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La légitime défense

Dans le document Principes de droit pénal (Page 69-74)

CHAPITRE PREMIER : LA DIVISION DES INFRACTIONS

4.2 La légitime défense

4.2.1 Principe et champ d’application

La légitime défense est consacrée par l’article 416 du Code pénal. Aux termes de cet article, « Il n'y a ni crime ni délit, lorsque l'homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d'autrui » 276.

Toutefois, la légitime défense trouve sa source dans un principe général277, celui du droit de tout homme exposé à un mal de repousser la force par la force pour protéger sa personne ou

273 Voy. Infra. Titre 4, section sur les causes de justification subjectives.

274 Voy. J. CONSTANT, Précis de droit pénal, 6ème éd., 1975, p. 225 contra F. ROGGEN, F. KUTY, A. WEYEMBERGH, Droit pénal général, Titre II- L’infraction, P.U.B, 2e éd., 2006-2007, p.168.

275 Il convient de préciser qu’il n’existe actuellement aucune appellation exempte de critique et qui est consacrée de façon unanime en doctrine.

276 Les homicides, blessures et coups volontaires sont les « formes les plus courantes de résistance à l’agression » (F. TULKENS, M. VAN DE KERCHOVE, Y. CARTUYVELS et C. GUILLAIN, Introduction au droit pénal. Aspects juridiques et criminologiques, Kluwer, 10ème éd., 2014, p. 378).

celle d’autrui ; ce droit ne peut pas excéder certaines bornes : la réaction violente doit être modérée278. Il est en conséquence admis que cette cause de justification, bien que située dans le second livre du Code pénal, s’étend à toute infraction279.

La question de savoir si la légitime défense peut justifier des infractions non intentionnelles est controversée. Si la Cour de cassation belge semble pencher dans le sens de l’exclusion des infractions involontaires et ce, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation française280, la question reste toutefois ouverte. Nous ne pouvons qu’être sensible à une décision dissidente qui avance que « […] l'on peut en effet se trouver en présence d'un acte de défense tout à fait volontaire mais dont les conséquences n'ont pas été voulues par l'auteur et qui, partant, sont involontaires dans leur prolongement »281.

La légitime défense peut être définie comme la situation où « n’ayant pas la possibilité d’écarter une agression grave et actuelle contre sa personne ou celle d’un tiers autrement qu’en commettant l’infraction, l’agent se défend d’une manière proportionnée à cette attaque injuste »282.

4.2.2 Conditions

Il existe plusieurs conditions, nécessaires et suffisantes, pour bénéficier de la cause de justification objective de légitime défense283 ;

Selon la Cour de cassation, « ... le juge du fond vérifie notamment si l’homicide, les blessures ou les coups ont constitué une défense, si celle-ci était nécessaire et si elle était proportionnée à l’attaque. Il se fonde ainsi sur les circonstances de fait et en tenant compte des réactions que la personne agressée pouvait et devait raisonnablement avoir »284.

278 J.J. HAUS, Principes généraux du droit pénal belge, t. I, 3e éd., Gand, Librairie générale de Ad. Hoste, 1879, rééd. Bruxelles, Swinnen, 1977, p. 469, n° 616.

279 T. ONGENA , « Wettige verdediging of noodweer », Strafrecht en strafvordering-commentaar met overzicht van rechtsprzzk en rechtsleen, Kluwer, 2000, p. 183 ; A. VERHEYLESONNE, in Droit pénal et procédure pénal, Kluwer, f.mob., Suppl de janvier 2011.

280 Cass. Fr., 28 novembre 1991, R.S.C., 1992, p. 751 ; Cass., 3 mars 1999, Rev. dr. pén, 1999, p. 1208 ; contra corr. Charleroi, 23 novembre 1998, Rev. dr. pén., 2002, p. 605 et note J.-F. DISTER. (jugement réformé en appel par la cour d’appel de Mons du 16 juin 1999).

281 Corr Charleroi, 23 novembre 1998, J.L.M.B., 2001, p. 233 et note J.-F. DISTER, « L’admissibilité de la légitime défense en matière d’infractions non intentionnelles ».

282 Cass., 19 avril 2006, P.06.00.18.F.

283 Concl. Av. gén. D. VANDERMEERSCH sous Cass., 19 avril 2006, P.06.00.18.F; F. TULKENS, M. VAN DE KERCHOVE, Y. CARTUYVELS et C. GUILLAIN, Introduction au droit pénal. Aspects juridiques et criminologiques, Kluwer, 10ème éd., 2014, p. 379.

L’appréciation des conditions de la légitime défense s’effectue in concreto285 et en fait286, et relève dès lors du pouvoir souverain du juge du fond287.

1° Conditions d’existence

Les conditions d’existence (ou d’ouverture288) impliquent que relève de la légitime défense, l’acte qui :

-­‐ Constitue une défense contre une agression289,

L’agression doit présenter plusieurs caractéristiques :

Elle doit être actuelle ou imminente290 ; la défense ne peut être exercée à titre préventif contre un mal éventuel291, ni être une réaction à l'agression "à titre curatif" ou "à titre vindicatif"292. L’agression doit être injuste et illégale293 .

Il doit en outre s’agir d’une agression grave294, c’est-à-dire de nature à faire craindre à la personne un péril grave pour son intégrité physique ou psychique295.

L’agression doit être dirigée contre les personnes296. L’article 416 du Code pénal prévoit en effet « la légitime défense de soi-même ou d’autrui ». Il s’ensuit que n’est pas reconnue

285 Cass., 7 décembre 1977, Pas., 1978, p. 398.

286 Cass., 19 avril 2006, P.06.00.18.F ; Cass., 23 décembre 1986, Pas., 1987, p. 513.

287 Cass., 5 mai 2004, P.04.0109.F ; Cass., 12 juin 2002, P.02.0358.F. Voy. également Cass. 28 février 1989,

Pas., 1989, I, p. 662 et Liège, 26 février 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1175.

288 C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 3ème éd., 2003, p. 205 ; D. VANDERMEERSCH, Eléments de droit pénal et de procédure pénale, Bruxelles, La Charte, 5ème éd., 2015, p. 98.

289 F. TULKENS, M. VAN DE KERCHOVE, Y. CARTUYVELS et C. GUILLAIN, Introduction au droit

pénal. Aspects juridiques et criminologiques, Kluwer, 10ème éd., 2014, pp. 379 et s.

290 D. VANDERMEERSCH, Eléments de droit pénal et de procédure pénale, Bruxelles, La Charte, 5ème éd., 2015., p. 99 ; Cass., 26 janvier 1959, Pas., I, p. 526 ; Cass., 22 janvier 1991, Pas., p. 469.

291 Cass., 22 janvier 1991, Pas., 1991, I, p. 469, Arr. cass., 1990-1991, p. 533 292 Concl. Av. gén. D. VANDERMEERSCH sous Cass., 19 avril 2006, P.06.00.18.F,

293 D. VANDERMEERSCH, Eléments de droit pénal et de procédure pénale, Bruxelles, La Charte, 5ème éd., 2015, p. 98.

294 Cass., 12 juin 2002, P.02.03.58.F.

295 Pour une illustration, voy. J.P. Tournai, 28 mars 2006, J.T., 2006, p. 532. La condition de gravité et d’imminence de l’agression n’est pas mise à mal par le fait que le prévenu ait préparé sa riposte avant les faits (Liège, 4 juin 1992, Rev. dr. pén., 1992, p. 1013).

296 Voir J. VERHAEGEN, « Sollicitations et altérations de la notion de légitime défense », Rev. dr. pén., 1975- 1976, p. 1045.

légitime la défense en réaction à une agression contre les biens297. Il n’existe pas en droit belge de légitime défense de la propriété.

-­‐ Est commis en l'absence de toute alternative (condition de subsidiarité)

La personne ne doit avoir aucun d’autre moyen raisonnable de protection que la commission de l’infraction298. Ainsi, il ne faut notamment pas qu’elle ait eu la possibilité de « faire appel utilement aux autorités pour écarter le mal… »299, ni celle de s’enfuir300.

2° Condition d’exercice

La condition d’exercice exige que la défense soit proportionnée à l’agression301. La défense ne sera légitime que dans la mesure où elle était nécessaire ; la proportionnalité doit toutefois s’apprécier en rapport avec la gravité de la menace302.

4.2.3 Présomptions de l’article 417 du Code pénal

L’article 417 du Code pénal dispose que : «Sont compris, dans les cas de nécessité actuelle de la défense, les deux cas suivants :

Si l'homicide a été commis, si les blessures ont été faites, si les coups ont été portés en repoussant, pendant la nuit, l'escalade ou l'effraction des clôtures, murs ou entrées d'une maison ou d'un appartement habité ou de leurs dépendances, à moins qu'il soit établi que l'agent n'a pas pu croire à un attentat contre les personnes, soit comme but direct de celui qui

297 J. CONSTANT,op cit., p. 343. Sur cette question, voy. not. F. PIEDBOEUF, obs. sous corr. Liège, 21 mars 1980,

J.L., 1981, p. 43 et s. ; P.DE HERT et P.VAN DER MEIJ, « En route pour le Far West ? La légitime défense sous la

loupe », Vigiles, 2004/2, p. 33-39.

298 F. TULKENS, M. VAN DE KERCHOVE, Y. CARTUYVELS et C. GUILLAIN, Introduction au droit

pénal. Aspects juridiques et criminologiques, Kluwer, 10ème éd., 2014, p. 381.

299 D. VANDERMEERSCH, Eléments de droit pénal et de procédure pénale, Bruxelles, La Charte, 5ème éd., 2015. p. 100.

300 Voy. Cass., 19 avril 2006, P.06.00.18.F.

301 Voy. en ce sens Cass., 5 mai 2004, P.04.0109.F, (inédit) ; Cass., 12 juin 2002, P.02.0358.F ; Cass.,

29 septembre 1998, Pas., 1998, I, p. 418 ; Cass., 23 décembre 1986, Pas., 1987, I, p. 513 ; Cass., 24 juin 1942, Pas., I, p. 158. ; voir encore Cass., 23 janvier 2013, Pas., 2013, n° 51 qui retient que la proportionnalité requise pour qu’il y ait légitime défense doit exister entre la gravité de l’attaque et celle de la violence employée pour la repousser, et non entre la violence de celui qui se défend et les lésions qui en ont résulté pour son adversaire..

302 C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 3ème éd., 2003, p. 208 ; Concl. Av. gén. D. VANDERMEERSCH sous Cass., 19 avril 2006, op. cit.

tente l'escalade ou l'effraction, soit comme conséquence de la résistance que rencontreraient les desseins de celui-ci.

Si le fait a eu lieu en se défendant contre les auteurs de vol ou de pillage, exécutés avec violence envers les personnes. »

Ainsi, sont consacrées deux présomptions de légitime défense. Si ces deux hypothèses n’exigent pas que soient réunies les conditions générales de l’article 416, il est toutefois nécessaire que celui qui invoque la présomption ait raisonnablement pu craindre une atteinte contre sa personne ou à celle d’autrui.

La première hypothèse (art. 417, al. 2), en cas de violation nocturne du domicile par escalade ou effraction, constitue une présomption réfragable que le Ministère Public peut renverser s’il prouve « que l'agent n'a pas pu croire à un attentat contre les personnes ».

La seconde (art. 417, al 3), en cas de vol ou de pillage exécuté avec violence est par contre en principe irréfragable 303,304 et a été étendue aux cas d’extorsion305.

4.2.4 La résistance légitime aux abus de l’autorité publique

De façon exceptionnelle, il arrive que des actes posés par des agents de l’autorité publique dans le cadre de leurs fonctions constituent une « agression injustifiée » qui ouvre alors un droit de défense 306.

Ce droit de défense existe et est justifié :

-­‐ lorsqu’il fait face à des actions manifestement illégales et difficilement réparables de l’autorité publique 307;

-­‐ pourvu qu’il n’est fait usage que de violences mesurées308, qui doivent rester dans les

limites d’une résistance strictement nécessaire pour empêcher l’action illégale de l’autorité309.

303 Il existe une évolution doctrinale vers une présomption réfragable voy. F. TULKENS, M. VAN DE KERCHOVE, Y. CARTUYVELS et C. GUILLAIN, Introduction au droit pénal. Aspects juridiques et criminologiques, Kluwer, 10ème éd., 2014, p. 383 et ses références.

304 F. TULKENS, M. VAN DE KERCHOVE, Y. CARTUYVELS et C. GUILLAIN, Introduction au droit

pénal. Aspects juridiques et criminologiques, Kluwer, 10ème éd., 2014, p. 383. 305 Cass., 3 mars 1941, Pas., p. 61.

306 C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 3ème éd., 2003, p. 206 ; Liège, 22 novembre 2012, J.L.M.B., 2013, 1474.

307 C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 3ème éd., 2003, p. 206. 308 C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 3ème éd., 2003, p. 206.

Selon la Cour de cassation, « exceptionnellement, la résistance individuelle à un acte illégal du pouvoir est juridiquement reconnue », à condition « que l’illégalité de l’acte soit flagrante et qu’elle nécessite une réaction sans retard »310.

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