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2 La montagne comme moyen de différenciation de l‟offre alimentaire

Encadré 2 - Marshall et le développement

2.2.4 Territoire : source de création de valeur

Dans le cadre de notre travail, nous avons l‟intention d‟analyser la mise en marché, et une possible stratégie de différenciation d‟offre basée sur l‟origine montagne. On peut penser ainsi que l‟origine peut être utilisée comme un avantage concurrentiel, au sens de Porter.

Pour Porter (1979, p. 29), formuler une stratégie « c‟est par essence s‟intéresser à la concurrence ». D‟une part, il faut trouver les capacités de l‟entreprise et, d‟autre part, trouver les causes des forces concurrentielles. D‟après cette connaissance l‟entreprise saura s‟il faut, ou si elle peut, ou non, affronter ses concurrents.

Ceci dit, d‟après l‟auteur, il est nécessaire d‟avoir un regard à la fois à l‟intérieur et à l‟extérieur de l‟entreprise. Cependant, nous allons le voir, les analyses de Porter portent beaucoup sur des éléments qui entourent l‟entreprise. Par ailleurs, une des critiques faites par l‟auteur est que les firmes ont souvent une vision étroite des sources potentielles pour l‟obtention d‟un avantage concurrentiel. En se focalisant seulement sur le produit physique ou sur les pratiques commerciales, les firmes ne s‟aperçoivent pas que cet avantage peut naître n‟importe où dans la chaîne de valeur.

Les actes accomplis par une entreprise pour exercer son métier se divisent en activités distinctes appelées des « activités de valeur ». La chaîne de valeur d‟une entreprise est un système d‟activités interdépendantes ayant des liens entre elles. « Ces liens existent quand la manière dont une activité est assurée affecte le coût ou l‟efficacité d‟autres activités » (Porter, Millar, 1985, p. 86). Cette chaîne de valeur s‟intègre au flux d‟activités qui composent donc un „système de valeur‟, incluant la chaîne de valeur des fournisseurs qui alimentent la chaîne de valeur de l‟entreprise en matière première, composants, entre autres. Souvent aussi les produits fournis par une entreprise suivent la chaîne de valeur d‟un canal de distribution avant d‟arriver aux consommateurs finaux - comme l‟illustre la figure suivante.

Figure 4 – Le système de valeur

Chaîne de valeur Chaîne de valeur Chaîne de valeur du Chaîne de valeur des fournisseurs de l’entreprise canal de distribution du client

Valeur amont Valeur de l’entreprise Valeur aval

Source : Porter, Millar, 1985

Au cours de la quête d‟un avantage concurrentiel les entreprises se différencient également par rapport à leur „champ d‟action concurrentiel‟.

En combinant les deux types d‟avantages concurrentiels au champ d‟activités, on obtient trois stratégies de base pour se faire différencier par rapport aux autres entreprises du secteur : la domination par les coûts, la différenciation et la concentration de l‟activité. Pour Porter (1999, p. 24), l‟avantage concurrentiel est une condition « au cœur de toute stratégie de base : chaque firme doit choisir le type d‟avantage qu‟elle cherche à avoir sur les autres protagonistes et l‟étendue des activités dans lesquelles elle les obtiendra ».

Dans une stratégie de différenciation, une firme cherche à « se singulariser sur certaines dimensions fortement appréciées des clients » (ibid., p. 26). Ce qui nous importe, c‟est de mettre en avant l‟offre de produits de montagne. Nous partons du présupposé que les produits alimentaires de montagne pourraient jouer sur leur origine, autrement dit, on cherche à voir si l‟origine montagnarde peut constituer une source de différenciation pour les entreprises concernées.

Avant d‟aborder l‟avantage par voie de la différenciation en soi, nous soulignons les propos de l‟auteur en deux temps. Dans l‟ouvrage L‟avantage concurrentiel dont la parution date de 1990, Porter (1999, p. 27) écrit : « la logique de différenciation exige que les caractéristiques retenues pour se différencier soient uniques ». Dans un article plus récent à propos des enjeux environnementaux et des avantages concurrentiels des entreprises il est moins véhément : « Aujourd‟hui, la mondialisation rend obsolète la notion d‟avantage concurrentiel. […]. Détenir des ressources ne suffit plus. La compétitivité naît aujourd‟hui de leur utilisation productive. Les entreprises peuvent améliorer la productivité de leurs ressources en fabriquant leurs produits de manière plus efficiente, ou des produits ayant plus de valeur pour les clients Ŕ des produits que ces derniers accepteraient de payer plus cher » (Porter, 1995, p. 369).

Ce que nous retenons, c‟est moins la concurrence que la possibilité de créer un avantage concurrentiel.

2.2.4.1 La voie de la différenciation

Les voies de différenciation changent par rapport au secteur ou à la branche d‟activité de la firme. Cette singularisation elle-même peut être fondée non seulement sur la différenciation du produit, mais aussi sur la façon dont on le distribue, selon l‟approche marketing développée autour de ce produit.

Il est nécessaire aussi de cerner les bons attributs, car « les firmes sont par ailleurs souvent différentes sans être différenciées, parce qu‟elles recherchent des formes d‟incomparabilité auxquelles les clients n‟attachent pas d‟importance » (Porter, 1999, p. 152).

La quête par la différenciation devrait donc amener à une valorisation du produit par les consommateurs et, par conséquent, un surprix dans le marché. Or, la création d‟avantage est liée à la notion de création de valeur. Il est possible aussi d‟engendrer des avantages équivalents, comme une plus grande fidélité des clients. Quelle que soit la nature de l‟avantage, elle « peut viser un large groupe de clients dans un secteur ou seulement un sous-ensemble de clients aux besoins particuliers » (Porter, 1999, p.153).

Souvent, les firmes confondent la notion de qualité avec celle de différenciation. La « différenciation embrasse la qualité », mais elle correspond à une notion plus large. Alors que la qualité est généralement associée au produit lui-même, la différenciation s‟opère à travers le produit, mais également par l‟intermédiaire de la chaîne de valeur (Porter, 1999, p.157).

Nous cherchons à savoir si une qualité supposée des produits alimentaires de montagne est mise en valeur par les acteurs de la production. C‟est-à-dire si cette qualité est traduite par une différenciation, si l‟origine et la spécificité supposée de la production est communiquée aux consommateurs et s‟il résulte une valorisation de cette offre sur le marché.

2.2.4.2 La création des avantages compétitifs à partir des conditions de désavantages

Selon Porter (1999), les entreprises cherchant à créer des avantages compétitifs doivent toujours innover et s‟améliorer. Cela est encore plus important quand elles sont en face des désavantages (coûts fonciers élevés, pénurie de main-d‟œuvre, absence locale de

matière premières, etc.), il faut faire en sorte que les handicaps puissent être transformés en avantage concurrentiel.

Cela se fait d‟abord par voie de l‟innovation. Les innovations peuvent être de différentes natures : nouvelles technologies ou nouveaux modes d‟action. Il peut s‟agir de nouvelles manières d‟affronter le marché, ou d‟améliorer les manières anciennes. Les innovations peuvent porter aussi sur une nouvelle présentation du produit, un nouveau processus de production, une nouvelle démarche marketing, entre autres. « Beaucoup d‟innovations sont modestes et progressives, elles proviennent plus d‟une accumulation de petites idées et de petits progrès que d‟un grand bond en avant technologique. Souvent elles font intervenir des idées qui ne sont même pas „nouvelles‟- des idées qui étaient déjà dans l‟air mais qui n‟avaient jamais été appliquée avec vigueur » (Porter, 1990, p. 171).

Une très bonne illustration de cette proposition réside dans les produits alimentaires faisant référence à leur territoire d‟origine, où le processus d‟innovation consiste à « revenir aux traditions » ou à s‟appuyer sur ces traditions pour les réinventer, pour les revêtir d‟une certaine « modernité ». Par exemple, refaire une filière de production « d‟un jambon de qualité, à partir d‟une race porcine locale „oubliée‟, implique un processus d‟innovation sur le plan technique, économique et social à la fois37

» Muchnik, 2006, p. 16).

D‟une part, on suppose que les montagnes, en général, sont des zones défavorisées vu de l‟angle des opportunités économiques. Paradoxalement, cet état de choses peut devenir une source d‟avantage. Effectivement, la mise en évidence de la provenance en tant que stratégie de différenciation vise une valorisation des produits alimentaires, ce qui est une opportunité de développement dans des zones rurales tenues comme marginalisées (Parrot et al., 2002 ; Barham, 2003 ; Sanz-Cañada, Vásquez, 2005 ; Link et al., 2006, Tregear et al, 2007 ; Bérard, Marchenay, 2007). « Désormais, dans de nombreuses zones rurales plus ou moins défavorisées, la valorisation des produits spécifiques est souvent devenue un des points forts de projet sde développement. Cette multiplication, en particulier dans les pays développés, montre que ceci n‟est pas sans lien avec le renouvellement de la logique sous-jacente à la conception et l’élaboration du

développement rural » (Pivot, 1998, p. 11).

Afin de fédérer les concepts mobilisés dans l‟analyse des entreprises alimentaires basées en montagne et leur rapport avec le territoire d‟implantation, ayant abordé l‟entreprise en tant qu‟agent dans la création d‟opportunités d‟affaires et le territoire en tant qu‟espace d‟action des agents et élément de différenciation de l‟offre, nous allons nous appuyer sur la proposition de Colletis el al. 1997 dans la section suivante.

2.2.5 L'opportunité d'affaires, la création de valeur et le territoire: un