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La notion de réseaux d'entreprises ou de territorialité

2 La montagne comme moyen de différenciation de l‟offre alimentaire

Encadré 2 - Marshall et le développement

2.2.3.2 La notion de réseaux d'entreprises ou de territorialité

L‟image des territoires réseaux fait souvent référence aux réseaux de communication et aux effets produits par les transports. « Ces réseaux créent à la fois de nouvelles connexités et des effets de „tunnel‟ pour les zones traversées et non desservies » (Veltz, 1996, p. 61), ce qui peut être perturbant du point de vue de la continuité territoriale, mais ils peuvent aussi être source de changements. Cette capacité de sortir des limites

territoriales ou régionales et de s‟articuler avec des acteurs externes donne lieu à la formation de nouveaux territoires (Castells, 1996). Ainsi, de nos jours l‟organisation des réseaux forment diverses polarisations qui s‟entremêlent en un réseau maillé qui serait plus compliqué et « loin des étoiles régulières de Christaller » (Veltz, 1996, p. 62).

Les nœuds qui composent ces mailles se forment à partir de l‟idée de proximité. Les théories issues de l‟économie de l‟agglomération sont plutôt basées sur une dimension géographique. La proximité entre les lieux étant l‟inverse d‟une « distance géographique » mesurée en longueur d‟itinéraire, distance qui entraîne des « coûts d‟interaction ». L‟agglomération permet ainsi la proximité géographique, qui sera tenue comme un des facteurs qui réduit les coûts des activités économiques (Huriot et al., 1989).

On peut élaborer de nombreuses typologies de réseaux de production issues de ce courant. Le réseau type « système solaire » qui fonctionne autour d‟un centre stratégique et un centre hiérarchique fort qui contrôle directement les unités opérationnelles. C‟est le modèle qu‟on trouve dans l‟automobile et dans l‟aéronautique. On peut avoir aussi un autre grand modèle de réseaux, dans lequel le centre stratégique est moins impliqué dans la coordination opérationnelle et n‟exerce pas de hiérarchie directe. C‟est le cas des grands conglomérats ou sociétés. Il existe aussi des réseaux sans centre stratégique proprement dit, comme les réseaux de type « district territorial », les réseaux de type familial ou classique, ou les réseaux de PME regroupés dans un « partenariat de valeur ajoutée » (Veltz, 1996).

Un réseau peut être défini comme un système de relations ou de contacts qui lient des entreprises ou des acteurs entre eux et dont le contenu concerne des biens matériaux, des informations ou de la technologie. Du point de vue des activités économiques, le réseau fait référence à des relations entre entreprises et entrepreneurs, lesquelles rendent possible des échanges de biens, services, informations et qui apportent des connaissances (Malecki, Tootle, 1996).

Selon Vázquez-Barquero (2002), ces relations auraient la propriété de présenter les caractéristique suivantes :

- Tout d‟abord, un réseau fait référence à des échanges dans un contexte de réciprocité (différemment des échanges réalisés sur le marché, ou à des relations hiérarchiques au sein d‟une entreprise donnée).

- Ensuite, le réseau serait formé par des relations d‟interdépendance entre acteurs et entreprises (et non par des relations indépendantes, comme dans le marché ; ou de dépendance, comme dans une organisation hiérarchisée).

- En revanche, le réseau est caractérisé par un ensemble de liens faibles que les interrelations tendent à renforcer ; cela est rendu possible par l‟accès à l‟information généré au sein de ce même réseau, par l‟apprentissage interactif et la diffusion d‟innovations.

- Enfin, les relations entre les entreprises et acteurs peuvent être asymétriques, de caractère hiérarchique, ce qui fait que le pouvoir est aussi un élément de fonctionnement des réseaux.

Les relations au sein d‟un réseau peuvent être formelles ou informelles. Elles sont formelles quand elles obéissent à des décisions associées à des objectifs stratégiques des personnes, entreprises ou organisations. Les relations informelles sont celles tenues comme tacites, spontanées. En générale, ces dernières sont en rapport aves les contacts personnels des acteurs concernés. Une distinction entre réseaux personnels et réseaux d‟entreprises peut être souhaitable pour rendre l‟analyse de l‟ensemble plus claire (Brown, Buttler, 1993 ; Johannisson, Nilsson, 1989). Les premières peuvent apporter des relations techniques basées dans les échanges d‟informations, des ressources nécessaires à la formation et la mise en œuvre d‟un projet, favorisant également l‟échange de biens, services et savoir-faire.

Les réseaux d‟entreprises, à leur tour, apportent des informations à propos des affaires, des services d‟appui technique, des ressources financières et matérielles, en permettant la formation de liaisons stratégiques dans le but d‟améliorer les résultats des participants vis-à-vis de la concurrence. Dans les réseaux d‟entreprises, différemment des réseaux personnels, les activités et les ressources ont un rôle central, puisque c‟est là que se tissent des relations d‟interdépendance, dans le sens où les résultats de chaque activité d‟un réseau exercent une influence sur les résultats de l‟ensemble. La nature et le système de connexions et relations sont un produit historique du lieu, et le système de relations économiques au sein d‟un réseau est basé sur la connaissance que les acteurs ont, les uns des autres, mais aussi sur une confiance mutuelle.

Le réseau d‟entreprises est bien proche de l‟analyse territoriale de Schmoller, où la proximité géographique favorise les relations entre les agents économiques. Mais si l‟on veut comprendre le rôle des institutions publiques et analyser leurs rapports avec les agents économiques ou les entreprises, nous pouvons prendre la proximité géographique en tant que base et avancer vers la proximité institutionnelle, puisque la proximité géographique ne suffit pas pour expliquer des synergies au niveau local. Ainsi, il convient de prendre en

compte des facteurs organisationnels selon deux logiques : l‟appartenance et la similitude, entraînant deux types de proximité organisée.

La première est la proximité organisationnelle, celle-ci est basée sur la logique de l‟appartenance : « sont proches en termes organisationnels les acteurs qui appartiennent au même espace de rapports (firmes, réseau…), ou ceux qui nouent des interactions ». L‟autre proximité organisée est la proximité institutionnelle fondée sur la similitude : sont proches « les acteurs qui se ressemblent, qui possèdent le même espace de référence et partagent les mêmes savoirs » et le même cadre de valeurs35 (Torre, 2000, p. 409).

Cela relève d‟une analyse d‟interaction des compétences au niveau territorial qui se façonnent par l‟articulation d‟actions individuelles et d‟actions collectives. La notion de « compétences peut caractériser un territoire en termes de savoir-faire qui lui est propre. Mais cette notion renvoie aussi aux capacités des acteurs à se mobiliser collectivement pour agir, construire, définir et défendre des intérêts communs, se procurer des ressources » (Bel, 2009, p. 218).

Nous pouvons penser la montagne sous cette perspective : la base spatiale de la production constituant l‟espace approprié. Cet espace est tenu comme « une construction sociale, laquelle procède à la fois d‟un patrimoine environnemental et d‟un patrimoine culturel36 »(Linck et al., 2006, p. 113).

L‟effet territorial apparaît comme une ressource stratégique des acteurs économiques, qui est appelé „territorialité‟ (Pecqueur, 1992), et qui permettrait aux consommateurs de faire le lien entre un produit et «le lieu où s‟organisent, volontairement ou de manière spontanée, les formes de coopération entre les entreprises, les individus et les activités. [Le territoire] est, en définitive, le point de rencontre entre les formes de marché et les formes de régulation sociale » (Abdelmaki, Courlet, 1996, p. 14).

Dans le contexte de notre étude, nous pouvons nous appuyer sur la conception selon laquelle, le développement rural « à partir d‟une territorialisation de l‟action se trouve intégrée dans une dynamique où deux types d‟opportunités locales sont exploitées :

i. les ressources locales en termes de produits, de savoir-faire, de traditions ; ii. la création de synergies à partir de la combinaison de différentes actions à

l‟échelle d‟un espace rural donné » (Pivot, 1998, p. 12).

35 Il y a aussi d‟autres propositions, comme celle de Bourdeau-Lepage et Huriot (2009) qui travaillent avec

quatre sortes de proximités : géographique permanente, géographique temporaire, géographique virtuelle et organisée.

Nous pouvons considérer qu‟une combinaison, entre les compétences et ressources propres des entreprises, et celles du territoire peut nous amener vers la construction d‟une flexibilité d‟initiatives (Saives, Schiebienfait, 2001), le territoire jouant un double rôle de vecteur et/ou catalyseur.