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La théorie de la causalité

Dans le document Principes de droit pénal (Page 63-66)

CHAPITRE PREMIER : LA DIVISION DES INFRACTIONS

S ECTION 3 : L’ ÉLÉMENT MORAL

3.3 L’arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre

3.4.3 La théorie de la causalité

L’examen de la faute envisagée comme élément moral pour les infractions non-intentionnelles nous permet encore de nous attarder sur la problématique du lien de causalité. Bien que la causalité ne soit pas propre aux infractions non intentionnelles puisqu’elle vaut pour toutes les infractions – intentionnelles ou non intentionnelles - c’est le plus souvent à propos des secondes que le problème se pose.

247 A.JACOBS, Que reste-t-il de l'autorité de chose jugée du pénal sur le civil ?, R.C.J.B., 2005, pp. 654 et ss. ; O. MICHIELS, Obs. sous Bruxelles, 25 juin 2007, Faut- il surseoir à statuer, en application du principe du « criminel tient le civil en état » lorsque la responsabilité d’un prévenu est mi se en cause devant le juge civil sur la base de l’article 1384, alinéa premier, du code civil ?, J.L.M.B., 2007, pp. 1743-1744.

248 Cass., 14 septembre 2006,J.L.M.B., 2007, p. 1248 et obs. d’O. MICHIELS ; voir aussi Cass., 2 novembre 2001, J.L.M.B., 2002, p. 683 et obs. B. CEULEMANS ; A. DE NAUW, L’action récursoire de l’assureur. Vers un abandon de l’autorité de la chose jugée au pénal ?, J.T., 2000, pp. 393 et ss.

249 J. VERHAEGEN, Vers l’abandon d’une jurisprudence séculaire. A propos de la proposition de loi n° 298/2000 abolissant la théorie de l’unité des fautes pénale et civile, J.T., 2001, p. 518; O. MICHIELS, La rencontre inévitable entre l’autorité de la chose jugée du pénal sur le civil et la réserve des intérêts civils, J.L.M.B., 2012, pp. 1350-1355.

En effet, l’infraction de coups et blessures involontaires visée par les articles 418 à 420 du Code pénal requiert que le faute incriminée soit en relation causale avec le dommage.

Il existe plusieurs théories de la causalité250.

La théorie de la causalité adéquate. Cette théorie développe l’idée que, dans une chaîne des causes génératrices d’un dommage, il importe de rechercher l’importance de chaque cause et de ne retenir que celle qui a été la cause ou une cause adéquate et décisive du dommage. Dès lors, en cas de pluralité de fautes, on ne retient que la responsabilité de l’auteur ou des auteurs qui a ou ont commis une faute qui a normalement causé le préjudice251.

La théorie de la causa proxima. Cette théorie ne reconnaît la qualité de cause du dommage qu’au dernier événement qui, a lui seul, suffit à produire la totalité de ce dommage252.

La théorie de l’équivalence des conditions. Selon cette théorie, la multiplicité des causes est sans importance sur la responsabilité de l’auteur qui devra répondre de sa faute dès l’instant où elle a concouru à la réalisation du dommage253.

Dès lors qu’il y a plusieurs fautes, chacun sera tenu à réparer tout le dommage qui en est la suite nécessaire quel que soit le degré de gravité des fautes respectives au niveau de la réalisation du dommage. Partant, la force majeure, la faute d’un tiers ou la faute de la victime n’exonère l’auteur apparent du dommage de sa responsabilité que si ces évènements expliquent à eux seuls le dommage.

C’est cette théorie de l’équivalence des conditions qui a été primée par la Cour de cassation254.

250 P. VAN OMMESLAGHE, D. BATSELE et J. JAUMOTTE, Droit des obligations, Bruxelles, P.U.B., 2000, pp. 644-651 ; F. FAGNART, Responsabilité. Traité théorique et pratique, Kluwer, 2008, pp. 26-41

251 Cette théorie a pour variante la théorie de la cause la plus efficiente. Il est question de cette théorie lorsqu’une faute n’a pu causer un dommage que par suite du concours d’une autre cause sans laquelle le dommage ne se serait pas produit. La responsabilité ne sera retenue que dans le chef de l’auteur qui a commis la faute qui est la plus est « apte » à entraîner le préjudice..

252 Cette théorie des rejetée par la Cour de cassation : Cass., 12 janv. 2007, R.D.C., 2007, p. 786, note C. VAN SCHOUBROECK

253 H. DE RODE, Le lien de causalité, in Responsabilités - Traité théorique et pratique, Kluwer, 1998, liv. 11; I. DURANT, A propos de ce lien qui doit unir la faute au dommage, in Droit de la responsabilité, C.U.P., 2004, vol. 68, pp. 7 et ss.

254 Cass., 17 juin 1980, R.W., 1980-1981, col. 524 ; Cass., 31 octobre 1984, Pas., 1985, p. 292 ; Cass., 13 février 1987, Pas., 1987, p. 715 ; Cass., 15 mai 1990, Pas., 1990, p. 1054 ; Cass., 15 mars 1995, Larcier Cass., 1995, n° 355 ; Cass., 8 octobre 2002, P.01.1132.N ; Cass., 28 mai 2008, Pas., 2008, p. 1335.

L’appréciation du lien causal exigé par les articles 418 à 420 du Code pénal s’effectue, dès lors, par application de cette théorie, la Cour de cassation précisant notamment à ce sujet que « l’homicide involontaire n’exige pas que le défaut de prévoyance ou de précaution commis par le prévenu soit la seule cause du décès ; il faut, mais il suffit, que l’imprudence ait été la condition nécessaire du décès »255.

Le lien causal doit encore être certain256.

Pour obtenir une indemnisation, le rapport de cause à effet est un élément constitutif essentiel de la responsabilité. Même s’il y a faute et dommage, il n’y a pas d’obligation à réparer si entre les deux, il n’y a pas de relation causale257.

En d’autres termes, il suffit de poser la question de savoir si, sans la faute, le dommage se serait réalisé tel qu’il s’est produit. Si la réponse est affirmative, le lien de causalité n’existe pas. Si elle est négative, le lien de causalité est établi258.

Il appartient, dès lors, au juge d’établir avec certitude le lien de causalité entre la faute et le dommage invoqué259. Cette « certitude judiciaire » doit se fonder sur des éléments probants

et non sur des probabilités, fussent-elles, grandes260.

Il s’en déduit qu’en droit pénal, la théorie de la perte d’une chance ne trouve pas à s’appliquer261.

Ainsi, pour un prévenu médecin, la perte d’une chance de survie ou de guérir du patient262 – qui ne débouche pas sur la survie ou la guérison – doit entraîner l’acquittement du prévenu. En effet, sur le plan de la causalité, soit le médecin est coupable, soit il ne l’est pas. C’est le système du tout ou rien.

255 Cass., 14 octobre 1975, Pas., 1976, p. 187.

256 I. DURANT, A propos de ce lien qui doit unir la faute au dommage, in CUP, Droit de la responsabilité. Morceaux choisis, Laricer, vol. 68, 2004, pp. 27-33 ; J.L. FAGNART, Petite navigation dans les méandres de la causalité, R.G.A.R., 2006, p 14080

257 H.DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, T II, p. 959 ; voir aussi I. DURANT, A propos de ce lien qui doit unir la faute au dommage, in CUP, Droit de la responsabilité, 2004, volume 68, p. 15

258 J.L. FAGNART, La perte d’une chance ou la valeur de l’incertain, in La réparation du dommage, Questions particulières, Anthémis, 2006, p. 81.

259 Cass, 17 février 1992, Pas., 1992, p. 534.

260 voir Cass., chambres réunies, 1er avril 2004, J.T., 2005, p. 357.

261 Cass. (ch. réun.), 1er avril 2004, J.T., 2005, p. 357 note N. Estienne; R.W., 2004-2005, p. 92 note I. BOONE; R.G.D.C., 2005, p. 368, note C. EYBEN ; Voir également au sujet de cet arrêt : F. DELOBBE et C. DELVAUX, La perte de chance de guérison ou de survie, un préjudice imaginaire?, in Droit médical, C.U.P., Larcier, vol. 79, 2005, p. 283-287.

262 A. MASSET, La perte d’une chance de survie retenue comme élément de l’homicide involontaire, R.G.A.R., 1999, n° 13153.

Un tempérament à la théorie de l’équivalence des conditions : Fraus omnia corrumpit

D’un point de vue de la réparation civile, lorsqu’une faute est en concours avec une infraction intentionnelle, la faute de la victime s’efface au profit de l’infraction volontaire. La partie préjudiciée bénéficie, dès lors, du droit à une indemnisation complète de son dommage. En effet, dans un arrêt du 6 novembre 2002263, la Cour de cassation a retenu « qu’en vertu des

articles 1382 et 1383 du Code civil, lorsqu’un dommage a été causé par les fautes concurrentes de la victime et du prévenu, celui-ci ne peut, en règle, être condamné envers la victime à la réparation entière du dommage; (…) toutefois, le principe général du droit fraus omnia corrumpit, qui prohibe toute tromperie ou déloyauté dans le but de nuire ou de réaliser un gain, exclut que l’auteur d’une infraction intentionnelle engageant sa responsabilité civile puisse prétendre à une réduction des réparations dues à la victime de cette infraction en raison des imprudences ou des négligences qu’elle aurait commises;

Attendu qu’après avoir constaté que le préjudice résultant des préventions C (faux en écritures et usage de faux) et D (escroquerie), ayant entraîné la condamnation pénale du défendeur, sur la base desquelles la demanderesse ( une banque victime des agissements de X) s’était constituée partie civile, s’élevait à 183.000.000 BEF, l’arrêt condamne le défendeur à payer à la demanderesse les deux tiers seulement de ce montant, au motif que celle-ci avait commis des négligences et des imprudences en relation causale avec le dommage tel qu’il s’est réalisé; Qu’ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision ».

3.5 L’élément moral des infractions qualifiées de réglementaires ou de

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