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Tfh dans l’infection chronique à VIH

Dans le document en fr (Page 95-101)

C. L’échec du système immunitaire dans le contrôle de l’infection à VIH

C.7. Impact du VIH sur la réponse T CD4+ spécifique du VIH

C.7.2 Tfh dans l’infection chronique à VIH

Les caractéristiques clefs de la pathogénèse de l’infection à VIH sont l’activation immune globale et la perturbation du compartiment B. Il est donc essentiel de comprendre le rôle de la réponse Tfh dans l’infection VIH et leur implication dans la perturbation du compartiment B, ainsi que leur implication dans une réponse humorale efficace et notamment dans le

développement de bNAb. La production de bNAb nécessite un nombre d’hypermutations somatiques très important, ce qui suggère que les cellules Tfh jouent un rôle critique dans la capacité du système immunitaire à générer ces anticorps.

L’accumulation des Tfh en phase chronique de l’infection VIH

Alors que l’on observe une perte des cellules Tfh durant la phase aigüe de l’infection à VIH/SIV, la phase chronique est caractérisée par une accumulation aberrante des cellules Tfh activées dans les OLII. L’expansion de cellules Tfh durant la phase chronique est en complète opposition avec la perte des cellules T CD4+ activées dans l’infection progressive non-traitée. (430) (409, 518) (519). Dans l’infection à VIH, Linqdvist et al., montrent qu’au sein des Tfh, les cellules spécifiques du VIH sont fortement amplifiées, particulièrement les cellules Tfh spécifiques de Gag. Leurs travaux suggèrent que la stimulation répétée des cellules Tfh due à la persistance antigénique, est l’un des facteurs permettant d’expliquer leur accumulation dans les OL (520). En effet, plusieurs études font le lien entre la charge virale et l’accumulation des Tfh dans les OL : le traitement antirétroviral induit une diminution de la fréquence des Tfh dans les OL (430) (520), tandis que l’infection contrôlée du SIV soit par vaccination, soit naturellement, présente une fréquence de Tfh modérée en comparaison avec la forte accumulation observée dans l’infection progressive à SIV (521) (522).

Plusieurs études suggèrent que la cytokine pro-inflammatoire IL-6, dont le niveau plasmatique est augmenté durant l’infection VIH,et qui permet la différenciation des Tfh, doit jouer un rôle dans l’expansion anormale de ce sous-type cellulaire. En effet, le fait qu’il y ait une expansion des Tfh durant la phase chronique de l’infection plutôt que lors de la phase aiguë, suggère que l’activation immune, plus que le niveau antigénique, puisse induire l’expansion des cellules Tfh. Les cellules Tfh proliférant peu en phase chronique, une différenciation préférentielle en Tfh des cellules T CD4+ pourrait être la cause de cette accumulation. (518, 523) (524).

Une autre étude a montré que la perte des cellules T folliculaires régulatrices (Tfr), permettant de réguler le degré de prolifération et d’activation des cellules folliculaires, pourrait aussi contribuer à l’accumulation des cellules Tfh durant la phase chronique de l’infection (525).A l’opposé, Boswell et al. montrent une perte des cellules Tfh durant l’infection progressive à VIH. Mais dans cette étude, les auteurs se sont intéressés non plus aux cellules Tfh des CG mais aux Tfh mémoires circulantes du sang périphérique. Les cellules étudiées sont de

phénotype CCR7hi CCR6hi CXCR5hi PD-1hi, un sous-type cellulaire qui dans cette étude possède un profil proche des Tfh des CG et qui a une meilleure capacité d’aide aux cellules B

in vitro en co-culture (70).

L’accumulation des Tfh est corrélée avec la perturbation du compartiment B

L’expansion des Tfh est corrélée à l’hyperplasie des follicules, l’augmentation de la fréquence des cellules B des CG et des cellules B plasmatiques, ainsi qu’à la perte des cellules B mémoires. Concernant la réponse anticorps, l’expansion des cellules Tfh est corrélée avec l’hypergammaglobulinémie typique de l’infection chronique à SIV/VIH, ainsi qu’à l’augmentation d’IgG spécifiques anti-SIV. En effet, Petrovas et al. décrivent une association positive entre la fréquence des cellules Tfh, l’expansion du compartiment B, et l’augmentation d’anticorps circulants de forte affinité contre le SIV, ce qui suggère que l’infection chronique à SIV pourrait ne pas perturber la maturation et la production d’anticorps spécifiques du SIV (518, 523). Néanmoins, la maturation d’affinité pourrait malgré tout être perturbée, bien qu’une fréquence élevée de Tfh induit la prolifération des cellules B, et la stimulation antigénique constante induit une perte de compétition et conduit à la sélection de cellules B de faible affinité (493).

Dysfonction des cellules Tfh dans l’infection VIH

Dans le contexte de l'infection à VIH, une fonction Tfh inadéquate peut expliquer les anomalies fonctionnelles observées dans le compartiment B. En effet, même chez les patients traités, où l’accumulation des Tfh est modérée, une étude sur la réponse vaccinale à H1N1, montre que la fréquence de non-répondeurs au vaccin est plus importante chez les patients traités que chez des individus sains. De plus, la perte de la réponse au vaccin antigrippal corrèle avec une absence du pic de cTfh dans la circulation après vaccination. Enfin, les cTfh de patients non-répondeurs perdent leur fonction helper en comparaison aux répondeurs : perte de la production d’IL-21 et perte de l’aide à la production d’anticorps par les cellules B

in vitro (66, 526).

Cubas et al. ont montré une augmentation de l’expression de PDL-1 sur les cellules B de patients infectés, qui a pour conséquence une inhibition de la fonction Tfh médiée par l’interaction PD-1 / PDL-1. Ils observent lors de co-cultures entre des Tfh et des cellules B mémoires de patients, une perte de l’expression d’ICOS et de la production d’IL-21 par les

cellules cTfh, ainsi qu’une perte de la survie et de la production d’IgG par des cellules B. Le blocage de PDL-1 ou l’ajout d’IL-21 permet la restauration de la production d'IgG dans le système de co-culture Tfh-B. Ces résultats suggèrent que les cellules Tfh de patients infectés par le VIH sont incapables de fournir des signaux adéquats aux cellules B, et que cela peut être expliqué par la dérégulation de l'expression de PDL-1 sur les cellules B (67).

D’autres signes d’altération des cellules Tfh ont été rapportés durant l’infection SIV chronique pouvant expliquer la dysfonction des Tfh dans l’infection, notamment l’induction de cellules Tfh avec un profil Th1, exprimant IL-21, CXCR3, CCR5 et IFNg. Les auteurs suggèrent que l’expansion de ce sous-type Tfh-Th1 contribue à l’hypergammaglobulinémie. Une étude récente, étudiant les cTfh montre un défaut fonctionnel des cellules cTfh chez les patients traités en comparaison des patients Contrôleurs. En effet, les cTfh de patients traités ont un phénotype plus Th1, avec une production d’IFNγ et d’IL-2 perturbant la production d’anticorps par les cellules B en co-culture in vitro. Les auteurs montrent que ce phénotype Th1 est associé à une perte des cellules B mémoires spécifiques du VIH ex vivo. Colineau et al. montrent un défaut des Tfh de la rate chez des patients infectés par le VIH. En effet, l’expression de molécules de costimulation (OX40 et CD40L), nécessaires à l’interaction et l’aide des cellules B, est diminuée chez les individus infectés par le VIH comparés aux individus sains (527).

Il est donc probable que la pauvre qualité des anticorps produits durant l’infection VIH soit la résultante de plusieurs facteurs, incluant la dysfonction Tfh / B, le haut niveau d’antigénémie et l’activation immunitaire.

Les Tfh, compartiment majeur de l’infection, de la réplication, et de la production virale

L’expansion des cellules Tfh spécifiques du VIH/SIV semble en contradiction avec la profonde déplétion des cellules CD4+ spécifiques observée durant l’infection VIH, ce qui pourrait laisser penser que les cellules Tfh sont protégées de l’infection / déplétion. Mais au contraire, il s’est révélé que la population Tfh dans les OL est le compartiment majeur de l’infection, de la réplication, et de la production de VIH/SIV (430, 431) (519, 524). Plusieurs études montrent que les Tfh sont un compartiment réservoir de l’infection VIH/SIV, que cela soit chez les patients traités ou dans l’infection contrôlée VIH/SIV (430, 521, 522). Dans l’infection chronique à SIV, les cellules Tfh produisent en moyenne 6,5 fois plus d’ARN viral que les cellules T CD4+ extrafolliculaires (528) alors que dans l’infection SIV non pathogénique de sooty mangabeys, la réplication virale ne se concentre pas dans les follicules.

chez les patients traités. Parmi les cellules circulantes CM de longue durée de vie, les cellules Tfh sont les plus susceptibles à l’infection et celles qui possèdent le plus d’ADN viral. Même en présence d’antirétroviraux efficaces qui permettent le contrôle de la virémie, le VIH persiste dans ces cellules. Les auteurs suggèrent que ces cTfh infectées proviennent des Tfh des CG(529).

Le mécanisme qui induit une forte réplication virale dans les Tfh n’est pas bien compris. Plusieurs facteurs ont néanmoins été mis en avant.

Facteurs participants à l’infection préférentielle des Tfh

Un facteur qui pourrait contribuer à une forte infection et réplication des Tfh, vient de la présence du réseau de DC folliculaires dans les follicules, qui sont fortement associées aux virions et à proximité des Tfh dans les CG.

Un autre facteur, est la présence de sanctuaires dûe à la faible fréquence de cellules T CD8+ spécifiques du VIH exprimant le récepteur CXCR5 leur permettant de migrer dans les CG et d’éliminer les cellules Tfh infectées (409). En effet, une étude montre un lien entre la fréquence des cellules T CD8+ exprimant CXCR5 présentes dans les follicules B suite à une vaccination et le contrôle partiel de l’infection suite à un challenge avec SIV (530).

Le groupe de Connick montre que les Tfh d’amygdales humaines sont fortement permissives

ex vivo, mais cette forte permissivité ne peut pas être expliquée par une différence de sous-

types mémoires, d’activation cellulaire ou d’expression de corécepteurs à l’entrée virale (CCR5 et CXCR4) (528). Plusieurs autres études ont référencé que malgré une forte réplication dans les cellules Tfh, il y a une perte d’expression de CCR5 et des autres corécepteurs de l’entrée dans les cellules Tfh lors de l’infection progressive à SIV. L’analyse des séquences d’enveloppes ne montre pas de mutations particulières suggérant que le virus utilise les corécepteurs habituels pour infecter les cellules Tfh. Ces deux groupes suggèrent que le SIV et le VIH infectent les précurseurs de Tfh qui expriment CCR5 afin d’établir l’infection dans les Tfh (519, 521, 524, 531).

L’infection perturbe la fonction Tfh

En opposition avec l’étude de Chowdhury et al., plusieurs groupes montrent une l’augmentation des Tfr dans les LN et dans la rate durant l’infection à VIH/SIV(527, 532).Le

groupe de Connick démontre ex vivo que l’augmentation de Tfr est directement liée à l’infection. Il montre que l’augmentation des Tfr dérégulent l’activité des Tfh et suggère un rôle des Tfr dans la dysfonction de la réponse Tfh dans l’infection VIH (532).

L’infection induit aussi une diminution de l’expression de CXCR5 dans la population Tfh, ce qui pourrait avoir pour conséquence la sortie des cellules infectées des CG et donc une perte de l’aide aux cellules B ainsi que la propagation de l’infection dans un contexte immunodépressif(528).

Enfin on observe une ultime déplétion des Tfh durant la phase SIDA dans l’infection progressive à SIV, cette perte étant liée à l’apoptose des cellules Tfh qui sont suractivées conduisant à la perte de l’aide aux cellules B (524).

Les réponses Tfh associées à une production efficace d’anticorps anti-VIH

Plusieurs études ont essayé de comprendre quels sont les marqueurs associés à une bonne réponse Tfh qui permettrait d’induire une réponse anticorps de bonne qualité. Schultz et al. ont montré que les cellules circulantes spécifiques du VIH sécrétant de l’IL-21 sont proches transcriptionnellement des Tfh des CG. Les patients progresseurs avec une charge virale basse présentent une proportion plus importante de ces cellules spécifiques du VIH sécrétant de l’IL-21. De plus, comparées aux cellules IFN-γ+, les cellules IL-21+ étaient surtout engagées dans une réponse contre Env, et ces cellules IL-21+ spécifiques de Env sont particulièrement efficaces dans l’aide aux cellules B. Enfin, les individus vaccinés dans le cadre de l’essai vaccinal RV144, montrent une fréquence supérieure de ces cellules spécifiques pour Env sécrétant de l’IL-21 par rapport aux participants des autres essais vaccinaux qui n’étaient pas protecteurs (137).

Plusieurs études de groupes indépendants ont permis de montrer que la fréquence des cTfh chez les patients infectés corrèle avec la production de bNAb. En effet, Locci et al. ont montré que les cTfh (CXCR5+ PD-1+ CXCR3-) sont proches transcriptionnellement et fonctionnellement des cellules Tfh des CG et que leur fréquence est augmentée chez les individus capables de produire des bNAb (68). Dans une autre cohorte, la fréquence de cTfh corrèle aussi avec la capacité de neutralisation d’une grande diversité de virus (533). Enfin, l’analyse de deux cohortes additionnelles a permis de montrer une forte corrélation entre la fréquence de cTfh et la génération de bNAb (534). L’étude de l’infection SIV et SHIV dans des RhMs a fourni des preuves supplémentaires de l’association des Tfh et de la génération de

bNAb. L’infection de RhMs avec SHIVAD8 induit la production de bNAb en corrélation avec

la fréquence et la réponse des Tfh spécifiques pour Env des CG (535).

Alors que l’accumulation des Tfh dans l’infection progressive à VIH est associée avec la dysfonction du compartiment B et l’hypergammaglobulinémie, de manière paradoxale, l’augmentation de la fréquence des Tfh (CG et circulants) est l’un des seuls corrélats avec le développement de bNAb qui requièrent un grand nombre de mutations et donc une importante aide des Tfh.

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