• Aucun résultat trouvé

La compétence d’attribution et le mécanisme de la correctionnalisation La compétence d’attribution permet la distribution des matières entre les différents tribunau

Dans le document Principes de droit pénal (Page 163-168)

CHAPITRE PREMIER : LA DIVISION DES INFRACTIONS

4.3 La compétence d’attribution et le mécanisme de la correctionnalisation La compétence d’attribution permet la distribution des matières entre les différents tribunau

de l’ordre judiciaire. Cette dernière est d’ordre public ce qui implique que les parties, même

696 Selon les pandectes, les circonstances atténuantes comprennent tous les faits, non expressément prévus par la loi qui sont de nature à amoindrir la gravité d’une infraction pénale ou à diminuer la culpabilité personnelle de celui qui en est l’auteur ( Pand. B., v° Circonstances atténuantes, n° 1 cité par J. CONSTANT, Précis de droit pénal. Principes Généraux et Droit pénal positif belge, 1975, p. 579).

697 J. LECLERCQ, Les effets de l’abrogation des lois modificatives et abrogatoires et la règle de l’unanimité dans la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes, Rev. dr. pén., 1982, p. 931 et ss.

698 A. JACOBS et O. MICHIELS, Observations sous Cass., 8 juillet 2008, Les innovations apportées par la loi du 8 juin 2008 à la correctionnalisation des crimes et à la contraventionnalisation des délits, J.L.M.B., 2008, p. 1416.

699 Cass., 14 septembre 1988, Rev. dr. pén., 1989, p. 85 ; comparer toutefois avec C.A., 8 novembre 2006, n° 165/2006 ; C.A., 7 juin 2007, n° 91/2007 ; C.A., 11 janvier 2007, n° 8/2007.

de commun accord, ne peuvent y déroger700. Pour apprécier sa compétence, le juge s’en tient aux seuls faits dont il est saisi.

L’application de ces principes implique que si le juge correctionnel est saisi d’un crime, il lui revient de se déclarer incompétent puisqu’une telle incrimination relève, en principe, de la compétence de la cour d’assises. Si l’on s’en tenait à ce constat, il nous faudrait observer que tous les crimes échapperaient à la compétence d’attribution du tribunal correctionnel. C’est pour atténuer la rigueur de cette règle que le législateur a instauré le mécanisme de la correctionnalisation d’un crime par le biais des circonstances atténuantes ou d’une cause d’excuse701. La même possibilité existe pour le tribunal de police qui peut être saisi d’un délit qui n’entre pas dans sa compétence d’attribution et qui a été contraventionnalisé suite à l’admission de circonstances atténuantes702.

Les principes relatifs à la correctionnalisation d’un crime et à la contraventionnalisation d’un délit contenus dans la loi du la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes avant sa modification par la loi du 8 juin 2008703

4.3.1 La correctionnalisation opérée par les juridictions d’instruction

Les juridictions d’instruction peuvent, par l’admission de circonstances atténuantes704 ou d’une cause d’excuse705, correctionnaliser les crimes visés par l’article 2 alinéa 3 de la loi du 4

700 M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, 2e édition, Collection de la Faculté de droit de l’Université de Liège, Larcier, 2006, p. 666 ; R.P.D.B., TII, v° Compétence en matière répressive, n° 2. Remarquons que lorsque des faits étaient passibles de la réclusion au moment où la chambre du conseil a rendu son ordonnance et qu'ils ont été renvoyés au tribunal correctionnel sans admission de circonstances atténuantes, celui-ci demeure compétent pour connaître de la cause lorsqu'entre-temps, avant qu'une décision fixant la compétence ait été rendue sur la cause, les faits ne peuvent plus être punis que par des peines correctionnelles, suite à une modification législative : Cass., 23 septembre 2003, Pas. 2003, p. 1455; T. Strafr. 2004, p. 163.

701 Articles 2 alinéas 2 et 3 de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes ; sur l’extension de la correctionnalisation à de nombreux crimes voir A. MASSET et D. VANDERMEERSCH, La loi du 21 décembre 2009 relative à la réforme de la cour d’assises : première lecture critique, J.T., 2010, pp. 221 et ss.

702 Article 4 aliéna 2 de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes.

703 A. JACOBS et O. MICHIELS, Observations sous Cass., 8 juillet 2008, Les innovations apportées par la loi du 8 juin 2008 à la correctionnalisation des crimes et à la contraventionnalisation des délits, J.L.M.B., 2008, pp. 1415 et ss.

704 Les circonstances atténuantes retenues ne peuvent toutefois être erronées ; ainsi la cour de Cassation a précisé que la correctionnalisation d'un crime par admission de circonstances atténuantes fondées sur l'absence d'antécédents judiciaires est inexacte dès lors que le prévenu a déjà fait l'objet d'un jugement correctionnel assorti du bénéfice de la suspension du prononcé de la condamnation. Cass., 15 novembre 2006, Rev. dr. pén., 2007, p. 504, et note de X.

octobre 1867706 si elles estiment qu’il n’y a pas lieu de requérir une peine plus sévère qu’une peine correctionnelle. Dans ce cas, le tribunal correctionnel est lié par l’ordonnance ou l’arrêt de renvoi dans la mesure où il retient des circonstances atténuantes ou des causes d’excuse707. En somme, par le mécanisme de la correctionnalisation, le tribunal correctionnel est à même de connaître de faits initialement qualifiés de crime708.

Rappelons au passage que la qualification retenue par les juridictions d’instruction est provisoire. Aussi, le tribunal correctionnel reste maître de la qualification définitive à donner aux faits. Partant, si le juge correctionnel estimait devoir modifier la qualification retenue par la juridiction d’instruction, il demeurerait compétent si le fait requalifié était de la compétence d’une juridiction inférieure. Dans ce cas, les circonstances atténuantes retenues par les juridictions d’instruction n’auraient aucune incidence sur la compétence du tribunal correctionnel. Libéré de l’effet des circonstances atténuantes sur sa compétence, le tribunal pourrait fort bien en reconnaître au prévenu lors de la détermination de la peine pour faire descendre celle-ci d’un degré.

Par ailleurs, lorsque le juge est saisi par une ordonnance ou un arrêt de renvoi qui admet des circonstances atténuantes, celles-ci s'étendent au fait qualifié différemment par le juge du fond, même si l'infraction, sous sa nouvelle qualification, emporte une peine plus élevée709, pourvu que ladite infraction soit susceptible d'être correctionnalisée et que les circonstances justifiant la nouvelle qualification aient été soumises à la juridiction d'instruction et n'aient pas été écartées par elle710.

Dès lors, sous l’empire de l’ancienne loi, il était admis que la correctionnalisation d’un crime s’applique à toutes les qualifications du fait, pour autant que ce fait, sous sa nouvelle qualification, puisse, par le jeu des circonstances atténuantes, être déféré à une juridiction

705 Lorsque la chambre du conseil a précisé sans réserve qu'elle adoptait les motifs des réquisitions du ministère public, et que ces réquisitions motivaient l'admission de circonstances atténuantes, le tribunal saisi ne peut pas se déclarer incompétent voir Cass., 21 mars 2007, J.L.M.B., 2007, p. 796. ; lorsqu’une cause d’excuse est retenue, le juge du fond, tenu par cette cause d’excuse, reste libre d’admettre des circonstances atténuantes au niveau de la peine.

706 Cass., 30 avril 2003, Pas., 2003, p. 907 qui vise l’hypothèse d’un crime non correctionnalisable.

707 Voir : Cass., 21 février 2001, Pas., 2001, p. 345. La Cour de cassation précise encore que l'appréciation des circonstances atténuantes n'appartient aux juridictions d'instruction qu'en vue de déférer une infraction à une juridiction de degré inférieur; en dehors de ces cas, la déclaration faite par une juridiction d'instruction qu'il existe des circonstances atténuantes est sans effet et la juridiction de jugement ne doit pas en tenir compte : Cass., 6 avril 2005, Pas., 2005, p. 782 ; Rev. dr. pén., 2005, p. 1112.

708 M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, 4e édition, Collection de la Faculté de droit de l’Université de Liège, Larcier, 2012, p 759 ; Cass., 11 janvier 1983, RDP, 1983, p 801. 709 Si la peine réprimant le fait nouvellement qualifié n’est pas plus sévère, l’ordonnance de renvoi s’applique de plano : Cass, 17 décembre 1945, Pas., 1945, p 290.

inférieure et que l’éventuelle aggravation de la peine qu’elle entraîne ne résulte pas d’une circonstance ignorée par la juridiction d’instruction ou écartée par elle.711

4.3.2 La correctionnalisation proposée par le ministère public

L’article 2 alinéa 2 de loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes permet, dans les cas qu’il énumère, au ministère public de citer ou de convoquer directement un prévenu du chef d’un crime devant le tribunal correctionnel en raison de circonstances atténuantes ou de causes d’excuse qu’il indique dans son acte introductif d’instance.

Dans cette hypothèse, et contrairement à la correctionnalisation opérée par les juridictions d’instruction, le tribunal correctionnel n’est pas lié par ces circonstances atténuantes ou causes d’excuse. Il peut, dès lors, décliner sa compétence en écartant celles-ci712. Le dossier est dans ce cas renvoyé aux fins qu’il jugera utiles au ministère public. Celui-ci n’est pas démuni de moyens d’action puisque plusieurs solutions s’offrent à lui. En effet, la partie publique pourra soit interjeter appel pour faire infirmer ou annuler la décision d’incompétence, soit requérir un juge d’instruction, soit rédiger un réquisitoire de disqualification et de renvoi devant une juridiction inférieure.

4.3.3 Les innovations apportées au mécanisme de la correctionnalisation par la loi du 8 juin 2008

Les règles relatives à la correctionnalisation sont susceptibles d’engendrer des conflits de juridiction. En effet, dès l’instant où le tribunal correctionnel se déclare incompétent, après avoir été saisi par une juridiction d’instruction, il y a lieu à règlement de juges713 qui, en application des articles 525 à 540 du Code d’instruction criminelle, est résolus par la Cour de cassation seule compétente pour régler de juges.

Ces conflits ralentissent le cours du procès. Aussi, dans un souci d’économie, de rapidité et d’efficacité de la procédure, le législateur a envisagé de permettre au juge du fond, de sa

711 Cass., 4 juillet 1986, Pas., 1986, p 1342 ; Corr. Liège, 6 janvier 1989, J.L.M.B., 1989, 714 ; Ann. dr. Liège 1990, 73 note M. GRISART, Quelques réflexions sur les circonstances aggravantes et leur régime en droit pénal, pp. 92-93 ; Cass, 2 novembre 1988, Pas. 1989, I, 235; Rev. dr. pén., 1989, p. 204, et note P. MORLET, Changement de qualification – Droits et devoirs du juge, Rev. dr. pén., 1990, pp. 582-583.

712 Voir l’article 3 aliéna 2 de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes ; voir aussi, M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, 4e édition, Collection de la Faculté de droit de l’Université de Liège, Larcier, 2012, p. 885.

propre initiative, de correctionnaliser un crime ou de contraventionnaliser un délit s’il estime qu’il y a lieu d’admettre des circonstances atténuantes ou une cause d’excuse714.

En d’autres termes, la loi du 4 octobre 1867 a été modifiée en ce sens puisqu’elle permet maintenant au juge correctionnel de se déclarer compétent en admettant des circonstances atténuantes ou une cause d’excuse lorsqu’il constate qu’il est saisi d’un crime correctionnalisable mais qui ne l’a pas été715. Cette même faculté est offerte au tribunal de police qui pourra se déclarer compétent, en admettant des circonstances atténuantes qui ont été omises par les juridictions d’instruction ou le ministère public, pour connaître d’un délit qui n’entre pas dans sa compétence d’attribution716.

Il s’ensuit que le juge du fond, contrairement aux principes de base de la procédure pénale, s’attribue lui-même la compétence qui lui faisait défaut717.

4.3.4 Restriction aux principes : la citation directe par la partie préjudiciée du chef d’un crime

Si la partie civile lance citation directe du chef d'un crime, le juge ne pourra, par admission de circonstances atténuantes ou de cause d'excuse, régulariser la procédure. En effet, les modifications apportées par la loi du 8 juin 2008 au mécanisme de la correctionnalisation ne visent que les hypothèses de saisine par une juridiction d'instruction ou par le ministère public. Aussi, le tribunal correctionnel, qui est saisi par la citation directe de la partie civile du chef d'un crime, devra nécessairement se déclarer incompétent718.

714 Doc. Parl. Sénat, session 2007-2008, 4-612/1 ; Doc Parl. Chambre, session 2007-2008, 52 1013/001, p. 11 ; voir aussi sur ce point « De lege ferenda –Propositions du ministère public » in Rapport de la Cour de cassation 2004, Bruxelles, Ed Moniteur Belge, 2005, p. 337 ; G. STEFFENS, Les règlements de juges en matière pénale et la lutte contre l’arriéré judiciaire, JT, 2004, p. 613.

715 Article 3 in fine de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes. 716 Article 5 in fine de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes.

717 A. JACOBS et O. MICHIELS, Observations sous Cass., 8 juillet 2008, Les innovations apportées par la loi du 8 juin 2008 à la correctionnalisation des crimes et à la contraventionnalisation des délits, J.L.M.B., 2008, pp. 1417-1418.

Dans le document Principes de droit pénal (Page 163-168)