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UNE PREMIÈRE APPROCHE DU TERRITOIRE MARITIME

PARTIE 1 : LE SYSTÈME OCÉAN : UNE PREMIÈRE APPROCHE DU TERRITOIRE MARITIME

3.1. Du terme de « région » employé pour les océans

L’emploi du concept de région pour les océans au sein de différentes disciplines offre autant d’indices, en fonction des critères utilisés, pour analyser une première structuration des océans. L’océan est au premier abord défini par des zones à « homogénéité » physiques en fonction des systèmes de vents, de courants, de températures, de salinités et sous-entend donc des régions naturelles. « C’est donc, ici, encore, une région de l’océan mondial qui présente

des caractéristiques morphologiques, climatologiques et hydrologiques suffisamment autonomes et originales pour lui valoir de constituer un océan (…) » (Revault d’Allonnes,

1995, p.99). Mais d’autres types de région font leur apparition.

3.1.1. Les régions océaniques chez les géographes

L’emploi du terme de région peut sembler inadapté aux océans. Pourtant il est fréquemment employé. Qu’il s’agisse d’Elisée Reclus, de C. Vallaux, de J.-R. Vanney ou de A. Louchet, le terme de « région » apparaît. Il s’agit d’espaces délimitables. « On pourrait allonger la liste

de tels espaces ou volumes, tous définissables et délimitables par des « frontières ». Ces dernières sont définies comme des « gradients » ou des « discontinuités » de toutes échelles et de diverses natures » (Vanney, 2002, p.109).

En mentionnant P. Tchernia (1969), J.-R Vanney met en avant une première considération de région délimitée par l’hydrographie. « A l’intérieur de ces entités océaniques de première

grandeur, les seules sous - régions retenues par l’auteur sont celles des mers qui, par leurs limites hydrographiques tirées à la règle, du cap à un autre ou selon le carroyage géographique, sont à la géographie de l’océan un peu ce que les Etats (en pays neufs surtout) sont à la géographie des terres. » (Vanney, 1991, p.97). Le terme de région utilisé en

hydrologie est également mis en évidence par Maxence Revault d’Allonnes (Revault d’Allonnes, 1995). Ainsi parle-t-il de la région antarctique au Sud de la convergence antarctique avec trois masses d’eau structurées de manière verticale que sont les eaux supérieures antarctiques, eaux circumpolaires antarctiques et eau antarctique de fond. Il parle également de région subantarctique qui est le siège du courant circumpolaire antarctique situé ente la convergence antarctique et la convergence subtropicale. La région est aussi utilisée pour souligner la géomorphologie (Louchet, 2009 ; Revault d’Allonnes, 1995).

Jean-René Vanney souligne toutefois le fait que des « ensembles régionaux » d’autres types et à d’autres échelles peuvent se dégager. Au-delà d’être essentiellement caractérisés par l’hydrologie et l’hydrographie d’autres critères d’homogénéité se présentent : la productivité et la répartition biologique ou les zones d’activités. « Pour un tel « régionalisme » océanique,

diverses bases se présentent. Il y a des régions naturelles associées à une certaine configuration hydrographique et hydrologique. (…) Il y a aussi des unités de production : la mer des Sargasses (Atlantique subtropical) se distingue par ses caractères biologiques comme, à terre, la forêt tropicale. Il peut s’agir de formes écologiques de peuplement. (…) Il est tout aussi concevable de s’appuyer sur la diversité des structures bio-économiques des

grandes pêcheries mondiales, comme l’ont fait Hela et Laevastu (1962) et des géographes soviétiques. » (Vanney, 1991, p.97). Le terme de région apparaît également au sein de la

géopolitique des océans. H. Coutau-Bégarie consacre une partie de son ouvrage sur la région et la globalisation des océans. (Coutau-Bégarie, 2007, p.80).

J.-R. Vanney vient même à parler de régionalisation rendue possible par la présence de signes et repères : « (…) navigateurs et pêcheurs ont recueilli des indices visibles et probants, leur

permettant de tracer des lignes de démarcation, premiers jalons d’une régionalisation océanique. Pour ce faire, ils se basaient sur le comportement particulier de la mer (…) une ambiance climatique (…) étrangeté des êtres vivants (…), un flux dominant (…) ou bien un type de fond chalutable. » (Vanney, 2003, p.109).

A. Louchet, quant à lui, n’emploie que très peu le terme de région, il le sous-entend par l’identification de zones particulières. Il dresse un tableau des différents océans mais bien que cherchant à souligner les aspects humains et culturels, ceux-ci restent parfois minimes par rapport aux éléments physiques. Les éléments humains concernent surtout les aspects économiques (routes et circulations, pêche), les aspects géopolitiques, le droit ainsi que les communications. En ce qui concerne les aspects humains et culturels dans l’Atlantique, seul l’Atlantique Nord paraît intéressant. Quant au bassin occidental il est essentiellement déterminé par des aspects physiques tout comme l’identification de la région macaronésienne. Des zones culturelles sont davantage mises en avant pour la zone du Golfe du Mexique et Caraïbe, l’Océan Indien et l’Océan Pacifique. Des rappels historiques y sont présentés tout comme les points stratégiques et les enjeux. La vision portée part toutefois encore de la terre alors que le titre de l’ouvrage « La planète océane » semblerait davantage suggérer une considération partant véritablement de la mer, en assimilant les océans à des continents.

D’autres types de régions plus exhaustives apparaissent. Le géographe américain Alexander (1977) propose des définitions du concept de région et de sous-région maritime. Il décrit la région physique à laquelle appartiennent le bassin océanique et la mer semi-fermée, la région « gestion » liée aux différents usages et la région opérationnelle sur laquelle des accords sont en vigueur (Marcadon, 2001, p.20).

La discipline géographique n’est pas la seule à identifier des zones océaniques. L’apport de l’écologie fournit une autre vision régionale de l’océan qu’il nous faudra mettre en parallèle pour définir les « merritoires ».

3.1.2. L’apport nouveau de la géographie écologique

Un autre type de région est mis en évidence par les écologues : il s’agit des biomes ou écorégions. Les biomes représentent la flore dans une zone climatique donnée ce qui peut donc se rapprocher de la biogéographie. A. Longhurst dresse une géographie écologique de la mer et s’intéresse aux réponses des écosystèmes pélagiques par rapport à l’océanographie régionale. Lui-même souligne la difficulté de se livrer à un découpage des océans, espaces par définition variables et mouvants. Il pose la question « Des

partitions stables dans un océan variable ? »

(Longhurst, 2007, p.128). Quelle est la raison pour laquelle des régions possèdent des écosystèmes pélagiques caractéristiques ? Il souligne le lien entre les processus océanographiques et les caractéristiques des écosystèmes régionaux. En ce sens il apporte une connotation spatiale à des notions écologiques alors que jusqu’à présent, la biologie marine s’est intéressée aux distributions d’espèces, aux structures écosystémiques et non aux logiques spatiales de ces écosystèmes. Il parle de régions et provinces, de frontières et de discontinuités. Par exemple, les régimes physiques océanographiques coïncident avec les discontinuités primaires au sein de la biogéographie pélagique. Les biomes s’organisent en provinces. Elles sont surtout définies par la répartition de production primaire, ou chlorophylle (Longhurst, 2007, p.105). Il établit un découpage, comme le mettent en avant les appellations, déterminé par les effets latitudinaux, bathymétriques, courantologiques. D’où l’importance accordée sur la présentation de la machine systémique océanique. Les biomes s’organisent par rapport à une zonation latitudinale, calquée sur la climatologie globale, et sur une différenciation entre hauturier et côtier. A titre d’exemple, A. Longhurst distingue le « biome polaire », le « biome des Westerlies », le « biome alizéen » et le « biome côtier » (Tableau 2 et Figure 22). Les biomes côtiers sont définis par rapport aux courants et à la bathymétrie et à l’identification de grands plateaux. Ces biomes se divisent en provinces principalement identifiées par rapport au fonctionnement courantologique et aux gyres. Elles se distinguent également par une différenciation latitudinale et/ou longitudinale ainsi que par le biais de spécificités liées à des régions archipélagiques telles la « Province caraïbe » pour l’Atlantique et la « province des bassins archipélagiques profonds » pour le Pacifique.

Fig. 22. Carte des biomes atlantiques

Tableau 2. Biomes et Provinces atlantiques de A. Longhurst

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