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Les routes Amériques-Antilles : à l’interface des flux américains et européens

DE L’ITINÉRAIRE AU PAYSAGE VISIBLE

CHAPITRE 4 : SAISONS ET ROUTES ATLANTIQUES

4.2. L’Atlantique sillonné des premiers navigateurs au XXIème siècle

4.2.5. Les routes Amériques-Antilles : à l’interface des flux américains et européens

A l’automne, beaucoup d’Américains partent pour les Bahamas, première étape sur leur parcours antillais. Fin octobre ou le début du mois de novembre constitue la meilleure période pour éviter le risque des coups de vents hivernaux (Street, 1989, p.71). On l’a vu, le parallèle 30°N est la limite sud approximative pour la fréquence importante des coups de vents et la

limite nord approximative des calmes. Au sud du Cap Hatteras, les coups de vent sont en effet moindres.

Les Bermudes constituent une escale possible mais les coups de vents s’y font sentir en novembre : « Bermuda attracts gales like a magnet at this time of the year, risky landfall » (Street, 1989, p.73-74). La meilleure solution est donc d’y faire escale plus tôt en été ou en septembre et de repartir en direction des Antilles en novembre après le risque cyclonique (Cornell, 2001). De plus cette route est confrontée aux Northeasters de septembre à juin. Le cap Hatteras représente une frontière où le vent souffle contre le Gulf Stream et provoque des mers déferlantes.

En été, l’Intercoastal waterway constitue une autre option pour se rendre d’Amérique aux Antilles, mais, dès la sortie en mer, le Gulf Stream et les coups de vents font obstacle. L’étape suivante des Bahamas en direction de l’Est des Caraïbes est définie comme une « route épineuse » du fait d’un courant contraire le long des Bahamas et des alizés (Cornell, 2001, p.134). La meilleure période correspond au changement de saison quand les alizés sont moins forts et les cyclones peu importants, soit de la avril à juin ou de novembre à la mi-décembre.

En revanche le retour, parcours emprunté par les plaisanciers européens, est plus simple avec un « mouvement de bateau bien établi entre les Bahamas et la Floride tout au long de l’année (…) » (Cornell, 2001, p.133) grâce au courant du Gulf Stream. J. Slocum quitte les Antilles en juin et doit s’arrêter à Long Island après avoir affronté une terrible tempête. Si son parcours de deux ans suit les saisons recommandées, son départ des Antilles est tardif ce qui explique les mauvaises conditions rencontrées aux Etats-Unis.

Les routes des premiers navigateurs ont donc initié un système d’itinéraires repris au XXIème siècle. Mais contrairement à leurs prédécesseurs, les navigateurs contemporains possèdent, pour les pratiquants de loisirs, le choix des saisons. Ceci est moins le cas pour les convoyeurs qui doivent délivrer le bateau en temps voulu. Les saisons idéales et privilégiées existent et sont suivies, ce qui implique des flux plus importants lors de certaines périodes.

En ce qui concerne les saisons, on notera que les premiers navigateurs partent tous à peu près au même moment de l’année d’Europe : entre juin et septembre ce qui correspond également aux dates de départ conseillées au XXIème siècle.

Les premiers navigateurs représentent un modèle et un repère pour les navigateurs du XXIème siècle. Les routes sont en quelque sorte perpétuées. Ceci démontre une forme de « merritorialité ».

Qu’il s’agisse des premières routes (Figure 36), des routes commerciales (Figures 7, 27, 38, 39, 40) et des routes des plaisanciers (Figures 35 et 41), les itinéraires se suivent et forgent des disparités spatiales entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud. Enquêtes, statistiques et évènements de voile prouvent la prédominance de certains trajets pour les navigateurs européens et font apparaître des contrastes de fréquentation sur l’Atlantique (Figure 35). « L’Atlantique est parcouru en tous sens par un grand nombre de routes maritimes, bien plus

que n’importe quel autre océan et les bateaux de croisières sont allés partout, dans ses moindres recoins, des jungles étouffantes de l’Orénoque jusqu’aux fjords glacés du Groenland. Mais la plus grande concentration de bateaux de croisière se trouve en Europe du Nord et en Amérique du Nord » (Cornell, 2001, p.141). Si, au départ, le cabotage le long de la

côte africaine était réalisé, il est désormais abandonné par les plaisanciers européens qui préfèrent rejoindre les côtes brésiliennes, antillaises ou américaines. Ainsi 68,75% des enquêtés aux Açores ont effectué une transatlantique Est-Ouest par les alizés, 6,25% une Sud-Nord173, 4,16 % une Nord-Sud et 3,125% un tour du monde.

Les enquêtés ont principalement entamé leur voyage Est-Ouest en septembre alors que la traversée Ouest-Est a été réalisée en mai suivie du mois de juin ce qui souligne donc une fois de plus la saisonnalité des routes.

Cornell mentionne la présence de 3000 voiliers qui ont pris part aux rallyes transatlantiques ou tours du monde sans tenir compte de ceux qui partent individuellement. Il se focalise davantage sur les régions tropicales, où la plupart des marins naviguent ou rêvent de naviguer un jour ce qui correspond à la zone atlantique la plus fréquentée.

Mis à part les tours du monde, avec ou sans escale, en équipage ou en solitaire, les courses au large et rallyes se passent principalement dans l’Atlantique Nord avec pour certains le franchissement de l’équateur pour se rendre au Brésil comme la Transat 6.50 et la Transat Jacques Vabre.

Ces routes se structurent sous la forme de continuités et discontinuités atlantiques. Les méthodes de navigation évoluent et changent les caractéristiques de cet espace. On passe ainsi d’un espace lisse à un espace strié.

173 On entend par transatlantique Nord-Sud ou Sud-Nord, un parcours franchissant l’équateur, principalement Europe –Amérique du Sud.

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