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0 La thèse de la révélation

Dans le document La réalité des couleurs (Page 178-199)

La thèse de la révélation a été formulée expressis verbi par Mark Johnston, mais on la trouve chez plusieurs auteurs, ou bien implicitement ou bien sous un autre nom, par exemple chez Berkeley, Russell et Galen Strawson :

[…] je ferai appel à quiconque pour savoir s’il est sensé de dire qu’une couleur ressemble à quelque chose d’invisible, que le dur et le doux ressemblent à quelque chose d’intangible et ainsi de suite1.

Bien des assertions peuvent être faites sur cette nuance particulière de couleur que je suis en train de voir : je peux dire qu’elle est marron, plutôt foncée, et ainsi de suite. Mais bien qu’elles expriment des vérités au sujet de la couleur, ces affirmations ne m’apportent pas une meilleure connaissance de la couleur : en ce qui concerne la connaissance de la tache colorée elle-même, par opposition à la connaissance de vérités à son sujet, je connais la couleur complètement et parfaitement au moment où je la vois, et même en théorie aucun accroissement de la connaissance que j’ai d’elle n’est possible2.

Les termes de couleur sont des termes pour des propriétés qui sont d’un genre tel que leur pleine et essentielle nature en tant que propriétés peut être révélée, et l’est entièrement, dans l’expérience d’une qualité sensorielle du fait du seul caractère qualitatif de cette expérience3.

Johnston affirme que la thèse de la révélation est l’une des croyances qui constituent la conception commune de la couleur. Il s’agit d’une croyance épistémologique, décrivant le type de connaissance des couleurs que le sens commun nous attribue, à savoir une connaissance perceptive ou expérientielle de la nature des couleurs. Voici les croyances attribuées par Johnston au sens commun :

(1) Paradigmes. Certaines choses que nous tenons pour des paradigmes de choses jaune canari (par exemple certains canaris) sont jaune canari.

(2) Explication. Parfois, le fait qu’une surface ou un volume ou une source lumineuse soit jaune canari explique causalement notre expérience visuelle des choses jaune canari.

(3) Unité. En vertu de sa nature et de la nature des autres teintes déterminées, le jaune canari, comme les autres teintes a sa propre place, unique, dans le réseau de similarité, de différence et de relations d’exclusion manifestées par la famille des teintes. (Pensons aux relations exemplifiées le long des axes des teintes, de la saturation et de la brillance dudit solide des couleurs. Le solide des couleurs saisit des faits centraux au sujet des couleurs, par exemple que le jaune canari ne ressemble pas aux teintes de bleu autant que ces dernières se ressemblent entre elles, i.e. que le jaune canari n’est pas une teinte de bleu.

(4) Disponibilité perceptive. Une croyance justifiée au sujet du jaune canari des choses extérieures est disponible simplement sur la base de la perception visuelle. Autrement dit, si les choses extérieures sont jaune canari, nous sommes justifiés à

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1 Berkeley G., Principes de la connaissance humaine (1710), trad. par D. Berlioz, Paris,

Flammarion, coll. GF, 1991, §8.

2 Russell, Problèmes de philosophie (1912), trad. fr. F.Rivenc, Paris, Payot, 1989, p. 70. 3 Strawson, « Red and “Red“ », Synthese 78, 1989, pp. 193-232, p. 284.

le croire simplement sur la base de la perception visuelle et des croyances qui l’imprègnent (inform) en général. (Des explications supplémentaires de cette croyance reviendraient à peu près à cela ; si vous regardiez un objet matériel dans ce que vous considérez comme étant des conditions adéquates pour percevoir sa couleur et que vous vous considérez vous-mêmes comme un sujet percevant des couleurs idoine, alors votre croyance visuellement acquise que l’objet matériel est jaune canari est justifiée simplement sur la base de (i) l’information disponible dans l’expérience visuelle pertinente et (ii) les croyances générales d’arrière plan au sujet des causes externes de l’expérience visuelle qui imprègnent (inform) la perception ordinaire.

(5) Révélation. La nature intrinsèque du jaune canari est entièrement révélée par une expérience visuelle normale d’une chose jaune canari1.

La thèse de la disponibilité perceptive est distincte de la thèse de la révélation. La thèse de la disponibilité perceptive concerne la connaissance de la couleur des objets (comme lorsque nous savons que l’herbe est verte), tandis que la thèse de la révélation concerne la connaissance de la couleur elle-même (comme lorsque nous savons que le jaune canari est une disposition2).

Ce point est important. La révélation n’interdit pas l’erreur concernant la perception de la couleur d’un objet, mais elle exclut l’erreur concernant la nature de la couleur elle-même3. Défendre la thèse de la révélation suppose donc de

sécuriser la relation cognitive que nous avons avec elle1.

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1 Johnston M., « How to speak of the colors », Philosophical Studies 68, repris Byrne A.,

Hilbert D. R. (édd), Readings on Color (The Philosophy of Color), Cambridge Mass, The MIT Press, 1997, pp. 221-63, p. 138.

2 Il s’agit ici d’un mauvais exemple. D’une part, les couleurs ne sont pas des dispositions,

d’autre part, la révélation n’est pas une connaissance propositionnelle ou catégorielle sur la couleur.

3 À ce sujet, voir la discussion entre Johnston et Sosa, dans Villanueva E., Perception,

Atascadero, California, Ridgeview Publishing Company, 1996. Johnston pense que la connaissance du fait qu’un objet est coloré relève de la perception, tandis que la connaissance de la couleur relève de l’appréhension sensible (sensing). Certes, quand j’appréhende le rouge de l’objet, j’appréhende une partie de l’objet ou un constituant de l’objet, mais appréhender l’objet dans son intégralité suppose un jugement.

Se tromper relativement à la couleur de l’objet serait juger qu’il a une couleur qu’il ne possède pas.

Une difficulté demeure toutefois. Il semble que si l’on se trompe, c’est que la couleur présente une autre apparence que la sienne. C’est le cas notamment quand un objet est vu dans des circonstances extraordinaires. Dans un cadre objectiviste, si l’on accepte la thèse de la révélation, cela a-t-il un sens de dire qu’une couleur peut présenter une autre apparence que la sienne, puisqu’elle est cette dernière apparence ? Faut-il admettre des apparences subjectives, des qualia ? Les propriétés manifestes pourraient apparaître autrement qu’elles ne sont. On pourrait recourir aux conditions normales, mais cela implique d’admettre des apparences subjectives. Dès lors, il me paraît difficile de soutenir qu’on peut connaître la nature de la couleur et se tromper sur la couleur d’un objet.

En fait, cette difficulté provient du fait qu’on tient la couleur pour une propriété permanente des objets. Si l’on refuse cette dernière proposition, les cas d’erreur seront toujours des cas

Je soutiens que les thèses de la transparence (Campbell2) ou de la manifestation

(Kalderon3), sont des variantes de la révélation4. Ils défendent l’idée d’une

accointance avec la couleur, ce à quoi revient in fine la thèse de la révélation.

§ 1

Qu’est-ce que la révélation ?

Il faut définir plus précisément la révélation. Une définition souvent citée, puisqu’elle est sans doute la première est celle de Byrne et Hilbert. Selon eux, la révélation est la conjonction des deux thèses suivantes5 :

Intimité : S’il est dans la nature de la couleur que p, alors il semble que la couleur est p.

Infaillibilité : S’il semble que la couleur est p, alors la couleur est p. La thèse soutient donc à la fois que notre connaissance des couleurs est complète (condition d’intimité) et que notre connaissance est infaillible (condition d’infaillibilité). Il n’est pas question de soutenir que nous ne pouvons pas nous tromper sur la couleur d’un objet, seulement que nous ne pouvons pas nous tromper sur la nature de la couleur que nous lui attribuons.

La formulation de Byrne et Hilbert soulève des difficultés toutefois. À mon avis, elle a contribué à obscurcir le débat sur la révélation et a semé le trouble chez les

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d’hallucination (où l’on suppose l’existence de ce qui n’existe pas), plutôt que des cas d’illusion (où une chose se présente autrement qu’elle n’est).

La théorie événementielle soutiendra qu’on ne peut se tromper sur la couleur d’un objet, même si l’on peut se tromper en nommant la couleur, ce qui est une autre affaire. Cela parce que, en un sens, elle nie la différence entre la couleur permanente et la couleur transitoire.

Il faut toutefois distinguer entre la perception et l’appréhension sensible (sensing).

Il reste le cas des couleurs illusoires, mais nous verrons comment elle peut être résolue à l’aide d’une théorie sélectionniste de la perception et d’une théorie pluraliste des couleurs. Une solution consiste à dire qu’on peut connaître la nature de la couleur faussement attribuée à l’objet. Mais qu’est-ce que cette couleur ? Quel rapport entretient-elle avec la couleur réelle de l’objet ?

1 C’est ce que fait Johnston dans The manifest.

2 Voir Campbell J., « Transparency Vs. Revelation in Color Perception », Philosophical

Topics 33 (1), 2005, 105-115.

3 Voir Kalderon M. E., « Color Pluralism », Philosophical Review, Vol. 116, No. 4, 2007,

pp. 563-602.

4 Ces auteurs nient qu’elles le soient parce qu’ils ont une conception erronée de la

révélation, provenant souvent de Byrne A., Hilbert D. « Color Primitivism », Erkenntnis 66, 2007, pp. 73–105. Je trouve personnellement dommage de laisser la définition de la révélation à des philosophes qui ne la défendent pas.

5 Byrne A., Hilbert, D. « Color Primitivism », Erkenntnis 66, 2007, pp. 73–105. C’est une

adaptation de la thèse de la transparence de l’esprit, telle qu’elle est formulée par Armstrong. Elle est reprise par Byrne et Hilbert.

théoriciens, notamment primitivistes, qui doivent défendre une version ou une autre de la révélation, mais pas la version de Byrne et Hilbert.

Son défaut principal est qu’elle présente la révélation comme une connaissance propositionnelle, alors que la plupart des tenants de la thèse ou de l’une de ses variantes supposent qu’elle se rapproche de la connaissance par accointance. Leur formulation ajoute également la condition d’intimité qui n’est pas une condition nécessaire de toutes les formes de révélation.

§ 1.1 La révélation est-elle une connaissance propositionnelle ou une connaissance non propositionnelle ?

Byrne et Hilbert présentent la révélation comme une connaissance propositionnelle. C’est une erreur. La thèse de la révélation bien comprise n’est pas que la connaissance des couleurs est une connaissance propositionnelle, par exemple la connaissance de propositions comme « Il y a des couleurs uniques et des couleurs binaires », « La propriété P est une propriété essentielle de la couleur », « L’orange est une couleur binaire », « Mélanger un pigment bleu et un pigment jaune donne du vert », « Il n’existe pas de blanc transparent », etc. La connaissance des couleurs visée par la révélation est une connaissance par accointance.

John Campbell oppose un argument puissant à la thèse de la révélation, dès lors qu’elle est entendue comme une connaissance de propositions chromatiques.

[1] La révélation est la connaissance de propositions chromatiques par l’expérience.

[2] On peut connaître ces propositions sans expérience, par le témoignage d’autrui.

! L’expérience n’est pas nécessaire à la connaissance des propositions chromatiques.

Certes, sans doute quelqu’un doit-il faire l’expérience d’une couleur au départ, mais la connaissance des propositions est ensuite indépendante de cette expérience. Or la thèse de Campbell, la seule plausible, est que la connaissance d’une couleur passe nécessairement par l’expérience :

La révélation serait une connaissance propositionnelle de la couleur, ce que Russell appelle une connaissance des vérités, tandis que la transparence serait une connaissance non propositionnelle des couleurs, ce que Russell appelait accointance ou connaissance des choses. La connaissance des vérités sur la couleur dépendrait de cette connaissance non propositionnelle. Ainsi le sens intuitif selon lequel nous considérons que l’expérience de la couleur nous offre une connaissance des couleurs n’a tout simplement rien à voir avec le fait que nous apprenions tout un ensemble de vérités chromatiques. Il n’est pas évident que l’on apprenne des vérités chromatiques sur la base de l’expérience des couleurs. Et la connaissance des couleurs que nous semblons obtenir sur la base de l’expérience n’est certainement pas épuisée par notre connaissance des vérités chromatiques1.

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1 Campbell J., « Transparency Vs. Revelation in Color Perception », Philosophical

Campbell assure que l’expérience de la couleur n’est pas la connaissance de vérités chromatiques. Connaître des vérités chromatiques, c’est avoir une connaissance structurale, ou fonctionnelle, des couleurs, connaissance que l’on est susceptible d’acquérir même si l’on n’a jamais eu d’expérience de la couleur. Ainsi l’expérience de la couleur nous offre-t-elle une connaissance supplémentaire de la couleur : nous avons connaissance de la propriété catégorique elle-même, de sa nature qualitative. John Campbell écrit :

J’ai dit que selon une approche en terme de Transparence, l’expérience des couleurs, nous donne une connaissance des propriétés catégoriques de couleurs. L’expérience des couleurs ne nous accointe pas seulement avec une caractérisation fonctionnelle quelconque d’une propriété, dont une spécification supplémentaire est une affaire de conjectures1.

Il y a un sens selon lequel la totalité des énoncés chromatiques expose la structure des couleurs, comment elles sont organisées et reliées les unes aux autres. Mais le rôle de l’expérience n’est pas de nous donner immédiatement cette connaissance de la structure des couleurs. Plutôt, il s’agit de nous faire savoir, pour chaque couleur, quelle propriété elle est – les caractéristiques qualitatives des couleurs. C’est l’idée intuitive qui se tient derrière la révélation : que l’expérience de la couleur nous révéle la couleur elle-même. Cette idée intuitive, qu’elle soit vraie ou fausse, n’est pas saisie par la thèse que l’expérience nous offre la connaissance d’une collection de propositions chromatiques2.

Campbell oppose la thèse de la transparence à la thèse de la révélation telle qu’elle est comprise par Byrne et Hilbert, comme une connaissance propositionnelle. Cela le conduit à rejeter la thèse de la révélation et à réserver le terme de « révélation » à ce seul type de connaissance propositionnelle, sa thèse conservant l’intuition correcte sous-jacente à la révélation. La meilleure chose à faire est toutefois de reconnaître que Byrne et Hilbert se trompent sur ce qu’est la révélation et de ne pas multiplier les termes. Si Byrne et Hilbert ne rendent pas compte de l’intuition sous- jacente à la révélation, c’est qu’ils ne rendent pas compte de la révélation tout court. Dès lors, la révélation n’est pas une connaissance propositionnelle, mais une connaissance par accointance.

Johnston étant à l’origine de l’usage du terme, il est utile de considérer comment il introduit le terme. Il le fait à l’aide d’un texte de Russell :

Bien des assertions peuvent être faites sur cette nuance particulière de couleur que je suis en train de voir : je peux dire qu’elle est marron, plutôt foncée, et ainsi de suite. Mais bien qu’elles expriment des vérités au sujet de la couleur, ces affirmations ne m’apportent pas une meilleure connaissance de la couleur : en ce qui concerne la connaissance de la tache colorée elle-même, par opposition à la connaissance de vérités à son sujet, je connais la couleur complètement et

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1 Campbell J., « Transparency Vs. Revelation in Color Perception », Philosophical

Topics 33 (1), 2005, 105-115

2 Campbell J., « Transparency Vs. Revelation in Color Perception », Philosophical

parfaitement au moment où je la vois, et même en théorie aucun accroissement de la connaissance que j’en ai n’est possible1.

Ce texte est tiré d’un passage des Problèmes de philosophie où il est question de la connaissance par accointance, la connaissance de la couleur étant tenue pour un cas paradigmatique d’accointance.

Néanmoins, Johnston est parfois confus et il lui arrive de flirter avec la connaissance propositionnelle, par exemple quand il dit que la révélation nous apprend que :

[…] le jaune canari est une propriété simple, non relationnelle, qui imprègne les surfaces, les volumes et les sources lumineuses2.

Quand il affirme cela, il semble s’avancer et dire que la révélation nous donne des connaissances propositionnelles, alors que ces dernières sont seulement des descriptions de ce qui est donné. Mais s’il est difficile de dire ce qui est révélé sans le décrire, cela ne veut pas dire que ces propositions soient l’objet de la révélation. Il faut en effet prendre garde de distinguer entre la révélation (ou l’expérience) et la phénoménologie en tant qu’enquête descriptive. L’expérience nous présente la couleur et, en tant que telle, elle est une connaissance de la nature de la couleur – nous verrons plus bas en quel sens. Mais il faut ensuite, dans la mesure du possible, produire une description de cette expérience : c’est l’enquête phénoménologique. Cette description peut être aidée par des expériences de pensée et des expériences réelles permettant de mettre à jour certains facteurs. Elle suppose la comparaison entre des expériences, la saisie de ressemblances, etc. La phénoménologie suppose donc qu’on ait eu l’expérience de plusieurs couleurs, alors que la révélation vaudrait même si nous ne pouvions voir qu’une seule couleur – en ce cas, la nature de la couleur serait révélée, mais nous ne connaîtrions pas de propositions chromatiques sur la couleur (son caractère unique ou binaire, par exemple). Décrire suppose d’appliquer des prédicats, valables pour plusieurs couleurs en fonction des ressemblances qu’elles entretiennent3. Nous pouvons donc avancer la distinction

suivante :

Révélation :connaissance expérientielle de la nature d’une couleur Phénoménologie :description des couleurs

La révélation est donc une connaissance par accointance. Je sais ce qu’est ce rouge-ci en en ayant l’expérience. Je peux ensuite décrire ce rouge, sans prétendre pouvoir jamais, par mes descriptions, me substituer à l’expérience. La couleur est, en un sens ineffable, puisque rien ne peut se substituer à l’expérience directe de cette couleur, mais elle ne l’est pas au point qu’on ne puisse rien en dire. On peut

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1 Russell B., Problèmes de philosophie (1912), trad. Rivenc F., Paris, Payot, 1995, p. 70. 2 Johnston M., « How to speak of the colors », Philosophical Studies 68, repris Byrne A.,

Hilbert D. R. (édd), Readings on Color (The Philosophy of Color), Cambridge Mass, The MIT Press, 1997, pp. 221-63, p. 139.

3 La ressemblance peut être fondée sur des propriétés de la couleur. Je soutiens quant à moi

que les ressemblances sont primitives. S’il m’arrive de parler de propriétés c’est en un sens nominaliste.

décrire ses relations aux autres couleurs, décrire ses conditions d’apparition, etc. En comparant les couleurs entre elles, on peut donc dire des choses à leur propos – qui ne seront parfaitement comprises, toutefois, que si l’on a une accointance avec les couleurs. Les couleurs sont donc descriptibles prises ensemble. Je ne crois donc pas, comme semblent le dire Mark Johnston ou Wilfrid Sellars, que nous ayons l’accointance avec des propriétés de second ordre des couleurs et que nous pourrions décrire une couleur en ayant l’expérience d’une seule couleur1. Ces

propriétés, si elles existent, ne sont appréhendées que par comparaison avec les autres couleurs – et il pourrait bien n’y avoir que des prédicats dont l’application repose sur des ressemblances primitives entre les couleurs – ce que je défendrai dans le chapitre III.

Il y a deux difficultés avec le texte de Russell.

D’abord, il soutient que les propositions chromatiques n’augmentent pas notre connaissance de la couleur. Or il semble qu’il y ait un sens où la connaissance des vérités chromatiques accroît notre connaissance des couleurs – je pense par exemple aux espaces chromatiques, aux propositions portant sur la complémentarité des couleurs, etc. Cela n’est pas révélé dans l’expérience d’une couleur mais relève des relations entre les couleurs. Toutefois, Russell ne veut sans doute pas dire que le rouge est ineffable. Il veut simplement dire que l’on peut dire beaucoup de choses sur les couleurs, mais qui sont foncièrement incompréhensibles si l’on n’a jamais eu l’expérience d’une couleur. N’étant pas indépendantes de l’expérience, les vérités chromatiques, en un sens, n’ajoutent rien

Dans le document La réalité des couleurs (Page 178-199)