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2 La montagne comme moyen de différenciation de l‟offre alimentaire

2.2 La montagne dans la stratégie des entreprises

2.2.2 Entreprise: de la boîte noire à la structure stratégique

2.2.2.4 Les PME, une toute autre structure

2.2.2.4.1 PME: vers une définition?

Bien que la discussion théorique autour de la conceptualisation de la PME ne soit pas notre objectif, il nous semble nécessaire d‟y venir pour justifier ce que nous entendons comme PME dans notre travail, avant de tomber dans le « piège » de réduire les « PME à leur seule inscription locale » (Ganne, 2000, p. 52).

Les débuts de la recherche sont à mettre au crédit des chercheurs qui ne travaillaient pas sur les PME, mais qui ont fait le constat « que la taille n‟était pas un facteur neutre sur

le plan organisationnel » (Torres, 1997, p. 13). C‟est en partant d‟une approche comparative que la taille est reconnue comme un des facteurs ayant des effets sur la structure d‟une organisation. Cela a débouché sur un courant de recherche au début des années 1970 qui s‟est développé autour de la croissance de l‟entreprise. Les travaux avaient comme but de démontrer les changements organisationnels qui entrainent la croissance, lesquels arrivent par des « sauts qualitatifs de l‟entreprise au fur et à mesure de son développement ». A chaque changement de taille, s‟accompagne un changement organisationnel, d‟où l‟intérêt d‟identifier précisément des seuils critiques, pour « mettre en garde les dirigeants d‟entreprise sur l‟existence probable des crises que l‟entreprise devra surmonter au fil de sa croissance » (ibid., p. 16).

Ce point de départ est bien synthétisé par Torres (1997, p. 17) : « Au total, parce qu‟ils accréditent l‟idée selon laquelle la taille exerce des changement (effet-taille) et que ces changement sont de différence de nature (métamorphoses), l‟ensemble de ces travaux conduit logiquement à faire de la taille un critère pertinent de découpage. En ce sens, les travaux sur la taille et la croissance fournissent les fondements de la recherche en PME puisque celle-ci repose sur un découpage selon le critère de taille ».

Cependant, l‟effet taille ne peut pas être considéré comme « loi », puisque il n‟y a pas d‟étude prouvant la supériorité de ce facteur sur d‟autres Ŕ comme la technologie, l‟environnement, l‟activité, le contexte culturel, reconnus également comme ayant une influence importante sur le mode de fonctionnement et de développement de l‟entreprise.

Les recherches vont avancer et, au milieu des années 1970, deux courants majeurs sont apparus : le courant de la spécificité, qui cherche les éléments qui particularisent les PME par rapport aux grandes entreprises ; et le courant de la diversité, laquelle cherche à rendre compte de la variété d‟éléments qui différencient les PME les unes des autres.

Au milieu des années 1990, des prolongations des courants antérieurs proposent de réexaminer quelques propositions en allant dans deux directions. La première est la proposition des typologies, où il est question de rechercher des cadres d‟analyse ou des modèles heuristiques capables de retranscrire la diversité du monde réel. C‟est le courant de la synthèse. La deuxième s‟interroge plutôt sur l‟identité de la PME par rapport à ses propres caractéristiques, en se demandant jusqu‟à quel point le cadre d‟analyse est valide. C‟est le courant de la dénaturation. Nous essayons de synthétiser dans le tableau les principaux traits de chaque courant.

Torres (1997) souligne que les courants se succèdent en obéissant à une phase de proposition suivie par une phase d‟examen critique, ce qui fait avancer le débat théorique. Toujours en suivant Torres, dans un but de construction d‟un modèle théorique, le débat a avancé dans :

i. l‟énoncé des variables pertinentes du système étudié ; ii. la spécification des lois de relations entre ces variables ; iii. la description des états résultant du système.

Néanmoins, selon l‟auteur, il faut développer davantage une quatrième condition : la délimitation des frontières ou les limites de validité des lois.

Tableau 8 – Courants de recherche sur la PME

Courant Problème de recherche Caractéristique de la

recherche Approche type

Courant de la spécificité

Etablir des typologies dans le but d’ordonner et de classer l’hétérogénéité du monde des PME.

Chercher des caractéristiques propres à la PME (spécificités) et en déduire des

problématiques de recherche tout en facilitant l’accumulation des connaissances sur la PME.

Mise en évidence des uniformités, malgré l’hétérogénéité vers une approche universelle.

Courant de la diversité

Ce courant cherche à simplifier la diversité des PME en dressant des types distincts.

Chercher à rendre compte de l’hétérogénéité des PME par de nombreux facteurs de

contingence qui différencient les PME comme activité, forme de propriété, stratégies adoptées, modes de gestion,…

Mise en évidence des situations et combinaison des facteurs vers une approche contingente.

Courant de la synthèse

Cherche à savoir le rôle de la forme des PME dans le fonctionnement des entreprises de petite taille

Il y a une diversité au sein de la spécificité, les traits spécifiques de la PME constituent un contour plus ou moins large au sein duquel une grande variété de cas différents peut s’insérer. Il est établi un cadre d’analyse qui prend en compte certains traits préalables à partir duquel il est possible d’établir des typologies ad hoc.

La thèse de la spécificité n’est pas remise en cause, elle est modulée, la diversité signifie qu’il y a des changements de degré au sein du cadre universel de la spécificité. Courant de la dénaturation Examen critique de la thèse de la spécificité de la PME, en se

demandant jusqu’à quel point le cadre d’analyse est valide et en délimitant le champ d’analyse de la PME.

Essayer d’établir dans quelles conditions on peut accepter la thèse de la spécificité et à partir de quel moment ce concept n’est plus valide. Il existe des entreprises de petite taille qui ne sont pas conformes à la forme-PME ? Quels sont les contextes qui dénaturent la PME ?

Il ne s’agit pas

de remettre en cause la thèse de la spécificité mais d’adopter une démarche critique, ce courant s’interroge donc sur l’identité de la PME par rapport à ses propres caractéristiques. Source : adapté de Torres, 1997

Dans le cadre de notre recherche, nos ambitions par rapport aux PME sont beaucoup plus modestes que celles de faire avancer le concept en soi car notre terrain ne nous le permet pas. Tout d‟abord car notre échantillon est restreint, et aussi parce que les questions autour de notre sujet n‟ont pas été élaborées dans ce sens-là. Ainsi, nous prenons plutôt la PME comme un concept pour analyser les différentes entreprises agroalimentaires de montagne en partant des traits qui nous permettent de rendre compte de leur diversité. Dans ce sens, il y une proximité par rapport au courant de la synthèse, mais aussi avec l‟idéaltype wébérien qui ne prétend pas être réel, mais fournir un paramètre d‟analyse. 2.2.2.4.2 Les caractéristiques des PME, des trais structurants

Selon les contours juridiques, les très petites entreprises ont de 1 à 9 personnes, et les petites entreprises ont de 10 à 49 personnes. Les entreprises concernées par notre étude restent dans le cadre des toutes petites entreprises. Néanmoins, dans un souci de simplification, nous allons toujours faire référence à des PME, s‟intéressant moins à la taille qu‟à d‟autres traits liés à la gestion de ces entreprises et qui les particularisent.

Tout d‟abord, nous allons nous appuyer sur quelques caractéristiques majeures des PME proposées par Julien et Saint-Pierre (1988, p. 57) :

i. « La centralisation sinon la personnalisation de la gestion, qui fait que, d‟un côté, l‟entreprise peut être identifiée à la direction et lui est terriblement redevable pour sa survie, et que, de l‟autre côté, le processus de décision est le plus souvent simple et rapide ».

ii. La faible spécialisation du travail, au point que la direction peut remplir plusieurs tâches de direction et parfois d‟opération et que les employés soient « polyvalents ».

iii. Un processus de décision qui fonctionne souvent selon le schéma : intuition-décision-action.

iv. Un système d‟information interne peu complexe ; vu la taille, les informations pourraient circuler plus rapidement qui ce soit de la direction vers les employés ou vice-versa.

v. Un système d‟information externe simple dû à la proximité du marché.

vi. La recherche d‟un environnement stable, ce dernier n‟est pas un trait caractéristique de la petite entreprise, ce qui change est la façon d‟y faire face ».

Les deux premières caractéristiques sont en rapport avec les débuts du clivage grande/petite entreprise. On pose ainsi la question en des termes contraires à ceux de Mintzberg (1982) : moins une organisation est de grande taille, moins sa structure est élaborée, et par conséquent : moins les tâches sont spécialisées, moins les unités sont différenciées et moins la composante administrative est développée. En outre, nous sommes en face d‟une structuration peu complexe qui contraste avec les entreprises industrielles modernes de Chandler, y compris en ce qui concerne la fusion des figures du propriétaire et du manager. Il est de même pour le système d‟information interne, étant donné la taille, il semble que la diffusion des informations ne pose pas de problème particulier au sein de la PME.

En ce qui concerne le système d‟information externe, le plus discutable est le présupposé de l‟opération exclusivement locale. Cela dépend de la localisation de l‟entreprise, de la branche impliquée, des réseaux de commercialisation dont elle fait partie. On ne prend pas cela comme caractéristique, mais comme un élément à analyser, c'est-à-dire, on cherche quelle est la portée du marché atteint par les PME dans notre étude.

Pour ce qui est des comportements à risque, les auteurs remarquent la recherche d‟un environnement stable, tout en soulignant qu‟il ne s‟agit pas d‟un trait exclusif des PME. Ce qui fait la différence ici est la façon dont les petites et les grandes entreprises affrontent le problème de l‟environnement instable et les raisons pour lesquelles chacune cherche la sécurité.

Ces deux éléments sont liés à la structure de l‟entreprise. Tout d‟abord, les petites et moyennes structures de production ont peu de poids sur leur environnement, au contraire des grandes structures. Les grandes entreprises ou les grands groupes peuvent agir par des mesures monopolistiques (Julien, Saint-Pierre, 1988) par la croissance de l‟entreprise, comme l‟a démontré Chandler. En revanche, les petites ou très petites entreprises fonctionnent souvent autour d‟une structure familiale, notamment en milieu rural. Dans ce cas, l‟entreprise est une affaire de reproduction sociale de la famille ; et comme l‟avait démontré Chayanov (1966) dans son analyse des particularités des économies paysannes, parce que le lien est très étroit entre le business et l‟assurance des besoins de la famille, les producteurs ont une sorte d‟aversion au risque. Ainsi, une façon dont les PME font souvent face à ces turbulences est la recherche de créneaux (Julien, Saint-Pierre, 1988).

La quête de créneaux dans le cadre de notre étude passe par la mise en avant de l‟origine des produits. L‟espace est également le support de la notion de réseaux, sur

laquelle on peut penser des actions coordonnées au niveau territorial en montagne. Ainsi, l‟espace est le thème de la section prochaine, où nous allons développer des concepts théoriques recherchés dans l‟économie spatiale.