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Les peines applicables aux personnes morales

Dans le document Principes de droit pénal (Page 94-98)

CHAPITRE PREMIER : LA DIVISION DES INFRACTIONS

2.4 Les peines applicables aux personnes morales

Il n’était pas envisageable d’emprisonner une personne morale, le législateur a, dès lors, opté pour l’amende comme peine de référence (voir l’article 7bis du Code pénal).

2.4.1. L’amende

Plutôt que de modifier chacune des lois d’incrimination afin d’y prévoir la peine applicable aux personnes morales, le législateur a choisi d’insérer dans la loi un mécanisme de conversion des peines privatives de liberté en peines d’amende applicables à toutes les infractions : il s’agit de l’article 41bis du Code pénal407.

Au termes de cet article lorsque la loi prévoit pour le fait une peine privation de liberté à perpétuité, l’amende est de 240.000 à 720.000 euros à majorer des décimes additionnels. Lorsque la loi, prévoit pour le fait qu’une seule amende, aucune conversion n’est nécessaire puisque la loi précise que l’amende pouvant frapper la personne morale est la même que l’amende pouvant frapper la personne physique.

Lorsque la loi, prévoit pour le fait une peine privation de liberté et/ou une amende, l’amende applicable est au moins de cinq cents euros multipliés par le nombre de mois correspondant au minimum de la peine de privation de liberté sans pouvoir être inférieure au minimum de l’amende prévue pour le fait. Le maximum s’élève à deux mille euros multipliés par le nombre de mois correspondant au maximum de la peine privation de liberté, sans pouvoir être inférieur au double du maximum de l’amende prévue pour le fait.

On constate à ce propos que n’est pas visée l’hypothèse d’une peine d’emprisonnement inférieure à un mois qui est exprimée en jours. La Cour de cassation a considéré que, dans ce cas, la peine à appliquer à la personne morale est une peine d’amende correspondant au minimum de l’amende prévue pour ce fait408 sans pouvoir être inférieure à 500 euros à majorer des décimes additionnels.

Pour les peines privatives de liberté et/ou d’amende de police, l’amende pouvant frapper la personne morale est de 25 à 250 euros à majorer des décimes additionnels.

407 Notons que les montants visés par cet article 41bis du Code pénal se voient appliquer des décimes additionnels, comme, en principe, l’ensemble des amendes sanctionnant les infractions prévues par le droit pénal belge.

L’amende prononcée à charge d’une personne morale présente la particularité de ne pas pouvoir être assortie d’une peine subsidiaire409.

Notons encore que les principes généraux du droit pénal ( les articles 1 à 100bis) s’appliquent à ces peines d’amende. Ceci implique la possibilité que la personne morale pourrait se voir appliquer notamment des circonstances aggravantes (subjectives ou objectives) pour autant qu’elles lui soient transposables, des circonstances atténuantes, les règles relatives à la tentative, à la récidive, au concours…

Selon les travaux préparatoires de la loi, il faut d’abord procéder à la conversion de l’emprisonnement en amende avant d’appliquer les dispositions du livre Ier susceptibles de diminuer ou d’augmenter la peine (circonstances atténuantes, récidive, concours, participation,…)410. Cette solution ne manque cependant pas de poser problème. A titre

exemplatif, pour l’application de circonstances atténuantes à des crimes, les articles 80 et 81 du Code pénal ne tiennent compte que des peines privatives de liberté.

2.4.2. Les peines spécifiques

A côté de l’amende – peine principale – le législateur a prévu, pour les personnes morales, plusieurs peines spécifiques qui sont mentionnées à l’article 7bis du Code pénal.

Il s’agit de la dissolution de la personne morale (art. 35 C.P.), que l’on pourrait qualifier de « peine capitale ». Elle ne peut être prononcée que s’il est établi que la personne morale a été intentionnellement créée afin d’exercer les activités punissables pour lesquelles elle est condamnée ou lorsque son objet a été intentionnellement détourné afin d’exercer de telles activités. La dissolution ne peut toutefois être prononcée à l’égard des personnes morales de droit public411. Lorsqu’il décide de la dissolution, le juge renvoie la cause devant la juridiction compétente pour connaître de la liquidation de la personne morale.

Sont également prévues l’interdiction (définitive ou temporaire) d’exercer une activité relevant de l’objet social (à l’exception des activités qui relèvent d’une mission de service public) (art. 36 C.P.) et la fermeture d’un ou plusieurs établissements (à l’exception des

409 Cass., 10 mars 2004, P.03.1233.F, J.L.M.B., 2004, p. 1363, Rev. dr. pén., 2004, p. 944 et note F.KÉFER ; cass., 7 septembre 2004, P.04.0465.N.

410 Voy. la discussion des amendements n°s 16 et 17, Doc. parl., Sénat, sess. ord. 1998-1999, n° 1-1217/6, pp. 27- 28.

411 Elle pourrait l’être, en revanche, à l’égard d’une A.S.B.L. exerçant une mission de service public, telle une crèche (A. MASSET, La loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales : une extension du filet pénal modalisé, J.T., 1999, p. 658).

établissements où sont exercées des activités qui relèvent d’une mission de service public) (art. 37 C.P.). Ces sanctions ne peuvent être prononcées que dans les cas prévus par la loi412. La publication et la diffusion de la décision (art. 37bis C.P.) constituent également des peines qui peuvent être infligées à la personne morale condamnée, soit à titre de peine principale, soit à titre de peine accessoire413. Ces sanctions pourront être prononcées par le juge dans les cas prévus par la loi414.

2.4.3. La confiscation

La peine de confiscation spéciale – peine accessoire - prévue par les articles 42 à 43quater du Code pénal peut être appliquée à la personne morale comme elle l’est à l’égard de la personne physique. Cette peine est particulièrement efficace pour sanctionner les personnes morales, puisqu’elle permet de confisquer les avantages patrimoniaux tirés d’infractions et de les priver des bénéfices qu’elles auraient faits, directement ou indirectement. Elle ne peut toutefois s’appliquer aux choses qui ont servi ou qui ont été destinées à commettre l'infraction lorsqu’il s’agit de biens appartenant à une personne morale de droit public condamnée et déclarés civilement insaisissables, conformément à l'article 1412bis du Code judiciaire415.

2.4.4. Les autres peines accessoires

Certaines autres peines accessoires prévues à l’encontre des personnes physiques ne peuvent, à l’instar de la peine d’emprisonnement, être transposées aux personnes morales. Il en va ainsi de l’interdiction de certains droits civils et politiques416 ou de la destitution des titres, grades

et fonctions publiques417.

2.4.5. L’article 50bis du Code pénal

En cas de cumul de responsabilité de la personne physique et de la personne morale, l’article 50bis du Code pénal prévoit que nul ne peut être tenu civilement responsable du payement

412 Voy. par exemple l’art. 145 du décret de la Région wallonne du 18 décembre 2003 relatif aux hébergements touristiques.

413 Doc. parl., Sénat, sess. ord. 1998-1999, n° 1-1217/6, pp. 25-26 414 Article 37bis du Code pénal.

415 C. NYSSENS, Le principe de l'immunité d'exécution des pouvoirs publics assoupli par le législateur, R.R.D., 1994, pp. 299-311; A. STRANART et P. GOFAUX, « L'immunité d'exécution des personnes publiques et l'article 1412bis du Code judiciaire », J.T., 1995, pp. 437-447 ; adde Bruxelles 19 novembre 1997, R.W. 1997-1998, p. 1290.

416 Articles 31 à 34 du Code pénal. 417 Article 19 du Code pénal.

d’une amende à laquelle une autre personne est condamnée, s’il est condamné pour les mêmes faits.

2.4.6. Les modalités de la peine

Quant aux modalités de la sanction, il est loisible au juge qui établit la culpabilité de la personne morale de suspendre le prononcé de sa condamnation ou de surseoir à l’exécution de tout ou partie de la peine. Il convient à cet égard de s’en référer à l’article 18bis de la loi du 29 juin 1964 relative au sursis, à la suspension et à la probation, introduit par l’article 21 de la loi du 4 mai 1999, qui fixe les montants à prendre en considération pour qu’une personne morale déjà condamnée puisse bénéficier de la suspension du prononcé ou du sursis.

2.4.7. Le mandataire ad hoc

L’article 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale dispose que lorsque les poursuites contre une personne morale et contre la personne habilitée à la représenter sont engagées pour les mêmes faits ou des faits connexes, le tribunal compétent pour connaître de l’action publique contre la personne morale désigne, d’office ou sur requête, un mandataire ad hoc pour la représenter. En d’autres termes, comme le rappelle la Cour constitutionnelle418, l’article 2bis vise, selon les travaux préparatoires419, à répondre à la question de savoir comment une personne morale peut comparaître lorsque ses représentants sont eux-mêmes cités en leur nom propre et à résoudre les difficultés résultant du conflit d’intérêts pouvant surgir lorsque cette personne morale et ses représentants sont l’une et les autres poursuivis. La Cour ajoute que la restriction au libre choix d’un avocat - alors que ce choix ne pourrait être discriminatoirement limité sans porter atteinte aux garanties de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme – ne saurait être admise que si le risque de conflit d’intérêts auquel le législateur s’est référé lors de l’adoption de l’article 2bis est avéré. En effet, un tel conflit est manifeste dans l’hypothèse visée à l’article 5, alinéa 2, première phrase, du Code pénal, puisque cette disposition, en excluant le cumul de responsabilité, prévoit une cause exclusive de la peine en faveur de la personne, physique ou morale, qui a commis la faute la moins grave.

Dans l’hypothèse visée à l’article 5, alinéa 2, deuxième phrase, du Code pénal, qui concerne les fautes commises « sciemment et volontairement » et permet la condamnation tant de la personne morale que de la personne physique, le législateur a pu raisonnablement considérer

418 C.A., 5 décembre 2006, n°190/2006.

qu’un conflit d’intérêts ne pouvait être a priori exclu420. Or, ni dans l’une, ni dans l’autre hypothèse, il n’est opportun de confier au juge d’apprécier le conflit d’intérêts éventuel sous peine de l’obliger à préjuger du fond421.

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