• Aucun résultat trouvé

Les 3 phases de l’infection

Dans le document en fr (Page 71-74)

L’infection par le VIH entraine une pathologie chronique qui conduit à une immunodépression profonde, le SIDA. Le temps de progression vers le SIDA est variable, habituellement entre 5 et 10 ans, mais des évolutions variables sont décrites. L’histoire naturelle de la maladie se déroule en trois phases : la primo-infection regroupant la transmission et la phase d’infection aiguë souvent symptomatique, la phase de latence clinique aussi appelée phase chronique, qui est asymptomatique, et la phase terminale SIDA, symptomatique (Figure 16).

Transmission du VIH et infection précoce

La transmission du VIH par voie sexuelle est la plus commune, et se produit à la surface des muqueuses via des particules libres ou associées à des cellules infectées (sperme ou cellules de la muqueuse). Plusieurs études utilisant des modèles in vivo de l'infection à SIV ont permis de comprendre les premiers stades de l'infection par le VIH (revue dans (359, 360)). Après l'exposition initiale, les virus libres ou les cellules infectées peuvent traverser la barrière de la muqueuse de multiples façons. Les cellules infectées dites « donneuses » présentes à la

Figure 16: Histoire naturelle de l’infection par le VIH chez un patient non traité. La figure montre l’évolution de la charge virale et du nombre de lymphocytes T CD4+ au cours du temps. Les trois stades de l’infection sont représentés: la phase aigüe ou primo-infection, la phase asymptomatique ou chronique et le stade SIDA. Immunodeficiency threshold: seuil de la proportion de cellules T CD4+ sous-lequel l’individus est considéré comme immunodéficient.

Source: Lisa Chakrabarti

micro-abrasions, soit déposer des particules de VIH à la surface de la muqueuse. Les particules virales libres peuvent alors traverser l'épithélium par transcytose ou passer entre les cellules en cas d’absence de jonctions serrées. D’autres études décrivent que les particules libres peuvent directement infecter les LC résidentes du tissu, les DC ou les cellules T CD4+ intra-épithéliales (361),(362). En quelques heures, le VIH traverse la barrière épithéliale, il va ainsi pouvoir rencontrer des cellules T CD4+ partiellement activées dans le stroma. La réplication productive du virus transmis / fondateur peut alors s’initier (363). Les complexes formés entre les LC / DC, qui abritent le virus, et les cellules T CD4+ cibles, sont appelés synapses virologiques et facilitent l'établissement d'une infection productive (364).Une étude montrant que la circoncision confère un certain degré de protection à l’infection a souligné l’importance des LC, DC et cellules T CD4+ résidentes du prépuce dans l’efficacité de la transmission (365).

Après quelques jours, le VIH se propage localement dans les cellules T CD4+ mémoires plus fortement activées, qui expriment le corécepteur CCR5. Le virus commence à migrer en périphérie, et cette phase précoce de propagation à bas bruit, appelée également éclipse, s’étend sur environ dix jours, avec l’ARN viral restant indétectable dans le plasma (<100 copies d’ARN viral par mL) (360).

Phase aiguë

Les syndromes de la phase aigüe commence deux à quatre semaines à la suite de l’exposition initiale. Cette période est accompagnée de symptômes grippaux, fièvre et lymphadénopatie. La sévérité de ces symptômes varie en fonction des individus (366).

A la fin de la phase éclipse, les virus ou les cellules infectées atteignent les LN, où ils rencontrent des cellules T CD4+ CCR5+ fortement activées, ce processus de propagation étant augmenté par les DC qui internalisent et transportent le virus jusqu’aux cellules T CD4+ activées. Le virus se réplique alors rapidement et se propage dans tout le corps jusqu’aux autres organes lymphoïdes, et particulièrement dans le tissu lymphoïde associé au tractus gastro-intestinal (GALT) où les cellules T CD4+ CCR5+ mémoires activées sont omniprésentes. Environ 20% des cellules T CD4+ sont infectées dans ce compartiment et jusqu’à 60% des cellules non infectées s’activent et meurent par apoptose. 80% des cellules du GALT peuvent être déplétées durant les 3 premières semaines de l’infection à VIH. Alors que la réplication dans le GALT et les autres tissus lymphoïdes (particulièrement les LN) s’accentue, la charge virale plasmatique augmente exponentiellement pour atteindre un pic,

généralement plus d’un million de copies d’ARN viral par mL de sang à trois ou quatre semaines post exposition.

Etablissement du « viral set point »

En parallèle, la réponse immunitaire se met en place, avec la réponse innée précoce caractérisée par une « cascade cytokinique » (367) et le développement de la réponse adaptative, une séroconversion et une activation des cellules T. Cette réponse précoce du système immunitaire, notamment la réponse T CD8+ contribue à la diminution de la charge virale. On observe alors une disparation de la symptomatologie, le pic de la charge virale plasmatique initial diminue puis se stabilise au niveau du « viral set point » tandis que dans une certaine mesure le nombre de cellules T CD4+ du sang périphérique rebondit, alors que la déplétion dans les muqueuses est quasi irrémédiable en l’absence de traitement. Le « viral set point » est prédictif de la progression vers le SIDA, plus celui-ci est haut, plus le risque est élevé. Les évènements en phase précoce de l’infection, telle que la réponse immune, sont donc déterminants.

Phase chronique

Le nombre de cellules T CD4+ diminue lentement vers des niveaux inférieurs à la normale, variant entre 200 et 500 cellules par mm3 (368). La réplication virale chronique dans les tissus lymphoïdes (GALT et LN) provoque un état d'activation et d'épuisement chronique du système immunitaire (369). Cette phase asymptomatique se caractérise par un équilibre, entre le système immunitaire et le VIH. Le système immunitaire est constamment en retard sur le virus, les réponses des lymphocytes T cytotoxiques (CTL) et les anticorps neutralisants sont généralement inefficaces car le virus s’adapte et développe des mutations d’évasion, le rendant résistant à la réponse immune et permettant ainsi la persistance virale.

Le SIDA

L’infection par le VIH conduit à une immunodéficience associée à une chute importante des cellules T CD4+ (<200 cellules/mm3) qui est, à ce stade associée à une élévation de la charge virale plasmatique (369). Au niveau clinique, les patients développent des infections opportunistes associées à l’immunodépression. Ce sont des pathologies d’origines bactériennes, virales ou cancéreuses qui conduisent au décès des patients.

C. L’échec du système immunitaire dans le contrôle de l’infection à VIH

C.1. La déplétion des cellules T CD4+

La déplétion des cellules T CD4+, telle que l’on peut la mesurer au niveau du sang, est caractéristique de la maladie. Ce paramètre est couramment utilisé en clinique, parallèlement à la mesure de la charge virale, pour suivre l’évolution naturelle ou sous traitement antirétroviral de l’infection virale. Cependant, depuis plusieurs années, il est clair que ce paramètre périphérique n’est pas le reflet quantitatif direct de la déplétion des cellules T CD4+ qui apparaît dès le début de l’infection par le VIH. En effet, le compartiment sanguin ne contient que 2 à 5 % de l’ensemble des lymphocytes de l’organisme. La plus grande partie des lymphocytes est située dans la muqueuse du tractus intestinal, les LN ou d’autres tissus lymphatiques (370). Mais, le GALT contient la plus grande part du tissu lymphoïde de l’organisme, et de plus, la proportion de cellules mémoires y est très largement majoritaire (> 95 %), à la différence de leur répartition sanguine ou ganglionnaire (50-70 %) (371). Un nombre important de ces cellules T CD4+ présentes dans le GALT exprime le corécepteur CCR5, et ce tissu lymphoïde a de fait été identifié comme le site majeur de réplication du virus et comme un réservoir important du virus in vivo (372). Ainsi, la muqueuse intestinale, de par la présence en son sein de cellules T CD4+ exprimant CCR5, est le site privilégié de l’infection par le VIH ou le SIV (373).

Lors de la primo-infection par le VIH, les compartiments muqueux sont la cible (préférentielle et importante quantitativement) d’une déplétion en cellules T CD4+, bien supérieure à celle observée au niveau sanguin. Cette déplétion est visualisée dans les muqueuses digestives bien avant la déplétion sanguine. Elle peut être observée dans les 4 à 6 semaines après l’infection. La perte prédomine au niveau du GALT (374) et c’est uniquement dans ce tissu lymphoïde qu’elle est pratiquement totale (comparativement aux tissus lymphoïdes ganglionnaires ou sanguins). De plus, cette perte n’est pas réversible mais persiste tout au long de l’évolution de la maladie (375).

De façon intéressante, chez les patients non progresseurs à long terme, aucune déplétion au niveau du compartiment muqueux n’a été rapportée (376). Au total, le tissu lymphoïde intestinal est un organe crucial en ce qui concerne les événements initiaux participant à la pathogénicité de l’infection par le VIH. La déplétion importante du nombre de cellules T

Dans le document en fr (Page 71-74)