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Maintien d’une réponse Th1 anti-Gag efficace de haute affinité

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C. L’échec du système immunitaire dans le contrôle de l’infection à VIH

D.6. Réponse immunitaire T CD4+ dans le contrôle de l’infection VIH

D.6.1 Maintien d’une réponse Th1 anti-Gag efficace de haute affinité

Les réponses T CD4+ polyfonctionelles spécifiques de Gag corrèlent avec le contrôle du VIH

Corrélation de la réponse Th1 anti-Gag avec le contrôle de l’infection

En 2012, Ranasinghe et al., ont montré que les réponses T CD4+ Th1 spécifiques de Gag étaient d'une plus grande amplitude, avec une plus large diversité d'épitopes, chez les Contrôleurs du VIH par rapport aux patients traités, et ces réponses étaient fortement associées à des niveaux inférieurs de virémie. Cette étude a identifié trois épitopes majeurs du VIH-1 dans Gag qui étaient liés au contrôle du VIH. En revanche, les réponses des cellules T CD4+ à Env étaient associées à une forte virémie. Ainsi, le rapport Env / Gag était le plus bas chez les Contrôleurs du VIH et le plus élevé chez les patients progresseurs hautement virémiques (617).

Maintien de la fonction proliférative des cellules spécifiques du VIH

L'infection par le VIH se caractérise par l’épuisement cellulaire, c’est à dire une perte précoce du nombre et de la fonction des cellules T CD4+ spécifiques du VIH et plus particulièrement celles des cellules Gag spécifiques qui participent au contrôle de l’infection (406, 618, 619). En effet, la faible ou l’absence de réponse proliférative des cellules T CD4+ spécifiques du VIH est la marque de l’infection progresive à VIH, qui a été montrée comme étant principalement causée par une perte de fonction, en particulier le défaut de sécrétion d’IL-2. Les cellules T CD4+ de Contrôleurs présentent quant à elles des capacités prolifératives élevées liées à l’augmentation de la production d'IL-2, qui pourrait notamment s’expliquer par la conservation du compartiment CM (22, 400, 620, 621) (622). Notre équipe a aussi montré la capacité de renouvellement élevé in vitro des cellules T CD4+ spécifiques du VIH pour le peptide immunodominant Gag293 chez les patients Contrôleurs. De plus, via le marquage tétramère de classe II pour ce même peptide, les Contrôleurs du VIH montrent une proportion supérieure de cellules T CD4+ spécifiques ex vivo par rapport aux patients traités (623, 624). Une récente étude, montre que la fréquence élevée de cellules T CD4+ spécifiques de Gag293 chez les patients Contrôleurs corrèle inversement avec la charge virale soulignant leur importance dans le contrôle viral (625).

Les cellules T CD4+ de Contrôleurs du VIH sont polyfonctionelles

Les cellules T CD4+ spécifiques de Gag chez les Contrôleurs du VIH sont partiulièrement efficaces, plus polyfonctionnelles que celles des patients traités, avec une plus grande capacité à produire des cytokines Th1 comme IL-2, IFNγ, TNFα, CCL4 et à dégranuler (expression de CD107a) simultanément, dans le sang et dans la muqueuse intestinale (573, 626, 627). Notre équipe a également participé à la découverte de ce mécanisme, en montrant que les cellules T CD4+ spécifiques de Gag293, préferentiellement maintenues ex vivo, sont hautement polyfonctionnelles et présentent un phénotype Th1 comparé aux cellules de patients traités (624).

Faible expression de récepteurs inhibiteurs chez les patients Contrôleurs

Les cellules T CD4+ de patients Contrôleurs semblent mieux protégées contre l'apoptose notamment via l'inactivation de FOXO3a (628), mais surtout contre l’épuisement cellulaire des cellules T CD4+ spécifiques du VIH. L’une des principales causes de l’épuisement cellulaire est l’expression des récepteurs inhibiteurs, comme PD-1 et CTLA-4 suite à l’activation immunitaire chronique caractéristique de l’infection à VIH. Chez les patients Contrôleurs du VIH, dont les cellules T CD4+ spécifiques maintiennent une fonction proliférative élevée et une réponse cytokinique polyfonctionelle, l’expression de PD-1 et CTLA-4 est diminuée. L’étude de Porichis et al. montre que leur expression corrèle avec le stade de l’infection et la charge virale. Le blocage de PD-1 restaure les fonctions des cellules T CD4+ spécifiques du VIH des patients traités et des patients progresseurs, à savoir l’augmentation de la proliferation et de la production de cytokines IL-2 et IFNγ. L’augmentation de la fonction est très faible chez les patients Contrôleurs qui ne sont pas bridés par PD-1 (505, 629) (504).

Les cellules T CD4+ de haute avidité pourraient jouer un rôle dans le contrôle de l’infection à VIH

Nous avons déjà démontré que les contrôleurs du VIH abritent une population de cellules T CD4+ portant des TCR de forte avidité, qui sont capables de répondre à une quantité minimale de peptides Gag293 immunodominants. En effet, les tétramères de molécules CMH-II chargés en peptide Gag293 lient plus efficacement les TCR présents à la surface des

cellules T CD4+ des Contrôleurs du VIH que ceux des patients traités, indiquant une différence dans l'avidité intrinsèque des TCR (623). Les modèles d'infection virale chronique indiquent que les cellules T qui portent des TCR de forte avidité sont dotées d'un ensemble de propriétés fonctionnelles qui aboutissent à des réponses immunitaires hautement efficaces. D'une part, les cellules T de forte avidité présentent une capacité proliférative plus importante que les cellules T de faible avidité, entraînant une reconstitution progressive de la population de forte avidité. D’autre part, les cellules T de haute avidité sont plus polyfonctionnelles, ce qui signifie qu'elles produisent une plus grande variété de cytokines en réponse à des stimuli antigéniques. Enfin, dans les cellules T CD8+, les TCR de haute avidité confèrent une activité cytotoxique plus efficace et ont été associés au contrôle viral (595, 630-633). Il est fortement intéressant de voir que l’ensemble des propriétés observées chez les cellules T de forte avidité correspond à l’ensemble des fonctions conservées chez les Contrôleurs du VIH, suggérant que bon nombre des caractéristiques immunitaires des Contrôleurs pourraient s'expliquer par la nature particulière de leur TCR spécifique du VIH.

En 2016, nous avonc publié une étude (cf Annexe 1) où nous avons recherché les déterminants moléculaires qui sous-tendent cette réponse de haute avidité chez les cellules T CD4+ de patients Contrôleurs, et nous avons caractérisé le répertoire TCR des cellules T CD4+spécifiques de l’épitope immunodominant Gag293. Les Contrôleurs du VIH ont montré un répertoire TCR hautement biaisé, caractérisé par une expression préférentielle des chaînes TCR Va24 et Vb2, la présence de motifs conservés au sein des régions CDR3 de ces deux chaînes, et une prévalence élevée de clonotypes publics (n=18 pour chaque chaîne de TCR),

i.e des séquences TCR des régions CDR3 permettant la reconnaissance de Gag293, partagées

entre plusieurs patients. Les clonotypes publics les plus représentés ont été capables de générer des TCR fonctionnels ayant des affinités de l’ordre du micromolaire pour le complexe peptide / CMH-II, ce qui est remarquablement élevé pour les TCR restreints par le CMH-II. Nous avons montré que les TCR de haute affinité spécifiques pour Gag293 sont capables de reconnaître jusqu’à 5 allèles différents de HLA-DR. De plus, après transduction à l'aide de lentivecteurs, ces TCR ont conféré une réponse spécifique à Gag293 très sensible et polyfonctionnelle aux cellules T CD4+primaires.

En résumé, les propriétés des cellules T CD4+ décrites ci-dessus suggèrent que les cellules T CD4+ de Contrôleurs du VIH échappent à l'épuisement et conservent des fonctions Th1

optimales, notamment liées à la nature intrinsèque de leurs TCR de haute affinité, pour soutenir la réponse antivirale et contribuer au contrôle viral.

Aide aux cellules T CD8+

La cytokine IL-21, qui est produite par les lymphocytes T CD4+, joue de multiples rôles dans la mise en place des réponses immunitaires. L’Il-21 induit le développement de cellules Th17 et Tfh et bloque la différenciation des Treg. L'IL-21 entraîne également la maturation d'affinité des cellules B, la commutation de classe et est importante pour les fonctions T CD8+ (634-636). Les études sur le modèle murin d'infection à LCMV suggèrent que la production d'IL-21 par des cellules T CD4+ spécifiques de LCMV est essentielle dans le contrôle viral et pour préserver les cellules T CD8+ de l'épuisement (637-639). Dans le contexte de l'infection à VIH, on a observé que les CP maintiennent de faibles niveaux d'IL- 21 plasmatique alors que les Contrôleurs préservent des niveaux normaux d'IL-21 dans leur plasma. L'analyse de l'expression d'IL-21 dans les cellules T CD4+ montre que les Contrôleurs produisent des niveaux plus élevés d'IL-21 par rapport aux CP. Par ailleurs, la prise de traitement antirétroviral ne permet pas le rétablissement complet de la production d'IL-21. Les niveaux d’IL-21 plasmatique corrélent positivement avec le nombre de cellules T CD4+ (640, 641). Dans une autre étude, il a été rapporté que la fréquence élevée des cellules T CD4+ productrices d'IL-21 était inversement corrélée aux charges virales plasmatiques. La même étude a cependant démontré, que les cellules T CD4+ productrices d'IL-21, spécifiques du VIH, étaient présentes à de faibles niveaux chez les patients traités et les LTNP (642). A l’opposé, Chevalier.et al. ont observé que les Contrôleurs du VIH maintiennent une fréquence plus élevée de cellules T CD4+ sécrétrices d'IL-21, par rapport aux patients traités et aux patients progresseurs. De plus, cette étude a montré que la production d'IL-21 par les cellules T CD4+ des Contrôleurs du VIH induit une régulation positive des marqueurs cytotoxiques, tels que Perforine, Granzyme A, Granzyme B et CD107 chez les cellules T CD8+ provenant de patients progresseurs en coculture in vitro. La supplémentation in vitro en IL-21 a permis d’augmenter la capacité des cellules T CD8+ à éliminer les cibles T CD4+ infectées par le VIH (643).

Réponses T CD4+ cytotoxiques et contrôle du VIH

antiviral direct a généralement été négligé. Au cours des dernières années, un nombre croissant de preuves suggère qu’en dehors de leurs fonctions « helper », les cellules T CD4+ ont la capacité de reconnaître et d'éliminer directement les cellules infectées par le virus. Une étude de Soghoian et al., montre que l'émergence de cellules T CD4+ cytotoxiques pendant la phase aiguë de l'infection est associée à une progression plus lente de la maladie (406). Ces cellules expriment des protéines cytolytiques telles que Granzyme A, Granzyme B et perforine, qui sont les caractéristiques des réponses CTL classiques, et sont capables d’éliminer les macrophages infectés par le VIH in vitro. Il a été aussi démontré par d’autres travaux, que certains Contrôleurs du VIH maintiennent des cellules T CD4+ cytotoxiques (644, 645). Une étude récente a démontré que les cellules T CD4+ cytolytiques spécifiques au VIH ont une signature phénotypique et transcriptionnelle distincte. Ces cellules différaient des cellules Th1 classiques et présentent des caractéristiques communes aux lymphocytes T CD8+ cytotoxiques avec une forte expression de Granzymes, EOMES, perforine, LAG3, etc… Les cellules T CD4+ cytotoxiques ont la capacité d'agir en coopération avec les cellules T CD8+ pour supprimer la réplication virale, et leur émergence a été associée avec un « viral set point » précoce, ce qui suggère un rôle possible dans le contrôle précoce du VIH (646). Récemment, Laher et al. ont montré que les cellules T CD4+ spécifiques de Gag sont amplifiées chez les patients Contrôleurs infectés par des virus de clade C, qu’elles ont un phénotype cytotoxique, et que leur fréquence corrèle inversement avec la charge virale (625).

Des preuves supplémentaires de l'existence de cellules T CD4+ cytotoxiques proviennent de l'étude des contrôleurs SIV. Les clones de cellules T CD4+ de contôleurs du SIV sont capables d’éliminer les macrophages, mais pas les cellules T CD4+ infectées par SIV (647). Des cellules T CD4+ cytotoxiques ont également été rapportées dans des macaques infectés par la souche atténuée SIVmac239Δnef (648).

Ainsi, ces résultats dans des modèles de contrôle VIH / SIV suggèrent un rôle antiviral direct potentiel pour les lymphocytes T CD4+, ce qui peut contribuer à la réponse antivirale générale observée chez les contrôleurs du VIH.

Dans le document en fr (Page 111-116)