que peut tenir un cadre318 :

316 BARTLETT C.A. et GOSHAL S.,, op. cit., 1998, p. 21

317 D’après BARTLETT C.A. et GOSHAL S.,, op. cit., 1998, p. 19 et suivantes

318 D’après RACINE Y., 1998, pp. 64-69

Avant Changement Après

Contrôle Autorité

Soutien Développement Développement global +

Contrôle local Développement local + Contrôle global

o Domination hiérarchique o Autorité formelle o Responsabilités peu partagées o Soutien permanent o Équipe de responsables o Contacts à 360° o Création suscitée

Figure 2.03. Les représentations du rôle de l’encadrement. (Racine Y., 1998)

Nous avons mené une démarche similaire qui prend en compte uniquement le rôle des cadres commerciaux intermédiaires. Les quatre représentations que nous venons de décrire successivement fournissent quatre modèles du rôle que peut prescrire l’entreprise à son encadrement commercial intermédiaire. Ces modèles sont celui d’expert, de superviseur, de

tuteur et de développeur. Leurs caractéristiques principales sont les suivantes :

‰ Le rôle d’expert : l’importance est donnée à sa fonction d’objectif. Le noyau central

de cette représentation est composé des tâches d’organisation, de prévision et de contrôle.

‰ Le rôle de superviseur : il doit améliorer les résultats grâce à la finesse de son

analyse. Le noyau central est composé de tâches liées à la rentabilité, au contrôle et à la sanction.

‰ Le rôle de tuteur : il doit défaire les nœuds que comporte le système relationnel,

nuisibles à la performance. Le noyau central est fait de tâches de coordination, d’animation et de gestion des ressources humaines.

‰ Le rôle de développeur : il doit innover tant dans l’usage des moyens confiés que dans

la découverte de nouvelles ressources, en adoptant une vision stratégique de son rôle. Le noyau central se compose de tâches d’anticipation, de création de solution et de développement des compétences.

Conception Réalisation Management Expertise Réalisateur Conseil Arbitre Animateur

Nous répartissons ces quatre représentations selon deux axes qui mettent en opposition les quatre fonctions essentielles du rôle du management intermédiaire, c’est à dire les fonctions de contrôle, de gestion, de vente et d’animation :

Figure 2.04. Les représentations du rôle prescrit du manager intermédiaire. (Source : auteur)

Ces représentations sociales du rôle du manager intermédiaire ne sont que des modèles synthétiques de ce rôle. Ils sont donc restrictifs et réduits à leurs particularités principales, comme le sont la plupart des représentations sociales. Ils peuvent être nuancés ou donner lieu à une définition composite du rôle dans une organisation et dans un contexte donnés. La question est alors : de quel modèle l’entreprise tend-elle à se rapprocher ?

Or, il y a fréquemment des confusions et des tensions inhérentes à la conception même de tels rôles. Tout d’abord, sont-ils une représentation émanant de l’organisation dans son ensemble, et par là représentatifs de ce que pensent devoir faire tous les acteurs concernés319 ? Ou bien sont-ils uniquement le reflet de la pensée des dirigeants ? L’acceptation de la redéfinition d’un rôle pose beaucoup moins de difficultés dans le premier cas que dans le second, du fait de la prise en compte des attentes des salariés concernés.

319 SANDELANDS L.E. et STABLEIN R.E.,, 1987

Réduction des coûts Données factuelles Croissance des revenus Relations humaines ANIMATION CONTROLE VENTE GESTION TUTEUR EXPERT SUPERVISEUR DEVELOPPEUR

Ensuite, il est bon que les dirigeants aient conscience de leur propre rôle, qui est tout d’abord de former des représentations sur ce qui peut influer sur la vie de l’entreprise, à l’usage de ses employés. Ils ont en conséquence pour responsabilité de veiller aux processus de socialisation qui permettent d’aboutir à la cohérence entre les acteurs de l’entreprise et leurs représentations320. Ils doivent développer le partage et le consensus autour des représentations importantes pour l’activité de l’organisation et de son environnement, dont les rôles des managers intermédiaires font partie.

Dans les faits, il s’avère que, bien souvent, les rôles prescrits par les dirigeants d’entreprises sont autant de modèles normatifs d’action et de comportements. C’est l’un des desseins d’une représentation sociale que de servir ainsi de modèle. Mais si les détenteurs du rôle le ressentent comme un moyen d’enfermement dans des contraintes trop rigides, il est à l’origine de tensions et de conflits nombreux.

Saïelli et Vignon montrent bien comment les rôles définis a priori par l’organisation cherchent à normer le rôle effectif a posteriori des managers intermédiaires321. Dans leurs travaux, ils soulignent la recherche d’excellence que poursuit ce faisant la direction de l’entreprise. Un « bon » professionnel est attentif à la fois au chiffre d’affaires, à la marge, à l’épanouissement de son équipe et à la croissance pérenne de l’entreprise. Il est donc soucieux simultanément de performance économique et de performance sociale, la première l’emportant cependant sur la seconde dans l’ordre des priorités de l’organisation.

Les valeurs normatives incluses dans cette représentation sont parfois très disparates. On y trouve par exemple :

‰ Un grand nombre d’heures de travail, donner son temps au travail étant prioritaire,

‰ Une forte présence sur le terrain, pour être proche et exemplaire,

‰ Le développement des hommes, plus précisément de leurs compétences, de leur autonomie et de leurs performances,

‰ La libération des énergies, permettant la reproduction de processus de travail simples, sans avoir de questions à se poser,

‰ La capacité à être participatif,

‰ La foi en la valeur humaine, qui pousse à faire travailler de manière optimale,

‰ La communication omniprésente,

‰ La disponibilité sous toutes ses formes,

320 MIHAYLOVA S., op. cit., 1999, p. 51

‰ L’esprit d’équipe, dont le cadre est le garant,

‰ Le dynamisme collectif, qu’il impulse.

Tableau 2.17. Les valeurs normatives du rôle du manager commercial. (Source : auteur)

Le cadre doit dans cette optique être constamment « impeccable », en cultivant des capacités nombreuses et hétérogènes qui lui permettent d’atteindre « esthétiquement » ses objectifs, autrement dit en montrant la satisfaction professionnelle et personnelle qu’il en retire.

Il s’agit d’une représentation quasiment caricaturale du rôle du manager intermédiaire. Mais elle est pourtant un modèle largement diffusé et présent du comportement qu’il doit adopter, dans un grand nombre d’entreprises commerciales ou de réseaux de vente. Elle peut être vue comme un modèle de « taylorisme participatif », qui est un modèle d’instrumentation managériale de la compétence322. Un tel modèle promeut certaines valeurs porteuses d’exigences cognitives et comportementales, ainsi que de nouveaux critères d’évaluation qui fournissent à l’entreprise un moyen efficace de rationalisation des objectifs et des méthodes.

Si les cadres eux-mêmes ressentent le rôle qu’on leur prescrit comme trop contraignant, ils développent une réticence puissante à l’exercer. Ils ont l’impression d’être à nouveau des moyens de production au sein de l’organisation, alors que leur « nouveau » rôle leur laissait à penser qu’ils devenaient des acteurs à part entière. Le discours des entreprises est perçu comme biaisé. Trop normatifs ou trop imprécis, leurs modèles de rôles ne sont pas adoptés, ou sont déformés par les salariés. D’aucun concluent en effet que « si les tenants de la

reconfiguration organisationnelle vantent ses mérites économiques, ils restent en revanche très discrets sur son impact humain323 », ou encore que « les hommes et les organisations, de par leurs caractéristiques de mémoire et d’oubli, ne se reconfigurent pas aussi facilement que les machines324. »

Dans la réalité quotidienne, l’entreprise est-elle en phase avec la représentation du rôle du cadre commercial intermédiaire qu’elle attend de voir mettre en œuvre ? Son organisation hiérarchique, ses structures, ses systèmes, ses outils sont-ils adaptés aux changements qu’elle attend de ses acteurs ? Si les outils de gestion font par exemple ressortir des préoccupations essentiellement basées sur le contrôle des résultats acquis, l’entreprise n’est pas effectivement en accord avec ses exigences d’un rôle de développeur.

322 LINHART, 1991, cité par DIETRICH A., 1999

323 MESCHI P.-X., 1999, p. 497

Or, il semble que l’on puisse distinguer plusieurs modèles d’organisation, entre un modèle traditionnellement hiérarchique et pyramidal, dans lequel la ligne hiérarchique est une véritable colonne vertébrale ascendante, et un modèle de forme réticulaire, qui situe l’encadrement commercial intermédiaire hors de ses frontières physiques, face aux marchés que doivent conquérir les forces commerciales. Les détenteurs et les candidats au rôle de manager intermédiaire sont-ils d’ailleurs prêts à en assumer toutes les dimensions et toute la pression que ces nouveaux modes de fonctionnement supposent ?

C’est une question que nous allons poser à présent, en établissant un parallèle entre leur conception personnelle de leur rôle et les modèles organisationnels dans lesquels ils évoluent. On constate dès lors que, si l’entreprise cherche à mieux vivre son environnement sans le subir, elle admet parfois mal que les acteurs individuels fassent de même à son égard. Des clivages naturels et nombreux sont quasiment inévitables entre ceux qui pensent et ceux qui exécutent les desseins de l’organisation, entre ceux qui produisent et ceux qui vendent. Il n’est donc pas étonnant que des cadres dirigeants et des salariés aient des divergences d’opinion au sujet du rôle que chacun doit jouer, et dans quelle structure ils doivent l’exercer.

« Manager seulement pour le profit revient à jouer au tennis en regardant le tableau des résultats plutôt que la balle. »

(LENDL I.)

Après avoir examiné les représentations qui servent de modèles de rôle aux dirigeants d’entreprises, nous nous sommes interrogés sur celles que les cadres commerciaux intermédiaires élaborent eux-mêmes. Quel rôle veulent-ils exercer en devenant chefs des ventes ou inspecteurs commerciaux ? Quelles sont leurs attentes à l’égard de leur statut et du rôle qu’ils se représentent être les leurs ? Comment décrivent-ils ce que nous appelons leur rôle voulu, c’est-à-dire le rôle qu’ils souhaitent exercer s’ils en ont le choix, après acceptation

de contraintes qu’ils jugent « normales » ? En parallèle, comment comprennent-ils les

attentes de leur hiérarchie ? Quel rôle croient-ils que cette dernière veut les voir exercer ? Comment imaginent-ils la structure dans laquelle ils évoluent et dont ils constituent un maillon important ?

Il apparaît que de telles représentations de leur rôle sont difficiles à définir, tant elles font peu l’objet de travaux de recherche ou de contributions de praticiens. Bon nombre de scientifiques se sont penchés sur les attentes des entreprises en matière de management intermédiaire, ou sur ce qu’il serait bon qu’elles prescrivent, nous l’avons vu. D’autres ont écrit sur l’impact du rôle du manager sur ses subordonnés. D’autres encore se sont préoccupés de ces derniers, notamment des vendeurs et de leurs perceptions à l’égard de leur métier ou de celui de leur hiérarchique. Mais il ne semble pas que le rôle des cadres commerciaux intermédiaires tels qu’ils entendent l’exercer ait fait l’objet de recherches approfondies. C’est devant ce constat que nous avons entrepris d’apporter une première pierre à cet édifice, et de comparer ainsi les représentations des dirigeants et des cadres.

Pour ce faire, nous avons en premier lieu cherché à identifier ou à rappeler les circonstances dans lesquelles les managers intermédiaires exercent leur rôle. Remarquons à ce propos que des facteurs communs concernent aussi bien les cadres d’une manière générale

– SECTION 2 –

Les déterminants des représentations élaborées par les