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L’état de nécessité

Dans le document Principes de droit pénal (Page 75-78)

CHAPITRE PREMIER : LA DIVISION DES INFRACTIONS

4.5 L’état de nécessité

4.5.1 Définition

L’état de nécessité est une construction doctrinale et jurisprudentielle qui ne se trouve pas dans le Code pénal ; l’état de nécessité découle d’une « obligation morale » et est invoqué en l’absence d’une disposition légale justifiant l’intervention319. Il n’est pas inutile de rappeler

volontaires, le consentement de la victime n’annule ni le caractère illégal des faits ni la culpabilité de l’auteur et, dès lors, ne constituepas une cause de justificatio ».

315 Cass., 26 février 1934, Pas., p. 174 ; Cass., 18 février 1952, Pas., p. 352. 316 Cass., 30 novembre 1903, Pas., 1904, p. 59 ; Cass., 22 juillet 1949, Pas., p. 561. 317 Cass., 13 janvier 1983, J.T., 1985, p. 9 ; Cass., 27 juillet 1891, Pas., P. 228. 318 Voy. Infra. Titre 4, Chapitre 2.

qu’avant 1987 et la consécration jurisprudentielle de l’état de nécessité320, une partie de la doctrine assimilait cette cause de justification à la contrainte morale.

Dans son arrêt de principe, la Cour de cassation a défini l’état de nécessité comme la situation dans laquelle se trouve une personne qui, eu égard à la valeur respective des devoirs en conflit et en présence d'un mal grave et imminent pour autrui321, estime qu'il ne lui était pas possible de sauvegarder autrement un intérêt plus impérieux qu'elle avait le devoir ou qu'elle était en droit de sauvegarder avant tous les autres, qu'en commettant les faits qui lui sont reprochés322. Il s’agit d’un conflit entre deux valeurs dont une de celle-ci a la primauté. L’agent ne doit pas avoir eu d'autre moyen pour sauvegarder celle-ci que de commettre une infraction323. La

situation place la personne face à un dilemme.

4.5.2 Conditions

La Cour de cassation énonce clairement quatre conditions que l’état de nécessité doit remplir pour être admis comme cause de justification objective324 :

-­‐ La valeur du bien sacrifié ne peut pas être supérieure à celle du bien sauvegardé. -­‐ Le péril auquel est exposé l’intérêt doit être imminent et grave.

-­‐ Le mal ne peut pas être évité autrement que par l’infraction.

-­‐ L’agent ne peut pas avoir créé par son fait et volontairement ce péril.

Sont en effet imposées de strictes limites à l’état de nécessité.

Proportion entre la valeur sauvegardée et la valeur sacrifiée

« Ce qui justifie l'acte de l'agent, qui agit sous l'empire de la nécessité, ce n'est pas la perte de la liberté de choisir, c’est le souci de sauvegarder un devoir qui présente un intérêt primordial, en sacrifiant un devoir qui revêt une importance sociale moindre »325.

320 Cass. (2e ch.), 13 mai 1987, R.C.J.B., 1989, p. 588 ; J.T., 1988, p. 170 ; J.L.M.B., 1987,

p. 1165, note Y. HANNEQUART ; A. DE NAUW, « La consécration jurisprudentielle de l'état de nécessité », obs. sous Cass. 13 mai 1987, R.C.J.B., 1989, p. 593 à 630.

321  Cela peut toutefois également être un mal pour soi même.    

322 Cass. (2e ch.), 13 mai 1987, R.C.J.B., 1989, p. 588, note A. DE NAUW ; J.T., 1988, p. 170 ; J.L.M.B., 1987, p.1165, note Y. HANNEQUART ; J.T., 1988, p. 170 ; Vl. T. Gez., 1987-1988, note M. VAN LIL. Cet arrêt de principe a trouvé confirmation dans la jurisprudence ultérieure. Voy., entre autres, Mons, 22 novembre 1996, Rev. dr. pén., 1997, p. 575 et note et corr. Charleroi, 25 mars 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1167 et note.

323 Cass., 13 mai 1987, Pas., I p. 1061-1064 ; Cass., 10 janvier 1995, Pas., I p. 30 ; Cass., 5 avril 1996, Pas., p. 111.

L’intérêt à sauvegarder doit être supérieur ou égal à l’intérêt sacrifié.

Cette évaluation des intérêts en présence est à la fois la condition la plus essentielle et la plus délicate de l’état de nécessité ; l’agent doit peser les valeurs en présence. Son évaluation fera l’objet d’un contrôle en fait du juge au regard d’une échelle de valeurs objective

Présence d’un péril grave et imminent

L’intérêt à protéger doit être mis en danger par un mal imminent, grave et certain326.

S’il n’est pas nécessaire que le dommage soit réalisé, le danger grave et anormal ne peut pas n’être qu’éventuel.

La personne menacée par le danger pouvant être indifféremment l’agent lui même ou un tiers.

Nécessité de l’infraction

L’agent ne doit pas avoir eu d’autre moyen raisonnable d’éviter le mal327. Origine non volontaire

Contrairement à ce qu’il en est pour la contrainte328, le fait de s'être placé soi-même dans cette situation n'exclut, en principe, pas l'état de nécessité comme cause de justification, même si cela résulte d'une faute329.

Mais dans ce cas, il existe certaines restrictions :

325 A. DE NAUW, « La consécration jurisprudentielle de l’état de nécessité », note sous Cass. (2e ch.), 13 mai 1987, R.C.J.B., 1989, p. 602 ; voir C. const., 26 septembre 2013, n° 127/2013 sur l’état de nécessité combiné avec l’article 458bis du Code pénal.

326 Voy. à titre exemplatif, Cass., 10 janvier 1995, P.93.0976.N., Pas., 1995, I, p. 30 et Cass., 28 février 1955,

Pas., 1955, I, p. 709 ; Cass., 24 janvier 2007, J.T., 2007, p. 353, Rev. dr. pén., 2007, p. 385 ; Cass., 28 avril 1999, P. 98.1596.F.

327 Voy. Liège, 28 juin 1979, Rev. rég. dr., 1979, p. 1028 ; Cass., 12 décembre 1978, Pas., 1979, I, p. 419 ; Bruxelles, 11 mars 1997, Rev. dr. pén., 1987, p. 856.

328 Voy. infra.

329 Cass., 13 mai 1987, Pas., I p. 1061-1064 ; J. CONSTANT, Manuel du droit pénal, principe général du droit

pénal positif belge, Liège, 1956, p. 411 à 427 ; A. DE NAUW , " La consécration jurisprudentielle de l'état de nécessité", obs. sous Cass. 13 mai 1987, R.C.J.B., 1989, p. 593 à 630 ; HENNAU C. et VERHAEGEN J., Droit pénal général, 3e éd., Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 188 à 204 ; SCHUIND G., Traité pratique du droit criminel, 4e éd., t. I, Bruxelles, Swinnen, 1980, p. 170 à 171 ; F. TULKENS, M. VAN DE KERCHOVE, Y. CARTUYVELS et C. GUILLAIN, Introduction au droit pénal. Aspects juridiques et criminologiques, Kluwer, 10ème éd., 2014, p. 391-392...

-­‐ La faute ne peut pas être intentionnelle : l’auteur ne peut pas s'être mis volontairement dans un état de nécessité, ni s'être placé dans cette situation avec l'intention de commettre une infraction330. L’auteur ne peut pas non plus s'être mis en toute conscience dans une situation dont découle de façon prévisible un conflit d’intérêts331. -­‐ Si les intérêts en présence sont égaux, il peut être considéré que les intérêts de la

victime doivent être privilégiés sur ceux de l’agent fautif332.

-­‐ La faute ne peut pas être à ce point grave qu’elle domine la solution du conflit333.

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